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L'actualité de la santé en Afrique

Maladies coronariennes : Pas de baisse avant 20 ans - L'express - Ile Maurice - 06/07/2004

Mauvaise alimentation, cigarettes, cholestérol... gare ! Tous ces facteurs peuvent mener au rétrécissement puis à l'obstruction des artères qui irriguent le coeur. La solution : mieux que la chirurgie, la prévention. Mais la sensibilisation effective prend du temps...

La nouvelle a de quoi déprimer : il ne faut pas s'attendre à une baisse du taux des maladies cardio-vasculaires avant au moins 20 ans. A moins d'un sursaut national qui amènerait les adultes à changer radicalement leur style de vie. Ce constat qui résonne comme une sentence est celui du cardiologue Nizam Domah, qui est, avec le Dr Udhay Shankar Ramjuttun, consultant à la Cardiac Unit de l'hôpital Victoria, à Candos.
Maurice figure parmi les premiers pays à avoir un taux record de maladies cardiovasculaires. Celles-ci s'étendent de façon exponentielle, affectant non seulement les personnes de 50 ans à monter mais aussi des sujets nettement plus jeunes, soit à partir de 35 ans.

Ce qu'on qualifiait de maladies cardiovasculaires dans les années 70, c'était surtout la maladie rhumatismale, conséquence d'une angine de la gorge, ignorée ou mal soignée et qui finissait par affecter les valves cardiaques. Lorsque les dégâts étaient irréversibles et étendus, l'intervention principale pour la maladie rhumatismale était le remplacement valvulaire par prothèse mécanique ou greffe.
Au début des années 90, les cardiologues notent un changement dans le type de maladie cardiovasculaire affectant les Mauriciens. Il ne s'agit pratiquement plus de maladie rhumatismale mais de maladies coronariennes. "Les maladies des coronaires existaient 20 ans auparavant mais leurs moyens d'investigation et de traitement n'étaient pas accessibles de manière routinière. On les traitait de façon classique en administrant des médicaments. Il faut dire qu'avec l'industrialisation, le nombre et la fréquence des maladies coronariennes ont augmenté", explique le Dr Domah.

La plus courante des maladies coronariennes est la sténose, un rétrécissement progressif d'une ou de plusieurs artères coronaires irriguant le cœur - il y a trois artères coronaires principales et trois accessoires - jusqu'à leur obstruction totale. Dans ce cas de figure, c'est l'infarctus du myocarde, la nécrose du muscle cardiaque. Le cœur mal irrigué perd sa fonction contractile et le sujet peut en mourir.

Facteurs de risque

Comme dans toute pathologie, des facteurs de risque associés à la maladie coronarienne existent. Il y a des personnes prédisposées à la sténose : ce sont les diabétiques, surtout s'ils sont fumeurs, et les hypertendus. Les autres facteurs de risque sont l'obésité, l'hypercholestérolémie ou augmentation du cholestérol et des triglycérides dans le sang, et la sédentarité. Le facteur génétique, l'hérédité et le vieillissement ne sont pas non plus à être négligés.

Chaque mal ayant un symptôme précis, le signe précurseur de la maladie des coronaires est l'angine de poitrine, c'est-à-dire l'impression d'une pesanteur ou déchirure dans la poitrine, située le plus souvent derrière le sternum et le côté gauche jusqu'au bras. Mais elle peut aussi provenir du côté droit. Ladite douleur, surtout au tout début du rétrécissement de l'artère, survient essentiellement durant l'effort et se calme à l'arrêt de la tension. D'autres symptômes peuvent être associés à ce mal comme, par exemple, une douleur dans la mâchoire, provoquée par l'effort. La maladie peut aussi être asymptomatique ou se résumer à un essoufflement, en particulier chez les diabétiques.

Une prise en charge cardiologique est nécessaire si un de ces symptômes apparaît. Le pronostic aidera alors à décider du traitement approprié. A Maurice, le cardiologue tient surtout compte du délai que le patient a mis pour se faire admettre aux soins intensifs. "Si le délai entre le déclenchement de la douleur et l'arrivée au centre est de moins de huit à douze heures, on aura tendance à donner des médicaments dits thrombolytiques, permettant de dissoudre le caillot responsable le plus souvent de l'obstruction totale de l'artère. L'électrocardiogramme et le suivi réalisés ensuite permettront de savoir si le caillot est partiellement dissous ou pas. Malheureusement, le ratio d'efficacité de ces médicaments est de 1 : 2."
En cas d'échec du traitement médicamenteux, le patient est conduit en salle de cathétérisme pour un examen d'angiographie coronaire et une angioplastie subséquente. L'angiographie est une méthode d'investigation consistant à ponctionner l'artère fémorale pour y faire monter une sonde jusqu'au niveau de l'artère coronaire soupçonnée d'être obstruée, le tout sous amplificateur de brillance. Une fois la lésion et le caillot localisés, le cardiologue pratique l'angioplastie. Il fait glisser dans l'artère un ballon contenant un petit ressort appelé stent jusqu'à l'endroit de l'obstruction. Le ressort est ensuite ouvert et, ce faisant, il écrase ledit caillot dont les débris sont évacués dans le flot sanguin. Cette intervention se pratique sous anesthésie locale et peut durer entre une demi-heure et deux heures.
Depuis février, l'hôpital Victoria possède un appareil d'angiographie coronaire. Les angiographies sont pratiquées de façon courante depuis. Les angioplasties sont pour bientôt. L'hôpital attend d'abord d'accuser réception des consommables. Présentement, les cas nécessitant une angioplastie sont expédiés au Cardiac Centre de l'hôpital SSRN où cette intervention est pratiquée par le cardiologue traitant.

