Des faits sur la mauvaise santé
reproductive de la femme à nous exposés à Saly Portudal au Sénégal
lors de l'atelier sur "Santé reproductive et mutations socio- économiques
en Afrique : apport des médias dans le renforcement des capacités
des femmes", ceux sur les fistules vésico-vaginales ont le plus
retenu notre attention. Ce drame que vivent des milliers de femmes
en silence dans nos pays. Parce que c'est honteux d'en parler, la
femme qui a donné la vie, finit par devenir un paria dans la société.
De cette autre rançon à payer pour donner la vie, Mme Aïssé Diarra,
Malienne, sociologue, chercheur sur les questions de développement
en général, de la santé publique en particulier, nous en parlé.
Elle dont le pays a décidé de prendre à bras le corps le problème.
Et là-bas à Bamako, on appelle ces femmes qui souffrent de ce "mal
être" après l'accouchement : les fistuleuses.
Déchirure de la vessie ou déchirure
de la vessie, de l'anus et de l'utérus
Pendant l'accouchement la vessie
de la femme peut se déchirer : c'est la fistule vésico-vaginale.
Ainsi, la vessie et le vagin ne font plus qu'un, sans aucun espace.
Il peut se trouver que, en plus de la vessie, l'anus et l'utérus
se déchirent pendant l'accouchement. Dans ce cas- là, il s'agit
de la fistule recto-vésico-vaginale. Ces trois organes ne sont plus
séparés.
Si dans le premier cas la femme ne peut plus retenir seulement l'urine,
dans le deuxième cas, elle est dans l'impossibilité de le faire
pour les selles.
Alors imaginer ce drame de ne pouvoir uriner et aller à la selle
quand l'on veut mais à tout moment, parce qu'aucune rétention n'est
possible. Ne parlons pas de la gêne que cela occasionne non seulement
pour la femme, mais aussi pour l'entourage.
Les fistuleuses de Bamako
On ne parle pas de la fistule vésico-vaginale
ou de la fistule recto-vésico vaginale, non parce qu'il n'y a pas
de cas dans nos pays, mais seulement parce que les femmes ont honte
d'exposer ce problème. Un gynécologue d'expérience d'Abidjan à qui
nous avons exprimé notre besoin d'en savoir un peu plus sur ces
fistules en Côte d'Ivoire, nous a expliqué qu'il ne connaissait
pas de cas. Même s'il sait qu'il doit en exister.
A Bamako, au Mali, les fistules sont sorties de l'ombre depuis quelques
années, même si cela n'a pas diminué la souffrance des femmes dans
leur chair.
Parce que ces femmes qui sont obligées
de mettre des couches en permanence, qui dégagent une mauvaise odeur,
sont dans tous les cas répudiées du foyer, sinon mises en marge
de la société. Aussi, pour survivre, des "fistuleuses" dont le nombre
ne cessait de croître, ont décidé de faire la lessive pour les malades
dans les hôpitaux de la capitale malienne. Dormant après le "boulot"
dans des endroits fortuits. L'épouse de l'ancien Président du Mali,
Mme Konaré, sensible aux souffrances de ces femmes qui ont décidé
de se prendre en charge, leur a offert un toit. Ainsi est né le
centre "Oasis". Qui donnera le courage à plusieurs autres femmes
qui n'osaient pas déclarer leur mal, de se dévoiler.
Les couches, les désinfectants
et la chirurgie
Le centre "Oasis" donne le gîte
aux "fistuleuses" et des ONG des couches, des désinfectants et le
traitement chirurgical. A Bamako, une ONG suisse Yamalé, a signé
un contrat avec des urologues pour faire subir aux "fistuleuses"
des interventions chirurgicales, seule issue (quand elles sont réussies,
ce qui n'est pas toujours le cas) pour s'en sortir. Médecins du
Monde offre le même service à Mopti. En plus de cette prise en charge
médicale, ces ONG distribuent des couches aux femmes qui souffrent
de fistules vésico-vaginale ou recto-vésico-vaginale. De même que
des produits désinfectants. Ces ONG qui ont organisé les "fistuleuses"
en association, leur donnent également des fonds pour faire du petit
commerce : vente de charbon de bois par exemple.
Les fistuleuses opérées avec succès,
c'est-à-dire avec possibilité de reprendre une grossesse, sont celles
qui ont été déclarées très tôt. Alors que généralement les femmes
cachent ce mal pendant longtemps. Avec des fistules de dix ans d'âge
par exemple, les chances de réparation sont minces, et celles d'une
autre maternité sont exclues. Ces femmes à qui on fait tenter l'expérience
chirurgicale sans succès, vivent mal cet échec. Puisque, selon Aïssé,
"j'ai vu dans des villages des fistuleuses soignées, mais pas guéries.
Certaines sont devenues folles…".
Mariage et rapports précoces, accouchements
non assistés
Selon la sociologue malienne qui
a fait des recherches sur les fistules, la précocité du mariage
et des premiers rapports sexuels est à l'origine des fistules. Dont
la survenue ne s'explique pas forcément comme on peut le croire
par les grossesses multiples (multipares). Dans le centre "Oasis",
elle a trouvé des filles de 14 ans, 15 ans, qui étaient à leur première
grossesse. D'autres sont devenues "fistuleuses" à leur 2ème grossesse
ou 3ème grossesse.
Pour Mme Aïssé Diarra, l'absence
de consultations prénatales et les accouchements non assistés sont
aussi en cause. Des consultations qui peuvent permettre de déceler
les signes de détresse par rapport à l'accouchement. Et des accouchements
assistés par un personnel qualifié qui peut éviter des accouchements
déformants. Les grossesses tardives tout comme les nombreuses grossesses
provoquent également les fistules. Pendant ses recherches sur les
fistules, Aïssé a constaté dans un centre hospitalier du Mali un
taux de mortalité maternel anormalement élevé. La fistule vésico-vaginale
ou recto-vésico vaginal en est une des causes. Mais "mais les gens
ne veulent pas en parler".
Parmi les fistuleuses du Mali,
Mme Aïssé Diarra a rencontré deux jeunes ivoiriennes qui ont fait
le déplacement de Bamako parce qu'elles ont entendu parler de la
prise en charge médicale offerte gratuitement par les ONG. Alors
qu'en Côte d'Ivoire, on ne à qui s'adresser. Comme quoi le mal doit
exister ici. Il est temps de le mettre sur la place publique afin
d'avoir des financements pour traiter ces femmes qui souffrent en
silence.
BAKAYOKO Zeguela
Lire l'article original : http://www.fratmat.co.ci/content/detail.php?cid=Nwvpvcn19Av
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