Les résultats obtenus par le projet sont si encourageants
que les populations bénéficiaires et les professionnels de la santé
ont publiquement exprimé leur satisfaction en soulignant que "Sokone
est un bon modèle à suivre pour ceux qui veulent appliquer les SAA.
Parfois, on mettait quatre heures avant de trouver un piroguier
pour évacuer les malades. Mais, depuis que le projet d'extension
des Soins après avortement (SAA) a doté notre poste de santé d'une
pirogue et d'une mobylette, en moins d'une heure, on peut évacuer
d'urgence les malades".
Ce témoignage, décliné avec fierté et sur un ton
empreint d'espoir pour manifester le désir de pérenniser une telle
action, est de Mbaye Diaw, infirmier chef de poste (ICP) de Baria,
une localité enclavée située à 35 km du district de Sokone, dans
la région de Fatick. Devant la grande assemblée qui a pris part,
la semaine dernière, à l'évaluation, à Sokone même, du projet d'extension
des SAA et de la planification familiale aux niveaux primaire et
communautaire, Mbaye Diaw a tenu à partager le vécu de nombreuses
femmes qui éprouvaient beaucoup de difficultés à accéder à des soins
de qualité, notamment dans le domaine de la santé de la reproduction.
Pour cette raison, il ne s'est pas empêché de qualifier les initiateurs
du projet de "sauveurs". Poursuivant, il indique : "le projet est
venu au moment où on en avait le plus besoin ".
Dans le même sillage, lance Aminata Coly Sène,
ICP : "avant l'arrivée de la charrette, je ne savais pas quoi faire
pour une évacuation d'urgence. Il m'arrivait de pleurer, craignant
d'assister, faute de moyens, à la perte d'une vie humaine". C'est
d'ailleurs pour amoindrir les risques encourus par les femmes, notamment
lors de l'accouchement et suite à des avortements, lesquels augmentent
notoirement la mortalité maternelle estimée à plus de 510 décès
sur 100 000 naissances vivantes au Sénégal, que l'initiative fut
prise, en 1998, d'étendre les SAA aux niveaux primaire et communautaire.
Et c'est le district de Sokone (situé à 47 Km de Kaolack, avec une
population de 101 523 habitants, 14 postes de santé, 24 cases de
santé fonctionnelles sur un total de 33) qui a été choisi pour abriter
le projet-pilote réalisé par l'ONG IntraHealth International grâce
à un financement de l'Usaid, en collaboration avec le ministère
de la Santé à travers son Programme national de santé reproductive.
Justifiant le choix d'intervenir dans un domaine
spécifique de la santé à savoir les Soins après avortement, Laura
Hoemeke, directrice régionale pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre
de l'ONG IntraHealth International, indique qu'un tel engagement
s'explique par la "part importante de l'avortement et de ses complications
dans la morbidité et la mortalité maternelle".
En effet, d'après les estimations de l'Organisation mondiale de
la Santé, les avortements contribueraient à près de 13 % dans la
mortalité maternelle. Un constat corroboré par d'autres études menées
dans certains établissements sanitaires et qui révèlent que les
complications liées aux avortements occupent une place importante
dans les motifs de consultation au niveau des services d'urgence
des maternités.
"En fait, entre 30 et 50 % des femmes qui se présentent
aux services d'urgence dans les maternités viennent suite à un avortement",
soutient la directrice régionale d'IntraHealth International.
Promouvoir l'implication de
la communauté
Malgré tout, la prise en charge des complications
est peu présente dans les politiques de santé. A cela s'ajoute l'accès
limité des femmes à des services de qualité, notamment en milieu
rural où l'organisation du système de référence, ainsi que les coûts
liés à l'évacuation des malades viennent se greffer à ce qui devrait
être la seule contrainte majeure : l'accès à des services de qualité.
D'où une réelle volonté d'inverser cette tendance, avec la mise
en œuvre par le ministère de la Santé d'un programme de décentralisation
des SAA du niveau central au niveau le plus bas de la pyramide sanitaire.
C'est dans ce sens qu'il faut comprendre l'intervention du Projet
Prime II de l'ONG IntraHealth International aux niveaux primaire
et secondaire dont la phase test est expérimentée à Sokone. Les
éléments essentiels du projet d'extension des SAA et de la planification
dans le district de Sokone résident dans le traitement d'urgence
des complications liées à l'avortement, la mise en œuvre de la planification
après avortement couplée à l'offre d'autres services de la santé
de la reproduction, au counselling et à l'interaction entre les
clientes et les prestataires, ainsi qu'à l'implication des communautés
pour qu'elles puissent s'approprier au finish le projet qui est
le leur. A terme, il devrait permettre, explique Mme Ndoye née Khar
Camara, coordonnatrice du projet, d'améliorer la performance des
prestataires aux niveaux primaire et communautaire et dans les structures
de références, de renforcer les systèmes de référence et de contre
référence entre les postes de santé, les cases de santé et le centre
de santé, et de promouvoir l'implication de la communauté dans la
gestion des urgences et dans l'utilisation des services.
De tels objectifs étaient nécessaires, surtout
quand les populations des localités ciblées dans le district de
Sokone étaient confrontées à une insuffisance des médicaments d'urgence
dans les postes et cases de santé, à une irrégularité des supervisions
devant être effectuées par le personnel sanitaire, à l'inexistence
d'activités d'information, éducation et communication (Iec) dans
les cases de santé et au manque de système communautaire de prise
en charge des urgences. Pour combattre ces maux, l'intervention
du Projet Prime II d'IntraHealth International a fait de la formation
en SAA et en planification familiale (PF) des ICP, sages-femmes
et prestataires exerçant en milieu rural, l'épine dorsale de ses
activités.
MAÏMOUNA GUEYE
Lire l'article original : http://www.lesoleil.sn/archives/article.CFM?articles__id=39489&index__edition=10230
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