Calcification d'artères

A l'étranger, les cardiologues peuvent utiliser un autre instrument lors de l'angioplastie. Il s'agit du rotablator, sorte de fraise qui rabote l'intérieur de l'artère tout en aspirant les débris. Cette technique est délicate et nécessite beaucoup de doigté. "On l'utilise surtout en cas d'artères calcifiées. A Maurice, les malades pouvant bénéficier de cette technique ne représentent que 5 à 10 % de ceux souffrant de maladies coronariennes. Comme nous n'utilisons pas le rotablator ici, on réfère ces malades à nos amis chirurgiens cardiaques qui font un excellent travail dans ce type de chirurgie." La chirurgie cardiaque est pratiquée en deuxième intention, lorsque l'angioplastie n'est pas accessible. "On y a recours en cas de multiples artères abîmées et de lésions graves. On a noté que la chirurgie donne de meilleurs résultats à court et à long termes quand il y a plus de trois artères bouchées ou quand l'obstruction est située dans des courbures ou bifurcations des artères qui sont difficiles d'accès."
Dans ces cas de figure, le chirurgien cardiaque pratique le pontage coronarien, qui consiste à prélever soit une veine des membres inférieurs, en général de la jambe, soit une artère radiale du bras, soit une artère mammaire extraite du thorax, et la suturer en aval de l'obstruction, de façon à créer un pont autour d'elle. Dans le passé, les chirurgiens prélevaient surtout des veines mais ils ont réalisé que celles-ci ont tendance à supporter moins bien la pression sanguine et à s'abîmer plus rapidement. "Aujourd'hui, les chirurgiens prennent surtout des artères pour effectuer un pontage." Cette intervention dure trois à quatre heures et se pratique au Cardiac Centre de l'hôpital SSRN. Le maximum de pontages réalisés dans cet établissement jusqu'ici s'élève à six.

Cibler les enfants

Le Dr Domah explique le taux élevé de maladies coronariennes à Maurice par le nombre élevé de diabétiques et d'hypertendus, soit respectivement 20 % et 30 % de la population adulte. Il estime qu'il faut aussi tenir compte qu'entre 42 et 45 % de la population adulte est fumeur et 20 % souffre d'une intolérance au glucose, et sont donc des cardiaques potentiels. Si l'on considère les résultats de l'étude du Dr Omar Uteem, cardiologue, qui fait état d'un taux plus élevé de maladies coronaires chez les Mauriciens de foi islamique et tamoule en raison de leur alimentation riche en viandes rouges, cela fait énormément de personnes prédisposées à souffrir de maladie coronarienne. "A l'hôpital Jeetoo, environ 20 à 30 cas d'infarctus du myocarde sont traités par mois. A l'hôpital Victoria, c'est plus que le double. Chaque jour, en consultation externe à la Cardiac Unit de l'hôpital Victoria, nous voyons en moyenne 30 nouveaux cas de maladies coronariennes."
Pour le Dr Domah, le meilleur traitement pour la maladie coronarienne est la prévention. Mais depuis plus d'une dizaine d'années, le ministère de la Santé mène campagne après campagne pour sensibiliser les Mauriciens à ce propos, sans changement majeur dans les tendances de la maladie. "Vous savez, en Europe et aux Etats-Unis, les campagnes de prévention ont débuté voilà 25 ans et c'est aujourd'hui que les résultats sont visibles. Pour bon nombre d'adultes mauriciens, c'est déjà trop tard. La prévention doit être faite dès le très jeune âge. Ainsi, on verra des résultats significatifs dans les deux décennies à venir. C'est toute une culture et un mode de vie qui doivent changer."

S'il reconnaît que le programme d'études du primaire traite de l'alimentation équilibrée et des méfaits du tabagisme, le Dr Domah est d'avis qu'il faut des campagnes concertées. "Il faut aussi sensibiliser sur la sédentarité et tous les autres facteurs de risque. Il est vrai que la caravane de santé abat un travail considérable en ce sens mais il faut aller davantage vers les gens ", précise-t-il en mettant les médias également face à leurs responsabilités.
Quelques conseils qui pourraient aider à prévenir l'apparition de sténose et le début de la maladie coronarienne : éviter le tabac, faire de la marche ou pratiquer un exercice physique trois à quatre fois la semaine pendant une demi-heure ou trois quarts d'heure et se mettre au régime alimentaire. "Je préfère dire régime car la majorité des Mauriciens n'a pas une alimentation équilibrée". Les diabétiques et les hypertendus doivent, eux, contrôler leurs maux, y compris leur taux de cholestérol et de triglycérides.

"A l'hôpital Jeetoo, environ 20 à 30 cas d'infarctus du myocarde sont traités par mois. A l'hôpital Victoria, c'est plus que le double. Chaque jour, à la" Cardiac Unit", nous voyons en moyenne 30 nouveaux cas de maladies coronariennes."

Ces chiffres qui font peur...

D'ici 2015, les décès liés à la maladie cardiovasculaire auront plus que doublé dans les pays en développement, passant de 72 millions à 167 millions, soit une hausse de 132 % en 30 ans alors que la mortalité dans les pays développés augmentera de 28 %. C'est dire que la maladie coronarienne sera le "leading killer" dans le monde. Selon la Non-Communicable Disease Unit du ministère de la Santé, la maladie coronarienne serait responsable de deux tiers des décès à Maurice. Environ 3 500 à 4 000 cas d'infarctus du myocarde sont annuellement traités dans nos hôpitaux.

Marie-Annick SAVRIPÈNE

Lire l'article original : http://www.lexpress.mu/display_search_result.php?news_id=21545


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