Le département d'Odontologie de la Faculté mixte
de Médecine, de Pharmacie et d'Odontostomatologie de l'Université
Cheikh Anta Diop de Dakar a tenu, samedi dernier, sa deuxième journée
scientifique. Cette journée s'inscrit dans le cadre de l'animation
scientifique de la Faculté, au même titre que les autres départements,
explique le professeur Boubacar Diallo, président du comité scientifique.
Le thème retenu cette année pour ces échanges scientifiques,
auxquels ont activement pris part ceux qui interviennent directement
dans la chirurgie dentaire, que ce soit dans les cabinets ou au
niveau de l'institut d'Odontologie et de Stomatologie, a porté sur
les infections. "Un tel choix se justifie, soutient le Pr. Boubacar
Diallo, par la recrudescence des infections, mais aussi et surtout
par l'apparition aujourd'hui de nouvelles pathologies infectieuses
comme le Sida, l'hépatite B et C, la tuberculose (une maladie qui
est en train de ressurgir), entre autres". Et le cabinet dentaire
est un lieu où se font régulièrement des actes pouvant entraîner
des infections.
En effet, dans les pratiques quotidiennes, il y a deux liquides
biologiques à savoir le sang et la salive qui sont des vecteurs
de maladie, en ce sens qu'on y note la présence de virus et d'autres
corps pouvant engendrer des infections. "De toute façon, note Pr.
Boubacar Diallo, les infections qui peuvent naître d'une telle pratique
peuvent être prévenues, tout comme elles peuvent être traitées quand
elles sont déjà présentes". Mais, cette volonté à vouloir prévenir
les infections est rendue difficile par un contexte pas du tout
favorable en Afrique et relatif à une prise en charge précoce. Car,
"en Afrique, il est fréquent de voir des retards de consultations.
Souvent, quand le malade arrive, il est déjà au stade inflammatoire",
se désole-t-il.
Cela est, pour le président du comité scientifique de la deuxième
journée scientifique du département d'Odontologie de l'Ucad, dû
à une ignorance des populations. "Mais, il faut dire que nous avons,
en tant que praticiens, une part de responsabilité dans la prolifération
de telles attitudes et comportements, même s'il se pose avec acuité
le problème des infrastructures et celui d'accès aux soins et aux
praticiens".
Citant un exemple, le Pr. Boubacar Diallo indique
qu'en cas d'infections classiques quotidiennes, il faut mettre en
adéquation la molécule antibiotique et le microbe responsable. Pour
cela, il faut faire un antibiogramme. Malheureusement, "les chirurgiens
dentistes ne le font jamais ou rarement", regrette-t-il. A la place,
ils font plutôt une antibiothérapie probabiliste, parce qu'ils connaissent
les germes de l'écosystème de la bouche.
Certaines infections, signes
de maladies graves
Par ailleurs, il y a un autre phénomène, fait savoir
le président du comité scientifique de la deuxième journée scientifique
du département d'Odontologie. "Une infection au niveau de la cavité
buccale peut se répercuter sur d'autres organes comme le cœur, les
reins, les poumons et au niveau des articulations". Il est ainsi
question des infections focales qui agissent à distance. A côté,
il y a les infections virales et fongiques (ndlr : dues à des champignons).
L'intérêt à connaître ces infections buccales réside dans le fait
que dans certains cas, leurs manifestations sont des signes de maladies
graves comme le Sida. Auquel cas, l'odontologiste a un rôle de sentinelle,
déclare Pr. Boubacar Diallo.
L'évocation de toutes ces considérations nécessite
une formation de qualité des chirurgiens-dentistes, notamment dans
le domaine des prescriptions médicales sur lesquelles la communauté
scientifique doit s'accorder, surtout en ce qui concerne l'antibiothérapie.
Avec les divergences relevées d'un praticien à un autre, il importe,
dorénavant, d'aller vers une mise à niveau pour que les posologies
soient les mêmes, quel que soit le praticien contacté. C'est justement
l'objectif poursuivi par le département d'Odontologie de la Faculté
de Médecine de l'Ucad à travers ses volets formation académique
et formation continue. D'ailleurs, le véritable prétexte de l'organisation
de journées scientifiques du département d'Odontologie est de faciliter
la formation. C'est ainsi que cette rencontre était l'occasion de
lancer les jeunes assistants qui ont eu à présenter des communications
sur les thèmes qui les préoccupent, informe le Pr. Boubacar Diallo.
"En outre, souligne-t-il, nous en avons profité pour réactualiser
les connaissances et les supports scientifiques afin d'assurer aux
jeunes enseignants une meilleure préparation à des concours de haut
niveau comme celui de l'Agrégation". Et pour faire de la formation
une réalité au niveau du département, l'Unité de formation permanente
(Ufp) a été lancée au cours de cette journée. Cela afin de "nous
mouvoir et de permettre une mise à niveau par rapport à la communauté
scientifique", insiste le Pr. Boubacar Diallo.
Embouchant la même trompette, le Pr. Pape Demba
Diallo, chef du département d'Odontologie, déclare que "cette rencontre
doit permettre les conditions d'une avancée scientifique et clinique
et constituer un moment de formation continue utile dans la démarche
qualité devant prévaloir dans nos cabinets et dans notre institution".
C'est ainsi que pour le Dr Babacar Touré, l'Ufp doit répondre avec
précision à la fois à la demande des patients à qui l'on doit prodiguer
des soins de qualité et développer le niveau de compétences des
praticiens. Pour atténuer les infections qui prennent de plus en
plus de l'ampleur, le Pr. Boubacar Diallo estime qu'il faut mettre
en place un large programme d'Information d'éducation et de communication
(IEC) à l'intention des personnels de santé et du public. Il faut
également que "les chirurgiens dentistes, eux-mêmes, élèvent leur
niveau de culture médicale. Bref, il faut qu'ils s'élèvent au-delà
de la dent", estime-t-il.
MAÏMOUNA GUEYE
Lire l'article original : http://www.lesoleil.sn/archives/article.CFM?articles__id=39675&index__edition=10235
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