La recherche scientifique est de
plus en plus considérée comme une composante du développement. Certes,
les résultats ne font pas toujours l'objet d'exploitation efficiente
dans nos pays. Mais cela ne saurait signifier que ces travaux n'aboutissent
pas. Car en réalité, ils sont nombreux, les laboratoires, les centres
et instituts qui, en Côte d'Ivoire, cherchent et trouvent.
Les laboratoires qui trouvent...
Présenté comme le laboratoire national
de "référence" pour les microbactéries tuberculeuses et
atypiques, le laboratoire de Bactériologie-Virologie à l'UFR des
Sciences médicales (Université de Cocody), établit les diagnostics
de la tuberculose et de l'Ulcère de Buruli. "Il est le seul à faire
le diagnostic de l'Ulcère de Buruli en Côte d'Ivoire", soutient
le Pr. Dosso Mireille, chef du département. Grâce à quelques appuis
et partenariats extérieurs, de nombreuses études et projets ont
été réalisés dans le domaine. Au nombre de ces projets, une étude
est en cours sur les déplacés de guerre de la région de l'Ouest
hospitalisés au "Centre des Capucins" à Abidjan. Le laboratoire
intervient également dans le programme national de lutte contre
la tuberculose. Plus précisément sur le problème de l'émergence
de bactéries résistantes. Une étude également en cours permet de
déterminer la nature des bactéries sur plusieurs sites et le taux
de multi-résistance. Pour cette année, l'on note déjà une augmentation
par rapport au taux de 5% en 1995. Les premiers résultats ont ainsi
permis de noter que 48% des tuberculoses sont VIH. "Avec ces résultats,
on arrive à tirer sur la sonnette d'alarme parce que le virus de
la tuberculose, s'attrape dans les lieux publics", affirme le Pr.
Dosso Mireille.
Une Unité de microbiologie des aliments existe également au sein
de ce laboratoire, qui évalue la qualité sanitaire des aliments.
A cet effet, elle assiste des industries agroalimentaires et procède
au suivi microbiologique du personnel et à la formation de ceux-ci.
Une autre étude est en cours pour mettre au point une méthode de
contrôle des climatiseurs. Cela dans le but de lutter contre la
"maladie des Légionnaires", communément appelée "la
maladie du climatiseur" (provoquée par une bactérie qui se
trouve dans l'eau de climatiseur), se manifestant comme une pneumopathie.
Le département dispose également
en son sein d'une unité de microbiologie moléculaire. Elle dispose
de 3 salles : une salle blanche pour les réactifs et mélanges. Une
seconde salle pour l'extraction du matériel génétique et la dernière,
pour le génie génétique qui permet de cibler un germe. Dans cette
unité, on s'attelle à la mise en évidence au niveau du génome (ADN
et ARN), d'éléments permettant de caractériser dans un organisme,
des pathogènes. Au nombre des études réalisées, on peut noter entre
autres, le génotypage du virus de l'Hépatite C. Une autre étude
est en cours pour l'Hépatite B. "A partir d'une étude sur des souches
vieilles de plus de 15 ans, portant sur le vibrion (virus du choléra),
et des souches isolées dans l'environnement et chez l'homme en 2002,
nous cherchons à déterminer le profit et la nature du germe impliqué
dans la virulence de la maladie. On arrive ainsi à déterminer un
vaccin approprié en cas d'épidémie", soutient Dr Ekaza.
Sur la base du diagnostic moléculaire
de l'Ulcère de Buruli, des essais cliniques ont été effectués, portant
sur le traitement par l'argile verte. Des cas de cicatrisation ont
été signalés. En outre, des recherches sont en cours pour déterminer
les agents responsables de gastro-entérites (diarrhées, vomissements),
autres que E.coli . Des études sont également en cours, pour rechercher
les agents responsables d'infections urinaires. A partir des prélèvements
vaginaux et urétraux, on isole le E. coli afin de détecter sur son
génome, la présence de gênes qui codent pour des facteurs de virulence.
Au nombre des difficultés que rencontre
le service de Bactériologie, on retiendra entre autres : l'insuffisance
de personnels qualifiés, le manque d'équipements, l'inexistence
de cadre de sécurité, etc. "Tenez une hotte coûte à elle seule 5
millions, alors que le budget du laboratoire est en dessous de 10millions.
