Ces chiffres traduisent peu la réalité, car ils
ne prennent pas en compte le nombre important de patients qui considèrent
le choléra comme une maladie mystique relevant de la compétence
des tradipraticiens, encore moins ceux qui ne peuvent accéder aux
soins, faute de dispensaire proche de leur village.
Cette maladie de la pauvreté a donné lieu, de la part des pouvoirs
publics, à un semblant de mobilisation. Mais les campagnes dites
de sensibilisation ne sont pas à la hauteur de celles connues par
le passé. La preuve : six des dix provinces du Cameroun sont tombées
les unes après les autres. Devant l'avancée de la maladie dont les
causes sont à rechercher dans le non respect des règles d'hygiène,
la paupérisation croissante des masses, et face aux demi-mesures
prises par les pouvoirs publics, Mutations sonne l'alerte. Voici
la radiographie du choléra au Cameroun.
Epidémie. Le vibrion du Renouveau.
La montée du choléra s'explique par la croissance de la pauvreté.
Le choléra gagne de plus en plus du terrain au
Cameroun. Il y a cinq ans, l'Organisation mondiale de la santé chiffrait
à 326 le nombre de cas de choléra, et à 35 l'effectif des personnes
décédées des suites de cette maladie. En cinq ans, la situation
s'est aggravée. "De janvier à juillet 2004, reconnaît le ministère
de la santé, 6377 cas de choléra avec 128 décès ont été enregistrés".
Les provinces du Littoral, de l'Ouest, du Sud-ouest, de l'Extrême-Nord,
du sud et du Centre sont les plus touchées. Si le minsanté se contente
de placebo, comme semble être le cas, pour contenir le mal dans
ses foyers actuels, le sursis des autres provinces ne saurait perdurer.
De manière générale la pandémie opère un come-back à travers le
Tiers-monde. Le nombre de cas recensé par l'organisation mondiale
de la santé s'élevait à 254 310 dont 9175 décès en 1999.
Deux ans auparavant, la même source dénombrait 147 425 malades de
choléra et 6274 décès. Des données sûrement en dessous de la réalité,
si l'on tient compte du taux d'accès aux structures hospitalières,
de la mauvaise tenue des statistiques et du nombre de malades qui
recourent aux tradipraticiens dans les pays en développement.
En Afrique, estime l'Oms, le nombre de malades
a augmenté de 53% entre 1995 et 1996, alors que dans les autres
continents, on enregistrait une régression. L'Oms explique ce retour
en force du choléra dans le continent par la détérioration des conditions
d'hygiène consécutive aux désastres humanitaires. Soit. Mais le
Cameroun ne connaît pas un conflit armé comme en République démocratique
du Congo ; ses rivages n'ont pas été balayés par un cyclone comme
ce fut le cas à Madagascar; les pluies diluviennes qui transformèrent
le Mozambique en un lac nous ont jusqu'ici épargné ; sauf à remonter
aux années de guerre civile au Tchad, le pays n'est le théâtre de
déplacements massifs de population.
Pauvreté
Comment dès lors expliquer le retour du choléra
dans nos murs ? Comment justifier les 128 morts enregistrés en sept
mois dans les dispensaires et hôpitaux ? Sans doute incriminera
t-on la qualité de l'eau de la Société nationale des eaux du Cameroun,
les conditions d'hygiène dans les élobi, le conditionnement des
aliments consommée par les victimes la contamination suite à l'autopsie
traditionnelle .. Mais on devrait aussi dire un mot sur la misère
des populations.
La pauvreté fait le lit du choléra. Une enquête sérieuse sur le
niveau de vie des victimes du cholera qui sévit dans six des dix
provinces du Cameroun en dirait long sur les liens de parenté entre
le vibrion cholérique et le Renouveau.
Pour mémoire, les spécialistes estiment que le
choléra nous vient du sous-continent indien. Il y a été confiné
jusqu'en 1817, date à laquelle il opère une incursion en Asie, en
Afrique, au Moyen-orient. Au fil des décennies, plus les moyens
de transport se sont améliorés, plus les hommes se déplacent, plus
le choléra se répandait. Progressivement, il a gagné les territoires
jadis à l'abri. Du début du 20è siècle à ce jour, la planète a déjà
subi au moins sept pandémies, aussi sévères les unes que les autres.
Les chroniques font mention de dizaine de milliers de morts enregistrés
en Indonésie (1961) en Asie (1962), en Europe et au Moyen-orient
(1965). Plus près de nous, en Afrique, le choléra connut ses moments
fastes dans les années 1970.
Au Cameroun cette irruption du choléra suscita une large mobilisation.
Les pouvoirs publics lancèrent à l'époque une vaste campagne de
sensibilisation qui toucha tous les coins du pays et toutes les
couches de la populations. Les murs des villes et des villages étaient
tapissés d'affiches qui décrivaient le processus de transmission
de la maladie, ses symptômes…
Sur les ondes de la radio, les élèves de l'école catholique de Nkol-Ewé,
dans une chanson restée célèbre, donnait, chaque jour, des conseils
pratiques aux populations. A la suite de la campagne, activement
soutenue par l'Organisation mondiale de la santé et la Croix rouge,
le choléra battit en retraite.
Xavier Deutchoua
Lire l'article original : http://www.quotidienmutations.net/cgi-bin/alpha/j/25/2.cgi?category=all&id=1090188153
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