Depuis une semaine, des dizaines femmes et de jeunes
ont pris d'assaut les centres provisoires de dépistage anonyme et
volontaire du VIH/Sida de l'hôpital de Ourossogui et du centre de
santé de Matam. Cette ruée vers ces structures montre que les nombreuses
campagnes de sensibilisation par le ministère de la Santé et les
autres acteurs de la lutte contre le virus et la maladie dans le
Fouta commencent à porter leurs fruits.
Après l'ouverture de deux centres provisoires de dépistage volontaire
et anonyme à l'hôpital de Ourossogui et au centre de santé de Matam,
c'est la grande mobilisation. La majorité des personnes qui se rendent
dans ces structures est composée de femmes dont certaines, après
enquête, sont des veuves et des épouses d'émigrés.
Une nouvelle donne qui fait, aujourd'hui, la fierté du coordonnateur
régional du programme national de lutte contre le sida. Celui-ci,
à l'occasion d'un point de presse, parle de "victoire" sur ce qui
constituait jusqu'ici un problème difficile à aborder, malgré tous
les efforts consentis. Ces dernières années, la région de Matam
a toujours été considérée comme une des zones les plus touchées
par l'infection à Vih. On y observe une prévalence qui s'explique,
en partie, par l'ignorance, l'accès difficile aux soins, l'émigration
et les pratiques traditionnelles comme l'excision, le sororat et
le lévirat. Malgré toutes les campagnes de sensibilisation et d'information
menées en direction des populations, le changement de comportement
a tardé à voir le jour. Toutefois, grâce à l'engagement et à la
détermination des acteurs, à la tête desquels les autorités sanitaires,
la région de Matam vient de franchir un pas important dans la lutte
contre le Vih/ Sida.
Mettre fin aux rumeurs
Dans cette partie nord du Sénégal, fortement islamisée,
où le sida est considéré comme la maladie des infidèles, le manque
criant de moyens permettant de faire le test a été longtemps décrié
par les autorités médicales locales. Ainsi, en attendant l'ouverture
du centre de dépistage anonyme et volontaire prévu à Ourossogui,
le Conseil national de lutte contre le Sida a trouvé une solution
avec l'ouverture de deux centres provisoires à l'hôpital de Ourossogui
et au centre de santé de Matam. D'importants résultats sont obtenus.
Depuis une semaine, des patients viennent de partout pour demander
le test. Sous la houlette du coordonnateur régional du programme
Sida, des listes de volontaires ont été ouvertes dans les trois
départements de la nouvelle région.
À Matam, comme à Ourossogui, les laboratoires sont envahis dès les
premières heures de la matinée. Un tour sur les lieux a permis d'en
faire le constat. Dans les files d'attente, il y a une majorité
de femmes.
Interpellée sur sa présence sur les lieux, une jeune fille âgée
d'un peu plus de dix-neuf ans nous confie : "on a appris, ces derniers
temps, que quelqu'un qui vit avec le virus peut bien être sauvé
grâce à des médicaments (ndlr : antirétroviraux) mis à sa disposition.
C'est pourquoi, je suis venue à Ourossogui pour connaître mon état
sérologique."
Qu'est ce qui a donc poussé Mme Bâ à agir ainsi ? "Je vivais avec
mon mari à Bouaké, en Côte d'Ivoire, où il est décédé, l'année dernière.
En tant que jeune, il se pourrait qu'il soit mort du Sida. Maintenant
que je suis devenue veuve, je veux en savoir beaucoup plus sur ma
santé, parce que, au village, je ne suis plus tranquille à cause
des rumeurs. Aujourd'hui, après avoir pris connaissance de mes résultats,
je pourrai alors savoir à quoi m'en tenir."
Une explication avancée par toutes les autres qui ont répondu aux
questions des journalistes. À Ourossogui comme à Matam, les files
d'attente s'allongent devant les services de laboratoire. Des femmes
dont certaines sont enceintes et des jeunes garçons, venant des
villages environnants, attendent patiemment leur tour. Une forte
demande qui rend les choses difficiles pour les laborantins débordés.
Ceux-ci travaillent toute la journée.
Au moment où les choses bougent à Matam et à Ourossogui, les populations
de Kanel et de Ranérou, qui n'ont pas encore accès au dépistage
anonyme et volontaire, rompent le silence. Des listes de volontaire
au dépistage ont été acheminées à l'antenne régionale du service
national de lutte contre le Sida. Dans la ville de Kanel, par exemple,
ils sont soixante-quinze volontaires tandis qu'à Ranérou, on en
est à plus de vingt.
Victoire des acteurs communautaires
Ce qui a fait dire à Malao Sow, le facilitateur
du programme Sida à Matam, que "c'est extraordinaire ce que nous
vivons en ce moment à Matam. Le Sida a toujours été quelque chose
de tabou. Aujourd'hui, les gens, de leur propre gré, vont aux centres
dépistage. Cela est une très grande victoire pour nous acteurs communautaires.
L'érection de ces centres provisoires préfigure ce qui va se passer
quand on ouvrira les centres de dépistage. Nous sommes agréablement
surpris."
Poursuivant son propos, M. Sow s'est dit convaincu que le message
utile a été bien reçu et compris. "Ces acquis ne sont que le résultat
d'une rude bataille menée par tous les acteurs. C'est pourquoi,
nous allons en profiter pour qu'enfin le Sida soit combattu systématiquement
dans cette région. Nous n'allons pas nous arrêter en si bon chemin.
Les femmes se sont mobilisées. Il faut que les hommes suivent. En
fait, depuis quatre mois que je suis à Matam, j'ai fait des femmes
ma plus grande cible, car, comme on le sait bien, elles sont le
groupe le mieux organisé dans le Fouta", ajoute M. Sow. A l'heure
actuelle, plus de quatre-vingts projets communautaires sont financés
par le conseil national de lutte contre le Sida dans la région de
Matam. Les promoteurs de tous ces projets, qui rentrent dans le
cadre des activités de prévention et sensibilisation contre le Sida,
ont tous reçu leur chèque. Aujourd'hui, c'est plus de quatre cent
cinquante millions (450 millions) de FCFA qui ont été injectés à
Matam. Cela ne constitue, selon Malao Sow, que la première tranche
du programme communautaire.
Aly Bandel Niang
Lire l'article original : http://www.lesoleil.sn/archives/article.CFM?articles__id=38642&index__edition=10211
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