C'est grâce à des projets financés en grande partie par des organismes
internationaux ou nationaux, que nous arrivons à faire le maximum",
déclare le pr. Dosso.
Au laboratoire de parasitologie-mycologie,
dirigé par le pr. Assoumou Aka, plusieurs recherches sont effectuées
dans les trois unités de recherche. En parasitologie pure, des recherches
sont effectuées dans presque tous les milieux organiques chez l'homme.
"Quand on parle de parasitologie, on pense généralement aux examens
de selles. Alors que nous allons chercher les parasites dans le
sang (diagnostic des trypanosomiases humaines africaines, du paludisme
etc.), dans le tube digestif (diagnostic des helminthiases intestinales),
sous la peau (diagnostic de la leishmaniose), dans le suc dermique
(diagnostic de l'onchocercose), dans les urines (diagnostic de la
bilharziose urinaires)", précise le Pr. Ouhon Jean.
En Mycologie, on effectue des recherches sur les champignons microscopiques.
Ce sont entre autres les champignons lévuriformes. Ex : le Candida
albicans, responsable de la Candidose, le Cryptocoque (levure fréquente
chez les porteurs de VIH, responsable de la méningite souvent mortelle),
etc.
Les champignons dimorphiques. Ex : les Histoplasmes, responsables
des Histoplasmoses caractérisées selon les cas, par des lésions
pulmonaires ou lésions ganglionnaires osseuses et cutanées, que
l'on peut confondre facilement à certaines formes de tuberculose.
Les champignons filamenteux. Ex : les dermatophytes, responsables
des dermatophyties se manifestant au niveau des ongles, de la peau,
du cuir chevelu etc.
Les champignons sous forme de grains, agents de Mycétomes. Ex :
Madurella mycetomatis (le pied de Madura), etc.
L'unité d'Immunologie parasitaire
effectue des diagnostics de maladies parasitaires, dont le diagnostic
direct est difficile ou impossible. Ex : la Toxoplasmose, l'Amibiase,
etc. "Leur diagnostic repose sur la mise en évidence des anticorps
ou antigènes, circulant dans ces parasites", explique le Pr. Ouhon.
Des recherches entreprises au niveau
du traitement du paludisme, ont permis de découvrir des cas de résistance
du plasmodium à certains médicaments. Le taux de résistance à la
Nivaquine est de 50% en 2001 à Port-Bouêt, 4% en 1990 à Adjamé et
68% en 1993 à Adzopé. Ces taux de résistance, explique Pr. Ouhon,
sont dus à la pression médicamenteuse.
Le service a mis au point des réactifs
ex : l'Immunofluorescence indirecte (technique de diagnostic immunologique
concernant les aspergilloses), des suspensions pour la conservation
de parasites intestinaux (Ethanol Iode Formol EIF), une préparation
de sérums monoclonaux pour certaines mycoses comme les trichosporoses.
Selon le Pr. Ouhon Jean, le service
était bien au début ((Il y travaille depuis 1978), aujourd'hui,
il fonctionne presque au ralenti du fait de personnel insuffisant,
de rupture fréquente de stock de matériels, de la vétusté des locaux.
Au Laboratoire d'Anatomie pathologie,
les chercheurs posent des diagnostics sur les prélèvements d'organes
humains, provenant de tous les hôpitaux. Le Pr. Domandé Mohénou
Isidore fait remarquer d'entrée, que cette spécialité est sinistrée
parce qu'il y a très peu de vocations. "Cela s'explique par le fait
qu'elle est difficile et peu rentable par rapport à la Chirurgie
et à la Gynécologie", dira t-il.
Ici, on fait le diagnostic des
maux qui affectent la structure des organes de l'être humain. Des
cancers rares ont pu être identifiés. Ex: les cancers de sang, "les
lymphomes malins" (dont le traitement se fait en Europe). Les recherches
permettent de voir laquelle des cellules est atteinte pour avoir
le traitement adéquat. Au nombre des études, l'on retiendra une
étude coopérative portant sur "Mortalité et Pathogie de l'infection
à VIH à Abidjan" réalisée en 1991. Les résultats de cette étude
sur 5401 patients, mettent en relief les 3 principales causes de
décès : la toxoplasmose cérébrale, la tuberculose et la bactériémie.
