Les Camerounais sont réticents au don volontaire
et bénévole de sang. Les médecins évoquent très souvent la peur
de ces derniers à être dépisté séropositif. Ainsi, pendant que l'Organisation
mondiale de la santé (Oms) fixe ses normes à 2 % de la population,
le pays n'est qu'à 0,05 %. La pénurie est donc criarde dans les
banques de sang des hôpitaux où la demande est par ailleurs très
importante.
Du fait des données indisponibles dans certains
structures hospitalières, il serait difficile de présenter les chiffres
exacts autant sur la demande que sur l'offre. Toutefois, à l'Hôpital
central de Yaoundé par exemple, depuis le début de l'année, on a
enregistré près de 3000 donneurs de sang pour 6000 demandeurs. Parmi
ces derniers Marie-Géraldine, atteinte d'une insuffisance rénale
depuis quatre ans et astreinte à se transfuser le sang deux fois
par mois. Un calvaire permanent. Quand on est dans la situation
de Marie-Géraldine, il faut d'abord être financièrement préparé.
"Par mois, je dois obligatoirement avoir 900 grammes de sang en
plus dans mon organisme, alors que ce n'est pas évident d'en trouver.
A l'Hôpital général de Yaoundé où je me fais dialyser, le sang coûte
cher (17500 Fcfa les 450 ml), et quelquefois on fait face à la pénurie.
Je préfère me rendre à l'Hôpital central. Là-bas au moins, en plus
des deux donneurs que l'on demande partout ailleurs, la poche de
450 ml me revient à 12000 Fcfa", explique-t-elle. Les hôpitaux de
Yaoundé sont fréquentés par des jeunes gens qui font le commerce
de leur sang comme Jean. Il s'agit généralement des adultes apparemment
bien portant. Après un bref séjour au Centre hospitalier universitaire
(Chu), à l'Hôpital général de Douala, depuis six mois, Jean s'est
finalement établit à l'Hôpital central de Yaoundé, qui serait selon
lui très fréquenté pour l'achat du sang. Il y passe toute la journée
à la quête d'un demandeur. Comme un devin, il sait lire sur les
visages et repère facilement les patients dans le besoin à qui il
propose vite ses services, dont la facture ne va jamais en deçà
de 10 000 Fcfa. Surtout parce qu'il est du groupe O Rhésus négatif
(donneur universel), c'est à dire qu'il peut donner son sang à tout
le monde sans entraîner d'accidents majeurs. A ce titre il est rare
et très sollicité.
Arnaque
L'appât du gain étant plus fort que tout, comme
certains de ses pairs, notre "vendeur de sang" ne respecte pas les
conditions de prélèvement sanguin. "Parfois je le fait deux fois
par mois. Mais je mange bien avant l'opération et de temps en temps
je prends des produits traditionnels qui donnent du sang", explique-t-il.
Une attitude dangereuse que fustige le chef de service adjoint du
service d'hématologie de l'Hôpital central, Bernard Chetcha. "Les
dons de sang de se font pas au hasard. Il y a un préalable à respecter.
Il est conseillé de manger au moins quatre heures de temps avant
le prélèvement de peur de réveiller des bactérie pendant l'opération,
avoir un âge compris entre 16 et 60 ans. Si on a déjà été prélevé,
les hommes doivent respecter un délais de trois mois et les femmes,
quatre mois. Faute de quoi, on s'expose à des dangers graves. L'examen
médical du malade est du ressort du corps médical", précise M. Chetcha.
Si Marie-Géraldine trouve son compte dans tout
ce manège, c'est parce qu'elle est assez bien introduite dans le
système. Ce n'est pas le cas de ce monsieur rencontré dans les couloirs
de l'hôpital central de Yaoundé. Nerveux, il fait des allers et
retour sur le couloir du bâtiment de la banque de sang situé à l'arrière
de l'Hôpital du jour. Il soliloque, claque les doigts, enlève et
remet ses lunettes et finit par se confier. "Figurez-vous que mon
épouse vient d'accoucher, elle a perdu énormément de sang et il
lui en faut. Elle est du groupe A, j'ai apporté deux donneurs O
rh- et on me dit qu'il n y a pas de sang disponible à l'instant.
Je sais qu'ils veulent de l'argent. Je n'en ai pas. J'ai déjà fait
le tours des autres hôpitaux, les réponses sont négatives", se lamente
t- il. A défaut d'en trouver, il devra attendre que celui de ses
donneurs soit analysé. Un travail qui peut durer trois à cinq jours
et n'est d'ailleurs pas évidente. Car selon certains responsables
de ce service, le matériel requis pour ce travail est quelque peu
vétustes et certain appareil comme celui destiné à mesurer le taux
d'hémoglobine du malade n'existe même pas. Aussi vétuste que le
décor même qu'il y a dans la salle de prélèvement. Les carreaux
sont jaunis, il n y a pas suffisamment de fauteuils et les deux
qui y sont ont pris de l'âge. Les toiles d'araignées tapissent les
recoins des murs. Crasseux. Dans ces conditions, il serait quelque
peu malveillant de parler de sécurité transfusionnelle dans ces
locaux qui ne payent déjà pas de mine et très souvent en proie à
des pannes d'électricité et même de groupe électrogène, ce qui ne
favorise pas souvent la conservation du sang prélevé. La pénurie
est certes réelle, mais une amélioration de travail dans ces services
permettraient peut être de préserver la petite quantité de sang
qui existe dans les banques.
Cathy Yogo
Lire l'article original : http://www.quotidienmutations.net/cgi-bin/alpha/j/25/2.cgi?category=10&id=1088114162
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