Au Cameroun, après 35 ans, plus d'une femme sur
trois a un fibrome utérin, une tumeur bénigne de l'utérus. Mal traitée,
cette affection peut parfois devenir problématique et occasionner
des douleurs pelviennes, des règles abondantes et, parfois, la patiente
peut observer des modifications du volume de son abdomen. Anicette
en sait quelque chose...
La bedaine aussi énorme que celle d'une femme enceinte
à terme, les mains autour des hanches, la mine défaite, la quinquagénaire
traîne péniblement le pas. Une forte douleur lui tenaille les entrailles.
Comme si ça ne suffisait pas, elle doit aussi supporter les regards
inquisiteurs des passants qui se demandent certainement comment
a-t-elle encore osé être enceinte à son âge. Pourtant, il s'agit
tout simplement d'une des multiples manifestations du fibrome qu'elle
porte depuis 3 ans, après que la maladie ait surgi sans crier gare.
"C'est au cours d'un examen gynécologique de routine que j'ai appris
que j'avais un fibrome. J'ai négligé car je n'avais pas mal. Mais
aujourd'hui c'est invivable", explique la malade.
Suzanne-Marie-Elom, du Centre de Santé Lacroix
à Yaoundé lève un pan de voile sur cette affection mal connue. "La
majorité des fibromes ne donne jamais de symptôme. Toutefois, outre
les signes de découverte mentionnés comme la pesanteur pelvienne,
la ménorragie ou l'anémie, certaines complications propres au fibrome
existent. Ça peut être une nécrose localisée du tissu fibromateux,
due à sa mauvaise vascularisation qui se traduit par une douleur
aiguë, une fièvre, une altération de l'état général. Très rarement,
le fibrome peut entraîner des compressions des organes de voisinage.
Sinon c'est une affection banale qui ne se cancérise jamais. En
revanche, elle peut augmenter de volume plus ou moins rapidement
et atteindre même cinq kilogrammes", explique la sage-femme qui
suit Anicette depuis quelques mois.
Hérédité
Bien que les causes exactes des fibromes ne soient
pas connues, différentes hypothèses ont été avancées. Outre les
facteurs familiaux et génétiques, d'autres éléments favorisants
ont été identifiés. On retrouve, en effet, un ou plusieurs fibromes
chez 50 % des femmes noires de plus de 30 ans contre 20 à 30 % chez
les femmes blanches. D'autres facteurs de risque leur sont associés
comme l'obésité, le fait d'avoir eu ses premières règles avant l'âge
de 12 ans, de n'avoir jamais eu d'enfant, ainsi que l'infertilité.
Les fibromes sont très souvent découverts au cours d'un examen gynécologique
classique. Si le toucher vaginal permet de les détecter, une échographie
pelvienne devra compléter cet examen afin de mieux apprécier les
dimensions et la forme de la tumeur et le traitement du fibrome
se fait sans problème. Mais encore faudrait-il qu'il soit découvert
à temps. "Nous déplorons le fait que les femmes consultent très
peu. Ça fait qu'on ne découvre la tumeur que très tard, quand le
mal est bien avancé", dit la dame.
Pour traiter le mal, différentes options thérapeutiques
sont disponibles. Alors que les médecins ont longtemps été contraints
de pratiquer une ablation du fibrome ou de l'utérus, il existe aujourd'hui
d'autres techniques moins traumatisantes. Rappelons tout d abord
que seuls les fibromes qui provoquent des symptômes gênants devront
être traités. En premier lieu, un traitement médicamenteux peut
être utilisé. Celui-ci repose principalement sur la suppression
de la production d'estrogènes et aussi l'atrophie du fibrome. On
utilise généralement des dérivés de la progestérone ou des antigonadotropes.
"Pour y parvenir, le traitement hormonal est souvent une simple
pilule contraceptive savamment dosée, mais peut également être délivré
par vaporisation nasale quotidienne, par implant sous-cutané ou
par injection sous-cutanée mensuelle bloquant les cycles. Des anti-inflammatoires
et des hémostatiques (pour limiter les saignements) peuvent également
compléter la prise en charge" , précise le Dr Jean-Pierre Pelage.
Mais selon ce spécialiste, l'utilité de ce type
de traitements est le plus souvent transitoire et comprend de nombreux
effets secondaires similaires à ceux de la ménopause : maux de tête,
bouffées de chaleur, sécheresse vaginale, décalcification osseuse
ou fatigue. Enfin, ce traitement onéreux n'empêche pas le fibrome
de se reconstituer quelques mois après l'arrêt du traitement. Il
continue cependant à être utilisé en préparation à l'opération pour
diminuer le volume de la tumeur afin de faciliter son ablation chirurgicale.
Cathy Yogo
Lire l'article original : http://www.quotidienmutations.net/cgi-bin/alpha/j/25/2.cgi?category=10&id=1087935790
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