Une autre étude réalisée en 1998
portant sur le cancer du col utérin, fait apparaître que les femmes
infectées par le VIH sont les plus exposées.
Des recherches ont permis de mettre
en évidence des méthodes chirurgicales telles la rectomyosplastie
(thèse d'Etat du Pr Alphonse Djédjé Mady), diagnostic des infections
gastriques de l'estomac à Helicobater.
Au nombre des difficultés que rencontre
le laboratoire, le Pr Diomandé retient entre autres contiguïté des
locaux, le coût des réactifs "1 ml d'anticorps coûte 500 000 F,
alors qu'il faut 4 à 5 ml d'anticorps pour le cancer. Il faut environ
10 anticorps de base pour le laboratoire. Et 15 à 20 millions de
F CFA pour l'équiper correctement", dit le Pr Diomandé M. Du fait
de l'insuffisance du personnel et du coût élevé qu'engendre leur
utilisation, certains appareils ne sont pas utilisés tels le cryostat
(permet de faire des examens extemporanés et donc un diagnostic
rapide), et le colorimètre automatique. Certaines salles insuffisamment
climatisées, laissent échapper des odeurs. Telle la salle de prélèvements.
Notre enquête à l'UFR des sciences médicales de l'Université de
Cocody, prend fin dans ce laboratoire. La prochaine étape est le
laboratoire de chimie organique à l'UFR des structures de la Matière
et de Technologie.
Le laboratoire de chimie organique
biologique dirigé par le Pr Djakouré mène des recherches sur les
plantes médicinales. Tels le carpolobia lutea (polygalacées) et
le Croton lobatus (Euphorbiacées). Les racines et écorces du Carpolobia
lutea, plante qui pousse dans le sous-bois des forêts denses humides,
sont utilisées en médecine traditionnelle dans le traitement des
folies, des fièvres, de la stérilité féminine, etc. Une étude a
permis d'isoler 2 nouveaux stérols dans les feuilles de la plante.
L'étude phytochimique des feuilles
et tiges de Crotom lobatus a permis la découverte de stérols et
de dérivés alcaloïdiques ayant des activités pharmacologiques intenses
(soigne toutes sortes d'affections). Pour le Pr Djakouré, démontrer
qu'une plante peut guérir ne relève pas de la sorcellerie. "Quand
vous dites que vous soignez avec des plantes, vous devez être en
mesure de démontrer laquelle des molécules guérit. Parce qu'une
plante en contient une cinquantaine. C'est vrai qu'une plante peut
guérir mais une plante, ça tue également du fait des activités sur
les reins".
Au laboratoire de chimie organique
structurale, dirigée par Pr Yao N. Thomas, l'on fabrique des molécules
analogues de l'AZT (molécules à principal rétroviral). Une étude
portant sur l'écorce séchée du Parkia biglobosa (Néré) a permis
de découvrir 2 extraits intéressants : l'hexane et le méthanol qui
ont des activités analgésiques et anti- inflammatoires. Une étude
a permis la mise en évidence de toxines, responsables de la pourriture
brune du cacao qui touche à peu près 20% de la production.
Les résultats d'une étude portant
sur l'Aframomun es-xcapum communément appelé "laurier africain",
en langues vernaculaires "Kpao" (Abbey), "Kablè" (Abourey), "Moukouté"
(Attié), ont permis la mise en évidence de 72% d'Eucalyptol qui
est utilisé dans la fabrication de médicaments antitussifs.
Dans le cadre du programme de surveillance
des eaux en Côte d'Ivoire, une étude réalisée en collaboration avec
le CIAPOL a permis de mettre en évidence la pollution de la lagune
ébrié. Le laboratoire fabrique également à partir des plantes, des
huiles essentielles utilisées dans le cosmétique.
Cogito : Vous avez dit chercheurs?
