Claustrés dans des laboratoires sous-équipés, des
chercheurs sénégalais tentent de mettre sur pied un vaccin qui viendra
en appoint au Bcg dans la lutte contre la tuberculose. Cet ambitieux
projet, sous la direction de l'Institut pour la recherche et le
développement (Ird), porte les empreintes du centre de santé Dominique
de Pikine, du Laboratoire de bactériologie et de virologie de Le
Dantec, du service des maladies infectieuses et de la clinique de
pneumologie du Chu de Fann.
Laennec avait, en 1819, isolé la tuberculose des
autres maladies pulmonaires. Mais c'est le médecin allemand Robert
Koch qui découvrira l'agent pathogène de la tuberculose, en 1882.
Il portera son nom : bacille de Koch. Cent vingt-deux ans plus tard,
en Afrique, au Sénégal plus précisément, dans un pays où la pauvreté
dicte encore sa loi, des chercheurs claustrés dans des laboratoires
sous-équipés tentent de mettre sur pied un vaccin qui viendra en
appoint au Bcg. Cet ambitieux projet, sous la direction de l'Institut
pour la recherche et le développement (Ird), porte les empreintes
du centre de santé Dominique de Pikine, du Laboratoire de bactériologie
et de virologie de Le Dantec, du service des maladies infectieuses
et de la clinique de pneumologie du Chu de Fann.
Le vaccin sur lequel planchent les chercheurs sénégalais,
sera testé sur un certain nombre de personnes, pour ne pas dire
des cobayes humains. Pour ce faire, explique le Dr Bouna Sall, médecin-chef
adjoint au centre de santé Dominique, des tuberculeux ont été recrutés
avec évidemment leur consentement. "Nous avons pu recruter depuis
le 1er janvier quelque 27 patients", informe le Dr Sall. "L'objectif
étant d'observer l'évolution de la maladie au sein du cercle familial",
déclare le Dr Sall. En somme, il sera procédé à une anthropologie
sociale et cuturelle qui, à terme, devra permettre d'identifier
le circuit de la maladie et les différents modes de transmission
en rapport aux us et coutumes dans les familles. C'est pourquoi,
explique le Dr Sall, la participation des familles est nécessaire
pour la réussite du projet. Et pour une meilleure adhésion de ces
dernières et des malades à ce projet, des infirmiers enquêteurs
ont été recrutés par l'Ird qui iront à l'encontre de ces derniers.
A cette première étape de sensibilisation, succède une période qui
s'étale sur trois ans et qui équivaut à la durée du projet. "Durant
cette période, une série de prélèvements, d'analyses... se fera
sur les patients et les membres de leurs familles", précise le médecin-chef
adjoint du centre de santé Dominique. Qui ajoute : "Ce qui permettra
de voir comment la maladie passe d'une personne à une autre afin
de pouvoir mettre sur pied un vaccin qui pourra désormais empêcher
la contamination." "Ce vaccin est plus ambitieux que le Bcg", dira
le Dr Sall.
Lire l'article original : http://www.walf.sn/dossiers/suite.php?id_doss=55&id_art_doss=249
ENTRETIEN AVEC...
... Dr SALIF GUINDO, Médecin-chef du centre de santé Dominique de
Pikine "La tuberculose ne se manifeste pas en flambée épidémiologique"
- Walfadjri
- Sénégal - 19/06/2004
Wal Fadjri : On a récemment annoncé une recrudescence
de la tuberculose dans le district sanitaire de Biscuiterie. Peut-on
parler d'épidémie ?
Dr Salif Guindo : On a eu à nous
signaler à la même période à Pikine, dans deux structures scolaires,
des manifestations de types pulmonaires qui, selon les responsables
de ces écoles, étaient identifiées comme la tuberculose. A la suite
d'une réunion, nous avons envoyé quelqu'un à leur rencontre pour
les rassurer en leur disant que la tuberculose a un cycle évolutif.
D'abord, il faut que ce soient des gens qui soient ensemble souvent
dans des conditions d'hygiène difficiles. Il faut qu'il y ait également,
en cas de tuberculose pulmonaire, des contacts répétés avec le malade.
