Le Médecin-Général Jean Le Berre, directeur de
l'hôpital Principal de Dakar, quitte la direction de la structure
sanitaire après quatre années de présence. Une cérémonie d'adieu
est d'ailleurs prévue demain après-midi, à 16 heures, à l'Ecole
de Santé Militaire, en présence du chef d'état-major général des
Armées. Désigné pour accompagner la restructuration de l'hôpital,
le militaire pense avoir satisfait sa lettre de mission. L'esprit
de la réforme hospitalière est acquis dans la structure. Il pense
également avoir réussi sa mission de préparer la relève à la tête
de l'hôpital. L'hôpital demeure encore aujourd'hui un cadre de référence
dans la sous-région et dispose d'un plateau technique très relevé
avec des compétences avérées.
Le militaire, qu'il est, a la conscience tranquille.
Du fait d'une mission "accomplie". En effet, après quatre années
de bons et loyaux services, le médecin-général Jean Le Berre s'apprête
à rejoindre sa 16ème affectation. Une affectation qui prend les
allures d'un retour aux sources, à Lyon, où il avait déjà commandé,
au cours de sa 6ème affectation, la Compagnie de l'Ecole du service
de Santé militaire. Seulement, une rétrospective de ces quatre dernières
années permet de saisir l'étape parcourue par l'homme dans ses fonctions
de directeur de l'Hôpital Principal de Dakar (HPD). "Je suis arrivé
au Sénégal en 2000 dans le cadre de la convention franco-sénégalaise
concernant l'HPD et signée le 24 décembre 1999, entre les gouvernements
français et sénégalais. La mission était de restructurer l'hôpital
dans le cadre de la convention portant réforme hospitalière, en
1998, et préparer le transfert des responsabilités de l'hôpital
public à statut spécial aux spécialistes sénégalais, que ce soit
au niveau des postes de chef de service ou de la direction".
Fier d'avoir contribué au rayonnement d'une structure
hospitalière de référence, qui va fêter ses 120 ans le 1er août
prochain, le général français, longiligne, au commerce agréable
et dans son strict uniforme immaculé des troupes d'Outre-mer, pense
avoir pu "accompagner le changement de statut" devant aboutir à
un "transfert de responsabilité".
Il convient de noter que la structure était un "hôpital colonial
au début et est devenu, au moment de l'indépendance, hôpital militaire
franco-sénégalais avec la restructuration des infrastructures au
Sénégal, en 1971". Le transfert définitif a lieu en décembre 1999.
Ce n'est qu'en 2001 que l'HPD est devenu, à la faveur de la loi
du 10 janvier 2000, un établissement hospitalier public à statut
spécial. Ce statut spécial recouvre la réalité que l'institution
"relève exclusivement de la tutelle du ministère des Forces armées",
selon le général Le Berre.
Avec ses 21 coopérants techniques français et ses 1100 personnels
sénégalais (dont 900 civils), le militaire a surtout voulu impulser
une rigueur toute militaire à tous ses agents en vue de parvenir
aux objectifs. Ceux-ci devaient se traduire par un suivi de la réforme
hospitalière. Hôpital général, sous tutelle du ministère des Forces
armées certes, le directeur voudrait qu'il soit perçu comme "ouvert
à l'ensemble de la population sénégalaise riches comme démunis".
C'est ainsi qu'il révèle que "99 % des malades sont des Sénégalais
ou de la sous-région (Mauritaniens, Maliens, Guinéens…). Seulement
1 % des malades sont des étrangers ressortissants des 72 ambassades
représentées à Dakar".
Urgences médicalisées et chirurgicales
de pointe
Au chapitre de ses satisfactions, il note toutes
les "spécialités médicales représentées dans l'hôpital. Mais, ce
sont les urgences qui constituent l'activité prioritaire de cet
établissement hospitalier : urgences chirurgicales avec les accidents
de la route, urgences médicales avec les grandes complications du
paludisme, des méningites, du diabète, urgences maternelles, urgences
néonatales et pédiatriques". Sous sa direction, l'hôpital devra
étrenner son deuxième service de réanimation, deux nouveaux services
pédiatriques, "capable de sauver des bébés de 800 grammes", souligne
le général. L'objectif affiché, avec la création du nouveau service
d'accueil des urgences, est de "répondre aux critères internationaux.
D'ailleurs, nous avons fait venir un coopérant français et formé
un commandant sénégalais pour les urgences". L'érection de ce service
a été faite au cœur des blocs opératoires en vue du transfert rapide
et de l'administration des soins nécessaires aux malades.
L'autre pendant de cette médecine d'urgence est symbolisé par le
partenariat noué avec les Sapeurs pompiers. Ainsi, sur demande de
ces derniers, une ambulance, véritable bloc opératoire équipée d'un
matériel ultramoderne, pourrait se déplacer pour agir sur place
sur des cas dont le transfert risque de poser problème ou aggraver
le pronostic vital des patients. C'est à cet effet, d'ailleurs,
que le général Le Berre a demandé au directeur de la Santé militaire
d'affecter deux médecins aux Sapeurs. Ceux-ci ont été également
formés aux tâches d'urgentistes. "Nous avons créé toute la filière
de ramassage des urgences. Notre ambulance offre des services publics
qui ne sont pas facturés, même si chaque sortie nous coûte 150.000
francs Cfa. Mais, nous ne nous déplaçons que lorsque les Pompiers
nous appellent", affirme catégorique le directeur.