L'on a encore à l'esprit cette
boutade que feu Balla Keïta, alors ministre de l'Education nationale
et de la Recherche scientifique, aimait à dire : "les chercheurs
qui cherchent, on en trouve. Mais les chercheurs qui trouvent, on
en cherche". Boutade qui expliquait certainement la léthargie dans
laquelle étaient plongés bon nombre de chercheurs Ivoiriens. Avec
du recul, l'on est en mesure de la remettre en cause pour la raison
suivant e: la méconnaissance de la fonction d'enseignant-chercheur
ou de chercheur tout court. Qu'est- ce qu'un enseignant-chercheur
? Il assure avant tout des cours. Mais il est d'abord et avant tout
un chercheur. Aux Etats-Unis ou en Angleterre, on ne parle pas de
chercheurs à plein temps, cela va de soi. "Un bon enseignant chercheur
consacre 60 à 70% de son temps à la recherche par semaine, affirme
le Pr Yao N. Thomas. C'est pourquoi sa carrière même dépend de la
recherche, du nombre et de la qualité de ses publications scientifiques,
seule chose qui fait sa renommée internationale. Les concours organisés
par le CAMES, auxquels participent nombre d'enseignants chercheurs
des universités ivoiriennes, sont la preuve que les chercheurs qui
trouvent, on en trouve. D'ailleurs, fait remarquer un enseignant
: "Nous n'avons pas besoin d'aller hurler au marché pour dire ce
que nous avons découvert. Ce serait même suspect. Nous mettons les
résultats de nos recherches à la portée de spécialistes qui les
valident en les publiant dans des revues scientifiques." Toutefois,
souligne t-il, il faut des relais qui assurent la valorisation et
la vulgarisation de ces résultats. Ce sont les industriels, les
pharmacologues, les médecins, etc.
Comme on le constate, à travers
l'enquête menée dans les Universités et centres de recherches, la
recherche est une réalité en CI, qui a ses exigences et ses contraintes.
Dans quelles conditions se fait-elle ? Bien que possédant de nombreux
atouts tels la diversité des domaines et programmes de recherches,
un potentiel de chercheurs, une forte production scientifique, la
recherche scientifique dans les universités, centres et Instituts,
se fait dans des conditions déplorables (locaux inadaptés et insuffisants,
matériels obsolètes et insuffisants, etc.)
Les chercheurs se débrouillent
avec le peu de moyens accordés pour le fonctionnement des laboratoires,
parce que ne disposant d'aucun financement. L'on peut également
retenir le manque de valorisation de la recherche et le manque de
volonté politique.
En somme, la recherche scientifique
est le parent pauvre de l'enseignement supérieur en Côte d'Ivoire.
Elle cadre avec l’idée même
de sa création
"La recherche à l’Université
d’Abobo-Adjamé cadre avec l’idée même de la création de cette Université”,
affirme le Pr. Gourène. Elle dispose au total de 9 laboratoires,
d’un centre de recherche et d’un institut.
Notre enquête a porté en premier
sur le laboratoire d’environnement et de biologie aquatique. Laboratoire
qui, selon le pr. Gourène, vice-Doyen chargé de la recherche, est
le plus productif et le plus fonctionnel en terme de productions
scientifiques et de formation de chercheurs. Des recherches sont
effectuées en aquaculture et au niveau de la biodiversité en milieu
aquatique. Au nombre des études effectuées, l’on peut retenir les
recherches portant sur la réduction du coût du poisson d’élevage,
en particulier du Tilapia (Carpe). Cela, à travers la mise au point
de formulation d’aliments nouveaux qui proviennent entre 40 à 60%,
de produits de regère (son de maïs, de riz, de soja).
Une étude effectuée sur les incidences
du milieu écologique sur la diversité biologique a révélé entre
autres : que le barrage d’Ayamé n’a pas agi sur la diversité du
bassin de la Bia, en termes de richesses spécifiques. Par contre,
le barrage a un effet sur la qualité de vie de certaines espèces.
L’on a noté que certaines espèces qui n’existaient pas dans le milieu
mais qui y ont été introduites, se sont reproduites. C’est le cas
du Oreochomis niloticus provenant du Nil (communément appelé "84",
eaux et forêts). Cependant, au fil du temps, il diminuera de manière
drastique dans les lacs, au profit de Sarotherodon melanotheron.
