La 16ème conférence internationale sur le Sida
se tient du 11 au 16 juillet prochains à Bangkok. Au cours de l'année
2003, quelques 5 millions de personnes ont en effet été à nouveau
touchées par la maladie dans le monde. Ce qui, selon l'Onusida,
organisme spécialisé des Nations unies sur la question, qui publiait
il y a trois jours son rapport 2004, est "le chiffre annuel le plus
élevé depuis le début de l'épidémie". Le nombre de personnes portant
le maléfice de ce virus, de par le monde continue donc de progresser,
pour se situer à ce jour à quelques 38 millions de personnes, alors
qu'il n'était que de 35 millions un an plus tôt. Près de trois millions
de personnes, par le fait de la même catastrophe, sont par ailleurs
passées de vie à trépas l'année dernière, ce qui porte le nombre
total de personnes happées par cette hécatombe mondiale à plus de
20 millions, depuis le recensement des premiers cas, en 1981.
Y aura-t-il donc moyen d'échapper
au désastre ?
Dans une interview récente au quotidien français,
Le Monde, Peter Piot, patron de l'Onusida parle d'un cinglant "échec
de la communauté internationale puisque les traitements n'atteignent
pas la grande majorité de ceux qui en ont besoin" même si, nuance-t-il,
la volonté affichée par l'Organisation mondiale de la Santé, de
traiter, d'ici à 2005 trois millions de personnes a fini par créer
tout une dynamique. Le même homme, en visite officielle au Cameroun
en juin 2003 avait déjà fait savoir qu'il était illusoire de penser
à une quelconque inversion de tendance, si une volonté nécessaire
n'était pas affichée par les pouvoirs publics et l'ensemble du corps
social, dans le sens d'une mobilisation d'exception contre cette
grave infamie pourvoyeuse de tombes de morts anonymes. Depuis lors,
Etat et organisations publiques et privées de toutes sortes n'ont
eu de cesse de s'animer sur la question. De se donner une animation
d'autant plus forte que le chiffre autour duquel se jouent toutes
les batailles est, quant à lui, resté dramatiquement inchangé :
11,8% de séroprévalence.
On peut toutefois dire, à la décharge du Cameroun
et même de l'Afrique dans son ensemble, que ses piètres performances
ne sont plus les seules à faire mousser les spécialistes. Puisque,
toujours selon l'Onusida, les choses ne se présentent pas non plus
de manière terriblement optimiste en dans d'autres parties du monde.
Notamment, en Asie et en Europe de l'Est. Dans le premier cas où
la proportion de personnes infectées par rapport à l'ensemble mondial,
est passé de un sur cinq en 2002, à un sur quatre sur les douze
derniers mois. "L'Asie abritant 60% de la population du globe, l'épidémie
en hausse rapide qui s'y déroule a des implications énormes pour
le monde entier", analyse le même rapport. L'Onusida, relève ainsi
que, en dehors de la Thaïlande et du Cambodge, la plupart des gens
qui vivent là-bas n'ont pas beaucoup d'oreille à accorder aux campagnes
qu'on leur adresse. Tout comme on demande aux personnes qui vivent
dans les pays d'Europe de l'Est de faire tout autant attention.
Eux qui passent également le temps à se percer les veines avec des
seringues, pour s'injecter directement de la drogue dedans.
Au bilan, 1,3 millions de personnes touchées par
le virus, alors qu'il n'y en avait que 160.000 en 1995. 80% de personnes
infectées, selon le même rapport, ont moins de 30 ans. Notamment
en Russie qui compte à elle seule près de 3 millions de consommateurs
réguliers de ce type de produits. Le rapport parle aussi des cas
du Brésil qui n'a que 1% de prévalence mais où 60% des clients de
la drogue sont infectés ; des pays d'Amérique latine où les homosexuels,
notamment, creusent le lit de la maladie ; des Etats-Unis qui grimpent
de 900.000 à 950.000 cas ; de l'Europe occidentale qui va de 540.000
à 580.000 cas.
Evidemment que, dans ce contexte, le cas de l'Afrique
ne peut qu'être le plus inquiétant. 25 millions de personnes touchées
qui vivent dans l'antichambre d'une continuelle désespérance. L'Onusida
indique en effet que la séroprévalence semble plutôt se stabiliser
même si, selon elle, cette baisse de chiffres apparente ne tient,
"principalement" qu'à une "hausse des décès imputables au sida et
à une augmentation continue des nouvelles infections".
L'Afrique, seulement 10% de la population mondiale,
abrite ainsi, tout de même près de 2/3 du total des personnes infectées
par le Vih. "En 2003, poursuit l'Onusida, on estime à 3 millions,
le nombre de nouvelles infections dans la région et à 2,2 millions
celui des décès dus au sida (soit 75% des trois millions de décès
dus au sida cette année-là dans le monde)".
L'échec manifeste de ce tir de barrage est donc
analysé de manière lucide par M. Piot. Qui affirme que les campagnes
de prévention manquent pour l'instant terriblement d'efficacité
et de cohérence, alors même qu'elles sont les seules armes contre
lesquelles il serait objectivement possible d'éviter cette faillite
à quelques 25 millions de nouvelles infections, sur les 45 millions
prévues, d'ici à 2010. Les femmes et les jeunes étant notamment
les cibles favorites, notamment sur la tranche 15-24 ans.
Tous les experts, à la suite de l'Onusida, parlent
alors de déployer, en urgence, des "efforts hors du commun" ; en
commençant pas cet argent qu'il faut trouver en grande quantité.
Car, si seuls 5 milliards de dollars ont pu être mobilisés en 2003,
il faut au moins le double d'ici à l'année prochaine. 12 milliards
de dollars, selon les nouvelles estimations de l'Onusida. Et 20
milliards en 2007. Même si, avoue Peter Piot, l'Afrique est souvent
bien loin de bénéficier de cet argent. Lequel, même lorsqu'il arrive,
tombe dans les mains d'insatiables voyous à cols blancs.
Serge Alain Godong, à Paris
Lire l'article original : http://www.quotidienmutations.net/cgi-bin/alpha/j/25/2.cgi?category=2&id=1089325033
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