DR. HYDA
JULES (CENTRE NATIONAL DE TRANSFUSIONSANGUINE) : "IL Y A PERIL EN
LA DEMEURE"
Depuis quelques semaines, le Centre national de transfusion sanguine
(CNTS) de Treichville est débordé par les demandes en poches de
sang. Raison pour laquelle, les responsables de cette structure
multiplient les appels à la population, afin que des vies humaines
soient sauvées. Dr. Hyda Jules explique les raisons de cette pénurie
de sang.
Le libéral : Ces derniers
temps, un communiqué est abondamment diffusé sur le petit écran,
invitant la population à venir donner son sang. Y a-t-il péril en
la demeure ?
Docteur Hyda Jules :
Oui, car il se trouve qu'en ce moment, la demande en poche de sang
est très forte. Il fallait donc chercher les moyens pour alerter
le maximum de donneurs. En cela, la direction de la RTI nous a été
d'un précieux apport.
Le libéral : Qu'est-ce
qui justifie cette forte demande ?
Docteur Hyda Jules :
Il y a deux éléments qui justifient cette hausse de la demande.
On a d'abord un besoin accru de la population, particulièrement
les malades. Il y a aussi le fait que les élèves qui constituent
un nombre considérable de donneurs sont encore en vacances. La forte
demande pour les malades s'explique par un accroissement des pathologies
surtout les accès palustres. Pendant cette saison post-pluvieuse,
les pathologies augmentent et du coup, les besoins sont importants.
Cette forte demande s'explique aussi par le fait que nous servons
tout le territoire ivoirien, avec la fermeture de Bouaké et de Korhogo.
Tout repose maintenant sur Abidjan et le Centre régional de Daloa.
Le libéral : Comment
comptez-vous faire face à ces ruptures qui peuvent être préjudiciables
aux malades ?
Docteur Hyda Jules :
Il nous faut prélever le maximum de sang en recrutant le maximum
de donneurs et en faisant en sorte que ceux qui sont déjà donneurs
puissent revenir, tous les 75 jours pour les hommes et tous les
90 jours pour les femmes. Il faut savoir que les sangs prélevés
sont périssables. Pour une population de 16 millions, il faut au
moins un million et demi de donneurs réguliers pour satisfaire les
besoins nationaux, selon l'OMS (Organisation mondiale de la santé).
Aujourd'hui, si vous interrogez le président de l'Union nationale
des donneurs de sang (Unadsci), il vous répondra que nous sommes
environ 10.000 donneurs par an. Vous voyez que le fossé est très
grand.
Le libéral : Qu'est-ce
qui peut expliquer la réticence des donneurs ?
Docteur Hyda Jules :
La réticence a plusieurs explications. On a d'abord certains groupes
religieux comme les Témoins de Jéhovah qui sont contre le principe
des dons de sang. On a aussi la psychose du test du VIH/Sida, puisque
de façon systématique, lorsque nous prélevons le sang, nous effectuons
automatiquement le test de dépistage du sida, l'hépatite B, l'hépatite
C, la syphilis et le groupe sanguin. Certains ont donc peur des
résultats. Pour d'autres, ce sont les mœurs, les pratiques religieuses,
les coutumes. Pour ces personnes, le don de sang a d'autres significations.
Nous disons qu'il faut dépasser ces considérations en réaffirmant
que donner son sang, c'est sauver des vies.
Le libéral : Etes-vous
obligé d'informer les donneurs qu'ils ont par exemple le VIH/Sida
?
Docteur Hyda Jules :
En fait, au moment de recueillir le sang d'un donneur, nous l'informons
de tous les examens qui seront faits sur la poche de sang avant
de la distribuer. Mais le donneur, tant qu'il ne vient pas réclamer
son résultat, nous le gardons. D'ailleurs, nous avons créé ici un
Centre de suivi des donneurs qui permet de suivre toute pathologie
détectée. Quelle que soit la pathologie, nous avons des médecins
spécialisés.
Le libéral : Vous voulez
dire qu'il y a des avantages à être donneur régulier ?
Docteur Hyda Jules :
Ah oui ! C'est une question fondamentale. Chez nous, lorsque le
donneur a un problème de sang, lui et ses ayants droit, à savoir
son père, sa mère, sa femme ou son mari et ses enfants sont gratuitement
suivis. De plus, les examens de VIH (5.200 F Cfa), hépatite B (5200),
hépatite C (5.200 F Cfa), groupe sanguin (3.900 F Cfa) etc… sont
faits gratuitement pour lui.
Le libéral : Des voix
s'élèvent pour dénoncer le coût élevé des poches de sang. Alors
que les dons sont gratuits.
Docteur Hyda Jules :
Le jour où la transfusion sanguine sera totalement payante, nous
allons tous mourir. Si les donneurs veulent par exemple faire payer
leurs dons à 10.000 F Cfa, nous nous allons traiter ce sang à 50.000
F Cfa et nous le vendrons à 100.000 F Cfa. Mais nous ne pouvons
pas le faire. Nous sommes une structure étatique. Nous ne nous enrichissons
pas de la vente des poches de sang. Sachez que les prix de vente
sont homologués. Lorsque le malade est dans un hôpital général,
la poche coûte 3.000 F Cfa, dans un CHU, elle coûte 8.000 F Cfa
et dans une clinique privée, elle revient à 25.000 F Cfa. En fait,
l'OMS demande, en calculant tous les intrants pour constituer une
poche, de vendre les poches à 7.500 F Cfa au moins. Mais nous sommes
une structure subventionnée par l'Etat. Jusqu'en 1992, les poches
étaient gratuites. Quand on dit que nous vendons le sang, le mot
n'est pas propre. Vendre suppose un prix d'achat et un prix de revient.
Le libéral : Les sangs
achetés au CNTS sont-ils sécurisés ?
Docteur Hyda Jules :
En fait, la transfusion à risque zéro n'existe pas. Mais, en Côte
d'Ivoire, toute modestie mise à part, nous sommes le centre de référence
en Afrique de l'Ouest. Tous les examens requis par l'OMS sont effectués
chez nous. Ce qui ne se fait pas partout. Mais faire tous les examens
ne veut pas dire qu'il n'y a pas de risques. C'est pourquoi, nous
disons que la transfusion doit être le dernier recours en matière
de pratique médicale.
Le libéral : D'où peuvent
provenir les risques ?
Docteur Hyda Jules :
Les tests qui sont faits sont fiables. Mais les risques viennent
seulement du test de VIH. Pour donner le sang, on procède à un interrogatoire
du donneur. Si ce dernier chope un VIH récent, on ne peut pas le
percevoir au laboratoire, surtout qu'il n'avouera pas avoir eu,
par exemple des rapports à risques. Or, le médecin n'a pas de détecteur
de mensonge. A l'ordinateur, ce monsieur sera négatif pour la recherche
d'anti-corps. Sinon les tests sont fiables. C'est seulement cet
élément subjectif qui ne l'ont pas.
Le libéral : Donner son
sang régulièrement n'a-t-il pas d'incidence sur la santé, le poids,
etc. ?
Docteur Hyda Jules :
L'homme est constitué de sorte que quand on lui prend une certaine
quantité de sang, le processus de fabrication reprend automatiquement.
Ce qui est pris est reconstitué dans les 48 heures. L'homme a entre
cinq et six litres de sang dans son corps. Nous ne prenons que 250
millilitres pour les femmes et environ 450 millilitres chez l'homme.
Il n'y a vraiment pas de dommage.
Réalisée par Karim Wally
Lire l'article original : http://www.leliberal.info/pmain.asp?action=lire&rname=Sommaire&id=5488
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