On a donc conclu que la perturbation du milieu a nécessairement
des conséquences sur les différentes composantes. Comparée avec
une autre étude sur d’autres milieux, tel l’Agnéby, l’on se rend
compte que les petits barrages semblent causer beaucoup plus d’ennuis
que les plus grands sur la biodiversité.
Le laboratoire de Chimie de l’environnement
a travaillé sur le lac de Buyo et y a découvert qu’un certain nombre
de pesticides et de métaux lourds (plomb) avaient des teneurs assez
importantes. Des traces ont été retrouvées dans le lait maternel
et dans les cheveux de femmes Bozos.
Au hall des techniques de transformation
de l’UFR des Sciences et technologies des aliments, on fabrique
de la confiture, du fromage, du sirop de nectar, des produits laitiers.
“L’accent est mis, ici, sur la recherche de la qualité. On s’attèle
à contrôler certains paramètres pouvant aboutir au respect des normes.
Comment utiliser les différents types de levures pour voir dans
quelle proportion elles affectent le pain. Comment fabriquer du
koutoukou en diminuant sa teneur en méthanol qui est un poison pour
l’organisme”, explique Dr Bohoua. Le Hall intervient également dans
la transformation de l’aliment de volaille. Il procède à des tests
de suppléments nutritionnels pour maximiser le taux de ponte. Une
prophylaxie sanitaire a été mise en oeuvre pour le suivi de la volaille.
Le laboratoire de Chimie et Technologie
des aliments s’investit dans la recherche des aspects technologiques
des tubercules et racines de Côte d’Ivoire. L’utilisation de l’amidon
d’igname avec un pourcentage bien déterminé, ajouté à d’autres farines,
dans la production de lait de yahourt et dans le domaine de la planification,
a été expérimentée. Ainsi que la recherche d’enzymes à activités
originales pour synthétiser des molécules alimentaires et pharmaceutiques.
Le laboratoire de nutrition et de formulation a travaillé à la mise
en place entre autres, d’aliments de sevrage de farine du haricot,
avec technique de cofermentation et de compositions biochimiques
d’aliments issus de certaines cultures vivrières (le gombo est riche
en sels minéraux, en cellulose).
A l’UFR des Sciences de la Nature,
des recherches sont effectuées pour l’amélioration de la productivité
des plantes et des animaux. L’on a pu procéder ainsi à la domestication
d’animaux sauvages à grande consommation tels l’escargot et l’Eulacode
(Agouti). D’abord, en les améliorant et ensuite, en les croisant
par la biotechnologie ou des croisements conventionnels. L’amélioration
de l’utilisation des plantes en médecine traditionnelle (pharmacopée)
se traduit par la surveillance des effets toxiques de certaines
substances sur l’organisme. Des études sur le Rauvofia vomitoria
(‘’Kpégni-kpégni en Baoulé) ont démontré qu’il contient deux substances.
L’une hypotensive et l’autre sédative. Mais également une substance
toxique qui, utilisée en grande quantité, s’avère dangereuse.
Au total, la recherche à l’Université
d’Abobo-Adjamé est une réalité. Et son amélioration préoccupe le
premier responsable de cette institution. D’où ce cri de cœur du
Pr. Ehouan Ehilé en ces termes : “Lorsque vous jetez un coup d’œil
sur la répartition de notre budget de fonctionnement, un équilibre
clair se dégage entre les charges d’enseignement, de recherche et
de fonctionnement de l’administration. En attendant que le ministère
de la Recherche scientifique nous apporte sa contribution, il y
a nécessité d’équiper nos laboratoires pour former les étudiants
du troisième cycle devant assurer la relève. Notre seul handicap,
c’est l’équipement. Les pouvoirs publics devraient y penser ”.
Les centres et instituts s’y
mettent
Les recherches au Centre ivoirien
de recherches et d’études juridiques (CIREJ), sont ciblées sur les
sciences humaines. L’intérêt est mis sur les plantes et civilisations,
dans le domaine du forestier. Le Pr. Légré Okou, directeur du centre
explique cette orientation : “Nous nous sommes rendus compte que
les sociétés, bien avant les plans de protection d’écosystème, avaient
élaboré un ensemble de stratégies pour protéger la faune et la flore.
