Absence de cadre légal, charlatanisme, non-implication
des guérisseurs dans la résolution des problèmes de santé constituent,
entre autres, les problèmes auxquels la médecine traditionnelle
est confrontée. Conséquence, le secteur est envahi par des personnes
aux compétences douteuses, au grand dam des populations. Pourtant,
la reconnaissance de la médecine traditionnelle dans notre pays,
à l'instar du Mali, du Bénin et d'autres pays africains contribuerait
à la résolution des problèmes de santé des populations.
A l'occasion de la célébration de la deuxième Journée
africaine de la médecine traditionnelle, l'Ong "PROMETRA/Sénégal"
a organisé une marche pacifique, le week-end passé, pour sensibiliser
les autorités gouvernementales sur la nécessité de mettre en place
une loi réglementant la médecine traditionnelle dans notre pays.
C'était samedi dernier. La marche est partie de la place de l'Obélisque,
sur l'avenue du général De Gaulle, jusqu'à la "Radio-Télévision
sénégalaise" (RTS).
Des vieux bardés de gris-gris, des femmes habillées en bleu et aux
couleurs du drapeau national et d'autres avec des morceaux de tissus
en bandoulière où l'on pouvait lire le sigle de l'ONG "Prometra"
étaient de la partie. Les marcheurs étaient divisés en plusieurs
rangées. Parmi ces guérisseurs, on a pu noter la présence de célèbres
"Saltigués" de la région de Fatick parmi lesquels Nar Ngom, Khane
Diouf, etc. Chaque rangée avait une banderole où était inscrit un
slogan. Ainsi, on pouvait lire, entre autres slogans, "légalisation",
"une loi pour sécuriser les populations", "charlatans hors de nos
rangs", "faire avancer la santé en Afrique par la médecine traditionnelle",
"la médecine traditionnelle, une médecine pour tous", "collaboration
entre médecine Traditionnelle et médecine Moderne", "une loi tout
de suite et maintenant".
Pour les tradipraticiens regroupés au sein de PROMETRA, une base
légale est nécessaire pour donner plus de crédit à leur activité.
D'autant que la médecine traditionnelle fait partie intégrante de
nos réalités socioculturelles. Déjà, en 1978, la déclaration d'Ata
reconnaissait le rôle de la médecine traditionnelle dans l'application
de la politique "Santé pour Tous". Plusieurs résolutions, notamment
la résolution du comité régional de l'OMS pour l'Afrique de 1984,
la déclaration de Dakar en 1999 et celle de Durban en 2000 recommandaient
les Etats en général et les Etats africains en particulier, de légaliser
la médecine traditionnelle et de l'intégrer dans les systèmes de
santé. Le recours à cette forme de médecine est un réflexe pour
certaines personnes et relève de leur subconscient. En plus, il
y a un autre argument de taille qui milite en faveur d'une reconnaissance
de cette activité. C'est l'argument économique. Le Pr. Hervé Delauture
de "Enda Tiers Monde" dira à ce propos que "la colonisation économique
est pire que la colonisation politique, parce qu'elle agit de façon
insidieuse". En effet, la majorité des populations ne peuvent pas
se faire soigner dans les services hospitaliers du fait du coût
élevé des produits pharmaceutiques hors de portée des patients.
La médecine traditionnelle apparaît alors comme la seule alternative.
C'est pourquoi on pouvait lire sur les banderoles, ce slogan : "la
médecine traditionnelle, une médecine pour tous". L'adoption d'une
loi permettrait de lutter contre certaines pratiques que les marcheurs
ont qualifiées de charlatanisme. Un point de vue partagé par le
Pr. Delauture selon qui " c'est l'absence de lois qui fait que les
véritables guérisseurs subissent la concurrence d'escrocs sans foi
ni loi. "Les guérisseurs doivent êtres protégés en leur conférant
un statut", a-t-il dit.
Une réponse vigoureuse au charlatanisme
"La renaissance de la médecine traditionnelle au
Sénégal, passe par sa reconnaissance", a-t-il ajouté. Les guérisseurs
ne sont pas contents de la manière dont les tradipraticiens nigérians
exercent cette profession. Selon le docteur Fadia Faty, pharmacien
de son état et secrétaire général de PROMETRA, "la présence des
Nigérians est une menace grave pour la santé des populations. Ils
font du charlatanisme par leur publicité tapageuse et mensongère.
Parce qu'on ne peut pas se permettre de dire qu'on soigne toutes
les maladies. Même au niveau de la médecine moderne, les spécialités
ont été définies afin qu'un médecin puisse référer un malade à un
autre médecin".
Selon lui, cette situation pouvait être évitée, si les autorités
avaient permis aux guérisseurs organisés de se regrouper autour
de l'essentiel. De ce fait, ils pourraient apporter des réponses
satisfaisantes à la santé des populations. Aussi, un cadre légal
permettrait d'ouvrir une collaboration franche et utile entre la
médecine traditionnelle et moderne pour le bien des populations.
De l'avis des responsables de PROMETRA, la légalisation
et la réglementation de la médecine traditionnelle ouvriraient une
nouvelle ère dans la prise en charge de la santé des populations.
Pour Fadia Faty, "l'implantation de case de santé traditionnelle
à côté des services hospitaliers va contribuer à une meilleure couverture
sanitaire avec plus d'efficacité. Parce que si un médecin rencontre
des difficultés, il pourra se référer à un guérisseur reconnu et
inversement". De ce fait, les malades ne courront plus le risque
d'être appâtés par des gens crapuleux et aux capacités douteuses.
En outre, cette perspective permettrait de cataloguer les plantes
médicinales traditionnelles que nos ancêtres utilisaient pour soigner
les maladies. C'est aussi un devoir culturel, parce que 85 % des
populations au sud du Sahara ont recours à la médecine traditionnelle
pour leurs soins de santé. Enfin, les résultats obtenus par la médecine
traditionnelle dans le traitement de certaines affections courantes
incitent d'aller dans ce sens.
MAMADOU GUEYE (stagiaire)
Lire l'article original : http://www.lesoleil.sn/santeenv/article.cfm?articles__id=41635
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