Sur les termes de sa mission, le général est catégorique : "le transfert
est presque passé". Refusant de tirer le travail accompli à son
profit personnel, il met en avant son rôle de "chef d'orchestre
dans cette grande famille qui a retrouvé sa cohésion". Aussi, il
fait remarquer que la propreté dans l'espace, qui reçoit 5000 personnes
au quotidien, découle d'un état d'esprit entretenu par les travailleurs
mêmes. "Le personnel est ici responsable de son outil de travail
et prêche par l'exemple".
Relève sénégalaise a pied d'oeuvre
La relève semble assurée du fait que le colonel
professeur Boubacar Wade assure les fonctions de directeur adjoint
et de président de la Commission médicale d'établissement. Le nombre
de chefs de service sénégalais est de l'ordre de 80 %. Et bon nombre
de ces chefs de service sont agrégés. "La France s'était engagée
à accompagner la formation du personnel. C'est à cet effet qu'elle
a consenti un investissement sur du matériel lourd. Nous disposons
du plus beau plateau en radiologie moderne en Afrique francophone.
Nous avons également une imagerie par radio médicale, mais il faudrait
que le Sénégal se dote encore de matériels modernes. Nous comptons
aussi deux scanners qui effectuent une cinquantaine de d'explorations
par jour. Nous ambitionnons aussi d'investir dans la formation en
techniques biomédicales", révèle le médecin général, anesthésiste.
Convaincu que le rôle de l'hôpital se résume aux soins administrés
et à la formation prodiguée, le directeur avance que "des efforts
faramineux sont faits pour la formation aussi bien en interne qu'en
externe. Nous recevons quelque "57 Faisant fonction d'interne" et
devrons accueillir, dans les trois prochains mois, 72 stagiaires
européens. Cette confiance des institutions universitaires est une
reconnaissance internationale". C'est aussi la preuve que l'HPD
est un centre hospitalier universitaire de renommée internationale.
L'HPD, par la voix de son directeur, veut mettre l'accent sur la
"gestion prévisionnel des ressources humaines".
C'est avec un optimisme mesuré que le directeur souligne que sa
structure sanitaire est la "seule qui vit en autonomie de gestion
complète. Nous assurons la totalité de ses charges et salaires des
1100 personnels sénégalais civils comme militaires. Les salaires
des coopérants français sont assurés par la France".
Voulant rompre avec le cliché que l'hôpital soit l'espace de soins
des couches aisées ou des Blancs, le général témoigne que "60 %
des malades sont des fonctionnaires, 25 % des malades particuliers
à leurs fonds et 15 % des malades démunis insolvables. Malades souvent
très graves amenés par les Sapeurs pompiers ou venant d'autres hôpitaux,
ils sont soignés exactement comme les autres alors que l'hôpital
ne récupère aucun règlement". Il illustre le tableau par le fait
qu'un brûlé à 50 % au 3ème degré "revient à un million de francs
CFA par jour et ils sont malheureusement, souvent, les plus démunis".
Le manque à gagner induit par les 15 % de malades démunis est compris
entre 400 et 600 millions de francs. Les tarifications n'ont pas
bougé depuis 16 ans, signale le directeur. "L'HPD est une pierre
supplémentaire du rayonnement du Sénégal en Afrique et de par le
monde. Il est en effet le point d'appui hospitalier lors des visites
officielles de chefs d'Etat étranger comme ce fut le cas pour les
présidents Clinton et Bush", selon le général Jean Le Berre.
L'autonomie de l'hôpital se conjugue en réserves conséquentes en
sang. L'HPD dispose en permanence de 3000 donneurs de sang.
Coopération hospitalière décentralisée
L'hôpital a aussi développé des relations, conformément
à une demande expresse, avec d'autres structures hospitalières.
C'est ainsi qu'avec l'hôpital de Thiès, la coopération est d'aider
à la formation, alors que la prise en charge des urgences est mise
en relief avec l'hôpital de Saint-Louis. Disposant de 400 lits,
l'hôpital est jumelé avec d'autres hôpitaux français.
C'est avec une note d'espoir que le directeur prendra, sous peu,
congé de ses agents : "l'important est de faire savoir aux Sénégalais
que dans les plus graves cas, ils pourront être soignés à l'hôpital
Principal. Le transfert total des responsabilités devrait être bientôt
effectif avec bien sûr toujours un échange permanent des expériences
et des compétences des spécialistes français et sénégalais. Les
maladies tropicales s'apprennent ici. Les affections cardiologiques
que l'on dépiste de plus en plus à l'HPD sont moins maîtrisées à
l'hôpital Gustace Russy à Paris. Dans le monde actuel, nous avons
tous besoin les uns des autres afin d'apporter aux patients les
soins les meilleurs".
IBRAHIMA KHALILOULLAH NDIAYE
Lire l'article original : http://www.lesoleil.sn/archives/article.CFM?articles__id=39337&index__edition=10227
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