Réflexion mise en œuvre par une projection des relations humaines
dans la faune et la flore, créant ainsi des relations familiaristes.
Ce qu’on appelle l’anthropomorphisation de la nature. Ainsi considérée,
la nature doit être protégée. Et pour cette raison, il y a des animaux
et des plantes interdites. N’avons-nous pas à travers cette philosophie,
le meilleur garant de la protection de la nature” ?
Des recherches ont été entreprises
dans ce sens, pour voir si les plantes ont les mêmes significations
depuis les civilisations ivoiriennes aux civilisations d’Afrique
(Burkina faso, Mali, Sénégal, Cameroun, Ghana ).
Quelques exemples : le Newboldia
levis. On le trouve à la frontière de deux communautés chez les
Ebriés dans le sud de la Côte d’Ivoire. A l’Ouest, on la retrouve
dans les cours de géniteurs de jumeaux et à l’orée des villages.
Plante de conjuration du mauvais
sort, le Jatropha curcas appelé "frofro baka" chez les
Godié dans le sud ouest de la Côte d’Ivoire, joue le même rôle au
Ghana (en territoire N’Zima) et au Cameroun (chez les Bétis).
Le bananier apparemment banal,
a des fonctions métaphysiques qui servent à l’initiation (à l’ouverture
des yeux) aussi bien en Côte d’Ivoire que dans certaines régions
de l’Afrique centrale et occidentale.
La Dracaena, plante de la famille
de l’Aloès, au tronc effilé, ‘’djouroussou’’ (Godié), protège contre
les mauvais sorts. Elle ont les mêmes fonctions chez les Krous,
les Dans, les Djiminis, Djamalas.
A noter qu’au plan médicinal, ces
plantes ont d’autres fonctions.
Les chercheurs partent de l’anthropologie
juridique basée sur des normes sociales des sociétés traditionnelles
pour les étudier, à l’ethnobotanique qui étudie les rapports entre
les différentes ethnies et les plantes. On en dégage la théorie
de la réversibilité, qui démontre que l’homme peut changer de nature
et revenir vers sa nature première. Ce qui explique les rapports
entre l’homme et la nature, les morts et les vivants. On passe d’une
nature à l’autre. Il n’y a donc pas de barrière entre la réalité
matérielle et la réalité immatérielle.
Hormis ces recherches financées
sur fonds propres, le CIREJ, au dire de son directeur bat de l’aile.
“ Nous n’avons pas les moyens pour faire véritablement de la recherche.
Nous ne faisons que des recherches ponctuelles car les programmes
à long terme ne sont pas financés. Le comble, nous sommes paralysés
par les concurents ”.
Les sciences humaines délaissées
"Pourquoi les centres de recherche
en Sciences humaines doivent-elles vivre l’orphelinat, la désespérance,
à la recherche d’une paternité, d’un mécenariat pour s’épanouir
et prendre leur envol ?", s’interroge le Pr. Légré.
A l’image de bien d’autres structures
de recherche en Sciences humaines, sa structure est délaissée. Il
tente de s’expliquer ce délaissement par deux raisons essentielles.
L’une est liée aux priorités de développement et l’autre est d’ordre
idéologique. “L’on va considérer les Sciences humaines comme des
laboratoires de bouleversements sociaux, de l’irrédentisme, de lutte
contre les pouvoirs en place. Combinées, ces deux raisons créent
une ambivalence à l’égard des Sciences humaines”, soutient-il.
C’est une grosse erreur que de
penser que la recherche n’existe que dans le domaine des Sciences
exactes. Comme si, les résultats de ces sciences pouvaient se mettre
en œuvre sans l’interaction des sciences humaines qui s’interrogent
sur le devenir de la société. Les sciences exactes ne sont que des
instruments de dynamisation de la société. Qui dit société, dit
réflexion prenant en compte, tous les secteurs de la vie.