Cependant, il y a chez certains individus des prédispositions qui
favorisent ce que l'on appelle la primo-infection, mais celle-ci
ne signifie pas obligatoirement la maladie tuberculeuse. Et nous
pensons que, pour le cas du district de santé de Biscuiterie tout
comme pour les établissements scolaires dont nous avons fait état
tout à l'heure, il pourrait s'agir de poussées épidémiologiques
de pathologie broncho-pulmonaire du fait des changements climatiques.
Nous émettons donc un doute à propos de cette recrudescence de la
tuberculose dont on parle parce que, dans notre vécu et de façon
générale, la tuberculose n'apparaît pas sous forme de flambées épidémiologiques.
D'ailleurs, lorsqu'un malade vient pour se faire soigner d'une toux
persistante pendant deux semaines, il faut d'abord lui faire une
épreuve thérapeutique. Et c'est après qu'il faut aller vers des
investigations qui tourneront autour des examens cliniques, radiologiques
et des crachats. Puisque parler de tuberculose revient à mettre
en évidence l'existence d'un bacille de Koch. Et comme la tuberculose
est une maladie dont le traitement minimum peut aller de six à huit
mois, il ne faut pas y aller de façon hasardeuse. Il faut être sûr
que la personne est malade. Ce qui se traduit par des signes cliniques
très prononcés, associés à des signes radiologiques particulièrement
à la bacilloscopie, c'est-à-dire l'examen de laboratoire qui identifie
l'existence d'un bacille de Koch.
Wal Fadjri : Même si, comme vous le dites, on
ne peut parler d'épidémie de tuberculose, cette maladie n'est-elle
pas toujours un des premiers motifs de consultations ?
Dr Salif Guindo : La tuberculose
est une maladie qui a existé de tout temps. Du fait de la pauvreté
et surtout aujourd'hui à cause de l'infection à Vih/sida qui, de
par sa manifestation, fragilise l'individu. A cela s'ajoute le tabou
qui entoure cette maladie que les gens ont tendance à cacher. Ils
vont souvent chez le tradithérapeute et ne vont à l'hôpital que
quand des signes manifestes d'envahissement pulmonaire sont patents.
Comme lorsque la personne crache du sang. Mais, signalons que nous
avons un nombre de cas que nous voyons régulièrement par année qui
tourne autour de 400 à 500 tuberculeux que nous prenons en charge
sur une attente légèrement supérieure. Notre centre (le centre de
santé Dominique : Ndlr) prend en charge les malades et pratique
des traitements gratuits avec ce que l'on appelle la prise assistée.
Et puisque nous sommes un centre de référence, nous comptons parmi
nos patients des gens qui habitent dans le département de Pikine,
mais aussi des malades qui sont suivis dans les autres structures
d'hospitalisation de Dakar pour la poursuite du traitement. Nous
recevons aussi des gens qui viennent de l'intérieur du pays parce
que Pikine est une zone d'exode. Et les résultats sont satisfaisants
puisque nous avons un taux de guérison qui tourne autour de 74 %
et nous voulons porter ce taux au moins à 85 %.
Wal Fadjri : Quelles sont les catégories sociales
et la tranche d'âge qui sont les plus touchées par la tuberculose
pulmonaire ?
Dr Salif Guindo : C'est, en principe,
la maladie des couches les plus démunies. Mais les couches intermédiaires
se rapprochent de plus en plus des couches démunies. Il y a comme
un nivellement de la pauvreté par le bas. Et la promuscuité, l'insalubrité,
les problèmes d'assainissement et d'hygiène sont des facteurs qui
favorisent l'éclosion et l'expansion de la tuberculose. Exceptionnellement,
on voit des gens issus des classes nanties contracter la maladie.
Pour sûr, la tuberculose n'a plus aujourd'hui de frontières. Au
niveau des âges, tout le monde peut être atteint de la tuberculose.
Mais il faut dire quand même que c'est la pathologie de l'adulte
moyen, âgé de 18 ans et plus. Parce qu'à cet âge, on a plus de contacts
que ce soit dans les milieux scolaires, sur les terrains de football…
Notons que chez l'enfant, la maladie est difficile à diagnostiquer.
