On les appelle maladies hivernales.
Elles sont en particulier infectieuses. Il s'agit du paludisme,
de la grippe, des diarrhées, et d'autres résultant d'une pratique
non professionnelle de la circoncision dont le tétanos. Leur recrudescence
notée avec l'installation des pluies s'explique, le plus souvent,
par un défaut d'hygiène et d'assainissement, si ce n'est la résistance
observée dans le traitement du paludisme, et la grippe qui n'a pas
de mode d'emploi. Une fois infecté, le patient ne peut qu'attendre
que le virus termine son cycle, en suivant les conseils des praticiens
guidés par les manifestations de la grippe, d'un malade à l'autre.
Toutefois, il est recommandé de boire beaucoup d'eau.
Hôpital général de Grand Yoff. Le couloir menant
au bureau du Docteur Thierno Fall refuse du monde. A peine si l'on
parvient à se frayer un passage, les narines agressées par une forte
odeur d'éther qui dispute l'air aux autres puanteurs particulières
au milieu hospitalier. Serrés les uns contre les autres, les patients
attendent. Des multitudes de visages qui trahissent une urgence
: rencontrer le médecin dans un espoir d'apaisement de la douleur,
de la maladie, de la souffrance physique et morale. L'atmosphère
est assez morose dans ce couloir "de la mort".
Soudain, l'attention des uns et des autres est happée par l'arrivée
d'une civière. A bord, un cas urgent. Les sanglots d'un homme. Affalé
sur ce lit roulant, il gémit, frémit. De toutes ses forces, imposant
aux brancardiers de redoubler d'efforts pour le neutraliser.
Et les commentaires vont bon train. "C'est le palu", s'écrie une
femme qui en est arrivée à oublier son sort, face à cette souffrance
qui semble avoir atteint son paroxysme, au point que les autres
patients aient peut-être oublié la douleur. "J'ai cru que je mourrais
vendredi dernier", renchérit le vieux d'à côté qui a du mal à se
départir des séquelles d'une souffrance physique. C'est cette ambiance
qui a accompagné l'entrée de cet homme-là dans le bureau du médecin.
En effet, l'urgence que vient d'accueillir le Docteur Fall est un
paludisme chronique. " Durant cette période, plus de 60 % de nos
malades souffrent du paludisme", précise-t-il.
Recrudescence
Le paludisme est une pathologie bien connue, qui
continue à faire des ravages. C'est la parasitose la plus répandue
dans le monde avec plus de 2 milliards d'individus exposés, notamment
dans les pays pauvres en Afrique. Avec un taux de mortalité de 2
millions d'individus par an. Au Sénégal, le paludisme sévit toute
l'année durant, avec des piques durant l'hivernage qui offre les
conditions favorables au développement du plasmodium, l'anophèle
femelle responsable de la transmission du paludisme. Il s'agit,
en fait, des eaux de pluies associées à l'insalubrité publique renforcée
par un manque d'assainissement durant la période hivernale, les
canaux à ciel ouvert, et les ordures. Ce qui fait que toutes conditions
sont réunies pour que cette maladie sévisse. D'ailleurs le paludisme
caractérisé par une recrudescence, reste le principal motif de consultation.
"En cette période, plus de 60 % des malades présentent des tableaux
de paludisme", selon le Docteur Omar Sarr du District de santé Gaspard
Camara. Il se manifeste chez le malade par une sensation de froid,
des tremblements, des claquements de dents. La fièvre monte à 39
degrés, la rate augmente de volume, la tension artérielle pincée.
Et pourtant l'utilisation des moustiquaires imprégnées, la désinfection
des eaux pourrait réduire le nombre de personnes hospitalisées,
chaque année selon Dr Omar Sarr. En tout cas la lutte contre le
paludisme est pluridisciplinaire. Ainsi, l'assainissement doit y
jouer un rôle très important. "Des tares liées au manque de moyens
du ministère de la Santé font que les canaux restent non-curés,
ce qui fait qu'ils restent à ciel ouvert", poursuit Dr Sarr. Il
est aussi d'avis que ce ministère doit avoir une mission d'éducation
par l'information de proximité, d'autant qu'il est déploré un manque
de suivi et de rigueur dans la politique de prévention. Pharmacien
de formation, le Docteur Bathily ajoute que "la campagne de prévention
initiée l'année dernière n'a pas eu d'écho pour ce début d'hivernage".