Car, quand il s’agit d’appliquer
les résultats des sciences exactes, interviennent alors et toujours,
les données des Sciences humaines qui sonnent le tocsin pour avertir
que les données des sciences exactes ne sont pas toujours applicables
à la lettre. Ainsi 1 + 1 peut ne pas être égale à 2, dans la mesure
où interviendront des réactions qui procèdent de tous les domaines
de la société, pour modifier leur champ d’application. Les résultats
seront alors réservés en attendant que les sociétés en arrivent
à se dessaisir de certains comportements conservateurs.
Savoir compter sur soi-même
"Aucun développement industriel
ne repose sur le savoir, le savoir-faire et l’argent des autres.
Personne ne nous prêtera sa capacité de créativité et d’innovation.
Personne ne nous accompagnera dans le développement que nous retardons
nous-même et dont la recherche est le passage obligé. Qui transformera
nos produits pour nous? qu’on nous montre un seul pays qui s’est
réellement développé avec l’aide d’un autre...” Ces propos de M.
Yéo Guéfala, directeur de l’I2T, pour qui ne fait pas l’autruche,
devraient être pris comme un cri de cœur, une mise en garde. Car
il ne sert à rien aujourd’hui, de compter sur les retombées d’une
quelconque coopération en matière de technologie. C’est une question
de “donnant donnant”. Personne ne peut aider l’autre à devenir son
concurrent. Il n’y a donc pas de quoi être surpris que les bailleurs
de fonds soient plus aptes à financer la productivité que la transformation
au niveau de l’agriculture. Et puis, s’ils mettent autant de barrières
en termes de qualité, c’est à dessein: exclure un certain nombre
de concurrents potentiels du marché. Prenez l’exemple du Cacao ivoirien
tout simplement…
Au lieu de continuer à jouer les
“bébés gâtés”, “nous devons rechercher les capacités pour franchir
toutes ces normes. C’est vrai que nous ne pouvons être performants
partout mais nous pouvons quand même, déterminer des axes majeurs
en fonction de nos possibilités. Il nous faut créer des centres
dans les domaines qui nous intéressent, tel le domaine de l’agriculture.
En développant d’autres approches pour la valorisation des produits.
Pouvoir trouver des débouchés de plus en plus valorisants. L’enjeu
est de taille. Il n’y a pas d’alternative !
En somme, toute recherche doit
pouvoir répondre à un certain nombre d’interrogations: quelle politique,
pour quels secteurs…?
CNRA : Une tradition de recherche
Les résultats de la recherche agronomique
au Centre national de la recherche agronomique (CNRA) sont très
édifiants. On peut retenir entre autres : la culture d’une espèce
alimentaire sauvage en péril, Irvingia gabonensis, l’évolution des
systèmes de production de cacaoculture en Côte d’Ivoire et l’amélioration
de la qualité du café par la réduction du taux d’ochratoxine.
En raison de la forte déforestation
et du raccourcissement de la durée des jachères, certaines plantes
alimentaires se raréfient. C’est le cas de Irvingia gabonensis,
dont les fruits produisent une amande comestible appréciée et connue
en Côte d’Ivoire sous les noms vernaculaires de kplé ( chez les
Wê) et de kaklou (chez les Akans). Les essais réalisés par le CNRA
depuis quelques années, ont permis de maîtriser le mode de reproduction
de cette plante dont la culture entraîne la sauvegarde de l’espèce.
Sur le marché international du café, il est de plus en plus relevé
la présence, à des taux élevés, d’une toxine produite par des moisissures,
l’ochratoxine A (OTA). Toutes les variétés de café sont concernées.
Le CNRA conduit un projet qui devra aboutir à la réduction du taux
d’ochratoxine A du café, par la prévention contre les moisissures.
Face à l’épuisement des réserves forestières, le modèle de plantation
et replantation extensif itinérant et utilisant un matériel végétal
tout venant dans la production du cacao, n’est plus possible. Les
recherches ont permis de réaliser des progrès dans le domaine de
l’amélioration variétale et des systèmes de cacaoculture. Ainsi,
de la cacaoculture sous ombrage, on passe à la cacaoculture sans
ombrage puis à la cacaoculture sous ombrage de légumineuses.
Par Mayane Yapo Source : Rapport
d’activités du CNRA 2003
Lire l'article original : http://www.fratmat.co.ci/content/detail.php?cid=cv1aIw8jp3H
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