Wal Fadjri : Parlant de contacts, les télécentres
ont été par exemple cités, à tort ou à raison, comme des lieux de
prédilection pour la contraction de la tuberculose. Qu'en est-il
exactement ?
Dr Salif Guindo : Il faudrait que
les gens prennent des mesures d'hygiène partout, y compris au niveau
des télécentres. Je vous donne l'exemple de notre laboratoire où
pendant plus de vingt ans, nous faisons des diagnostics et des analyses
sans qu'aucun membre du personnel ne soit contaminé par un tuberculeux.
Il faut prendre des mesures d'hygiène en désinfectant les maisons,
les lieux de travail… Parce qu'en fait, un seul contact ne suffit
pas souvent pour transmettre la tuberculose à une personne. Ce n'est
pas tous les gens qui sont en contact avec la maladie, qui la développent.
Il faudrait un "bombardement", un contact répété avec un terrain
prédisposé. D'ailleurs, dans le cadre des études que nous menons
pour la recherche d'un nouveau vaccin, nous sommes allés plus loin
en nous intéressant à ce que l'on appelle l'anthropologie, c'est-à-dire
l'étude du comportement de l'individu dans son milieu. Dans le dessein
d'identifier le circuit de la maladie. Ce qui est d'une grande importance
puisqu'on ne peut pas parler de développement tant que la tuberculose,
le paludisme et le sida règnent en maître. Toute action de développement
passe nécessairement par une lutte farouche contre ces trois pathologies.
Wal Fadjri : Comment peut-on désinfecter, surtout
dans les télécentres ?
Dr Salif Guindo : La simple aération
des locaux, c'est déjà une très bonne chose. Je pense qu'aujourd'hui,
la Sonatel demande aux télécentres d'avoir des dimensions de 12
mètres carrés. Et quelle que soit la durée de l'attente pour les
usagers des télécentres, elle doit se faire dans des conditions
d'hygiène acceptables. Il est important de rendre les lieux propres,
mais aussi de nettoyer le téléphone après utilisation, surtout lorsque
l'on constate que, parmi les clients, il y a une personne qui tousse
même si tous ceux qui toussent, n'ont pas la tuberculeuse. Et pour
la désinfection, l'eau de javel reste très efficace. Il faut aussi
que les gens aient l'habitude d'adopter des systèmes de protection
comme par exemple se couvrir la bouche lorsqu'ils toussent. C'est
des mesures élémentaires à prendre à côté de celles plus générales.
Il faut aller se faire consulter dès que l'on a une toux qui dépasse
deux semaines. Cela permet de détecter très tôt la maladie et la
soigner. Ce qui empêche son expansion, car le tuberculeux connu
n'est pas dangereux mais, au contraire, c'est celui qui est dans
l'anonymat qui pose problème. Il faut éviter de diaboliser la tuberculose,
c'est une maladie qui peut guérir et qui guérit bien. L'essentiel
c'est que les malades acceptent de se traiter. Aujourd'hui, nous
disposons d'une armada de moyens thérapeutiques à coût nul puisque
nous l'obtenons dans le cadre d'un projet. Mais tout ceci nécessite
une bonne campagne de communication pour que les populations soient
mieux informées sur la tuberculose.
Wal Fadjri : Quels sont les types de tuberculose
qui existent ?
Dr Salif Guindo : Dans notre pays,
la tuberculose la plus connue c'est la tuberculose pulmonaire et
qui est la forme la plus infectieuse. Mais il existe aussi la tuberculose
péritonéale. Cette forme de tuberculose est le plus souvent notée
chez les pasteurs de la zone du Djolof où les gens prennent du lait
qui n'est pas stérilisé. Il y a également la tuberculose ganglionnaire
et la tuberculose osseuse dont la forme la plus répandue est le
mal de Pot qui apparaît au niveau du rachis dorsal. Ce qu'il faut
retenir, c'est que la tuberculose peut toucher tous les organes.