Une tare majeure, à son avis, en plus des contraintes liées aussi
au faible pouvoir d'achat des populations les plus exposées à cette
maladie.
Inquiétude
En fait l'hivernage offre un terrain fertile aux
microbes et parasites, responsables de beaucoup de maladies infectieuses
: l'éclosion des moustiques et le développement de gîtes larvaires
sur les flaques d'eau stagnantes sont favorables à l'éclosion et
la propagation de certaines maladies. D'où la récurrence du paludisme,
des maladies diarrhéiques et dermatologiques.
S'y ajoute que la forte canicule, en ces périodes, pose d'énormes
difficultés à l'organisme, de sorte que beaucoup de maladies en
veille apparaissent de manière soudaine. C'est le cas de la grippe
et des maladies parfois chroniques non transmissibles comme l'hypertension
artérielle et les diabètes. Par ailleurs, la principale source d'inquiétude
est liée à la grippe qui se distingue cette année par un fort taux
d'infection. A Dakar, cette maladie à flambée épidémique s'est signalée
chez les malades par des infections respiratoires associées à un
rhume, des courbatures et des douleurs articulaires. Elle peut se
compliquer par des problèmes pulmonaires en cas de négligences,
lors du traitement. Ainsi pendant vingt jours, "nous assistons à
un afflux de malades dans les centres de santé", confie le Docteur
Fall, médecin chef du district de santé Nabil Choucair.
La délicatesse avec cette pathologie est qu'elle est plus difficile
à prévenir que le paludisme. Si celui-ci est transmis par un parasite,
la grippe est causée par un virus que l'on peut attraper par voie
respiratoire. Donc avec la proximité et le contact physique d'une
personne atteinte et les coups d'air respiratoires, la contamination
est facile et instantanée.
"Cependant, elle a un vaccin efficace", rassure le Docteur Thierno
Fall de l'hôpital général de Grand Yoff en comparaison avec le vaccin
du paludisme. Seulement "le problème est que ce vaccin change chaque
année, c'est un virus qui change chaque année de manteau" précise-t-il.
Ce qui pose donc le problème de renouvellement annuel du vaccin
à partir des virus isolés. "Et cela n'est pas très accessible pour
nous autres africains". Cette grippe, pourtant bénigne sauf chez
certaines personnes à tares physiques particulières, n'a pas un
traitement spécial. "Il convient dès lors de se reposer, faire des
traitements symptomatiques et de garder une certaine distance vis-à-vis
des personnes atteintes", conclut-il.
Les mains sales
Dans le lot des maladies hivernales, ces maux qui
résultent, essentiellement, des mauvaises conditions d'hygiène.
Ce sont "les maladies des mains sales" : les maladies diarrhéiques
et dermatologiques, fréquentes chez les enfants. Ce sont des syndromes
dysentériques, avec des diarrhées profuses, liquidiennes, ou encore
glairo-sanglantes. Elles sont le plus souvent associées à des syndromes
infectieux, telles les infections intestinales comme c'est le cas
avec la fièvre typhoïde favorisée par les parasitoses et les germes
dans les eaux de pluies.
Par ailleurs, les conditions d'hygiène à Dakar complètent le décor
avec les pathologies dermatologiques comme la gale. Cette maladie
de la peau touche surtout les enfants qui sont le plus exposés aux
eaux de pluies. Ainsi, le constat est manifeste. "Le dénominateur
commun de toutes ces calamités est le manque d'assainissement surtout
en cette période d'hivernage", remarque le Docteur Latir Diouf de
la Clinique des maladies infectieuses de Centre hospitalier universitaire
de Fann. D'où la nécessité d'"une éducation sur les mesures élémentaires
de santé chez les populations".
Stagiaire Aliou SANE
Lire l'article original : http://www.lequotidien.sn/articles/article.CFM?article_id=17400
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