Lire l'article original : http://www.walf.sn/dossiers/suite.php?id_doss=55&id_art_doss=250
Résurgence de la pathologie : Ces données
qui inquiètent - Walfadjri
- Sénégal - 19/06/2004
On avait cru l'avoir totalement déboutée. Mais voilà que, depuis
l'éclosion de la pandémie du Vih/Sida, la tuberculose resurgit et
avec force. Récemment, c'est tout un périmètre sanitaire qu'elle
a envahi : le district sanitaire de Biscuiterie.
Un milliard sept cent millions de personnes sont infectées par la
tuberculose dans le monde, dont 10 millions de nouveaux cas et 2
millions de décès par an. Elle est, en fait, l'infection opportuniste
la plus fréquente et la plus meurtrière dans le contexte de l'infection
à Vih/Sida. Et 95 % des tuberculeux dans le monde vivent dans les
pays en développement où la maladie constitue un problème de santé
publique. Causée par le bacille de koch (Bk), elle est responsable
de 25 % des décès évitables chez les sujets de 15 à 49 ans. La tranche
d'âge la plus touchée dans les pays sous-développés est la population
productive comprise encore entre ces deux bornes.
En l'an 2000, on a dépisté 8 934 nouveaux cas de tuberculose toutes
formes au Sénégal, ce qui représente 93,1 pour 100 000 habitants.
Et un séropositif a plus de risque de faire une tuberculose que
n'importe quelle autre personne.
Qu'est-ce que la tuberculose ?
C'est une maladie infectieuse, contagieuse due au bacille de koch.
Elle atteint principalement les poumons, mais elle peut toucher
d'autres organes comme les ganglions, les os, les reins, le cœur,
le cerveau, etc.. Elle connaît actuellement une recrudescence particulière
à cause de l'influence de l'infection Vih/Sida et de l'accentuation
de la pauvreté avec son lot de promiscuité, un peu presque partout
dans les banlieues et bidonvilles.
Comment se transmet-elle ?
Par les gouttelettes de salive ou de crachats émises lors de la
toux ou de la parole du sujet atteint de tuberculose pulmonaire.
Cette transmission est plus intense dans un local fermé et sombre
occupé par plusieurs personnes. Dans 95 % des cas, le premier organe
atteint est le poumon. Pour ce qui est de sa manifestation, selon
les médecins, le premier contact avec le Bk, ou primo-infection,
est le plus souvent sans signe apparent (95 % des cas). Elle se
manifeste sous la forme d'une fièvre discrète et modérée.
Mais quand faut-il suspecter la tuberculose
?
En règle générale, la découverte chez un sujet d'un ou de plusieurs
signes évocateurs tels qu'une toux persistante, une fièvre nocturne,
un manque d'appétit, l'amaigrissement, la fatigue, des sueurs nocturnes,
ou encore des douleurs thoraciques. Quelquefois, la maladie est
détectée chez un sujet crachant du sang après une toux.
C'est pourquoi faut-il dépister la tuberculose chez toute personne
présentant une toux traînante de plus de trois semaines. Mais aussi
chez les anciens tuberculeux présentant des symptômes respiratoires
et les enfants de 0 à 5 ans en contact permanent avec une personne
qui a la tuberculose pulmonaire. Personne infectée par le Vih.
Que faire en cas d'infection par le Bk ?
Il faut, conseillent les médecins, prendre régulièrement les médicaments
anti-tuberculeux et respecter la durée du traitement. Mais aussi
respecter les dates des examens et contrôles et cracher dans un
pot ayant un couvercle ou dans un crachoir. Et il faut se protéger
la bouche avec un mouchoir quand on tousse.
Et en matière de prévention, les spécialistes préconisent d'aérer
et de maintenir propres les locaux, de faire vacciner les enfants
et de faire la chimiothérapie pour les enfants en contact avec des
tuberculeux.
Autre conseils des médecins : consulter les membres d'une famille
où il y a un tuberculeux et se prémunir contre l'infection à Vih/Sida.
Lire l'article original : http://www.walf.sn/dossiers/suite.php?id_doss=55&id_art_doss=251
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