Plus connue sous l'appellation de "mongolisme", qui n'a plus court,
le syndrome de Down ou encore Trisomie 21 est une anomalie génétique.
Elle est la plus fréquente des incohérences chromosomiques et affecte
1 enfant sur 750 naissances, "quel que soit le groupe ethnique,
la race ou la couche sociale". Mais, selon les spécialistes en la
matière, "on peut toujours faire quelque chose" concernant l'affection
dont l'une des manifestations constantes est le retard intellectuel.
"On peut toujours faire quelque chose pour ces enfants, et il faut
le faire sinon ils régressent". Ces enfants dont parle le docteur
Birama Seck, professeur agrégé de pédopsychiatrie, sont les déficients
intellectuels. Le Pr. Seck est le responsable de "Keur Xaleyi" (Maison
des enfants en langue Wolof), une structure spécialisée en pédopsychiatrie
bâtie dans l'enceinte de l'Hôpital de Fann. Elle a été créée en
novembre 1993 par Mme Elisabeth Diouf, épouse de l'ancien président
du Sénégal, Abdou Diouf. L'unité médicale accueille et prend en
charge des enfants souffrants de diverses tares : autisme, psychoses,
hyperactivité et autres troubles du comportement ainsi que déficients
intellectuels.
Dans son bureau où l'on note la présence de divers jouets, Birama
Seck donne des éclairages sur la trisomie, plus précisément sur
la trisomie 21 dont l'une des manifestations est le retard intellectuel.
Il indique que la dénomination scientifique de cette affection est
le syndrome de Down, du nom du médecin psychiatre anglais, Langdon
Down, qui l'a décrite en 1886.
En fait, le syndrome de Down et la trisomie 21 sont les appellations
consacrées maintenant en lieu et place du terme plus connu de "mongolisme".
Pour la petite histoire, la communauté scientifique évite d'emprunter
le terme commun à la suite des protestations de la Mongolie. C'est
que, pour désigner l'affection qu'il a décrite en 1886, Langdon
Down, a rapproché le faciès particulier et commun des enfants touchés
aux traits physiques des habitants de l'ancien Etat de l'ex-Union
soviétique. Les enfants affectés par le syndrome de Down sont sujets
à des troubles et malformations diverses associés dont l'intensité
varie d'une personne à une autre. Il s'agit, entre autres, de cardiopathies
congénitales, de troubles auditifs, visuels (cataracte, opacité
du cristallin, strabisme), sensoriel (le seuil de la douleur est
abaissé, cela reste variable d'une personne à une autre). La taille
d'une personne trisomique, quant à elle, est inférieure à la normale.
Celle-ci est en moyenne d'environ 154 cm pour un homme et environ
144 cm pour une femme. Le trouble du langage reste, dans tous les
cas, important. La déficience intellectuelle est, quant à elle,
constante. Un trisomique de 15 ans à un niveau intellectuel d'un
enfant de 5 à 6 ans. La déficience intellectuelle varie néanmoins
en intensité en fonction du code génétique, de l'accueil et la rééducation.
Face aux troubles et malformations dont beaucoup apparaissent progressivement
lors de la croissance, les attitudes et perceptions face à un trisomique
varient selon les croyances culturelles. A Gaza, en Palestine, cadre
de sa thèse de doctorat sur le sujet, "l'enfant trisomique est perçu
comme un don divin et porteur de richesse", fait savoir, le Dr Tawfik
Khrais, médecin-psychiatre interne des hôpitaux et officiant à "Keur
Xaleyi". Il ajoute que, dans ce cadre, l'enfant fait l'objet de
toutes les attentions et bénéficie d'une protection sociale.
A contrario, le réflexe immédiat de certains parents des enfants
trisomiques en Afrique est de lier les troubles et symptômes (signes
physiques caractéristiques) au mauvais sort, à la malédiction divine
ou à la réincarnation d'un esprit maléfique, selon le Dr Khrais.
Dans ce cas, l'attitude le plus souvent adopté est le rejet de l'enfant,
à la fois par les parents et la société, l'entourage immédiat en
l'occurrence.
Cependant, l'attitude vis-à-vis de ces enfants change en Afrique
et plus particulièrement au Sénégal. A "Keur Xaleyi", "on ne passe
pas une journée de consultation sans recevoir un trisomique", note
le Pr. Birama Seck. Il souligne cependant que "les parents amènent
leurs enfants dans le but de les guérir". Or, insiste le pédopsychiatre
: "La trisomie 21 n'est pas une maladie, c'est une tare". Et, en
l'espèce, on ne peut pas la guérir, insiste-t-il.
300 CAS DE TRISONOMIE 21
Le syndrome de Down est, en réalité, une anomalie génétique qui
se produit après la fécondation, au moment de la formation du fœtus.
L'apparition d'une trisomie 21 survient lorsqu'une paire de chromosomes
(ceux-ci renferment le patrimoine génétique humain) porte un chromosome
surnuméraire, ce qui en fait un triplet (les chromosomes se subdivise
normalement par paires). Les enfants affectés ont ainsi 47 chromosomes
au lieu d'avoir les 46 chromosomes spécifiques à l'espèce humaine.
Il existe d'autres aberrations chromosomiques comme la trisomie
13 (syndrome de Patau) et 18 (syndrome d'Edwards) qui donnent lieu
à un certain nombre de malformations physiques et mentales. Ces
cas sont cependant plus rares. Selon le Pr. Haby Signaté Sy, spécialiste
de la question, en poste à l'Hôpital pour enfants Abert Royer, il
en survient environ 1 sur 7000 naissances pour la Trisomie 18 et
1 sur 10.000 pour la Trisomie 13. La plupart des trisomies 13 et
18 entraînent rapidement la mort de l'enfant dans les semaines voire
les mois qui suivent la naissance, d'autres comme la trisomie 8
entraînent un handicap léger compatible à la vie.
En revanche, la trisomie 21, qui est de loin la plus fréquente des
anomalies chromosomiques, affecte 1 enfant sur 750 naissances, "quel
que soit le groupe ethnique, la race ou la couche sociale", précise
Mme Sy. Elle fait savoir que la consultation initiée à l'hôpital
d'enfants Albert Royer depuis une dizaine d'années en direction
des enfants porteurs de maladies génétiques a déjà enregistré plus
de 300 cas de Trisonomie 21.
De l'avis du Pr. Haby Signaté Sy, "l'attitude des parents en présence
d'un enfant porteur d'une Trisomie 21 devrait être de le faire consulter
le plus tôt possible dans un service de pédiatrie ou à défaut dans
la structure de santé la plus proche". C'est une précaution d'usage
afin de prendre en charge les malformations et troubles associés.
De nombreux moyens palliatifs sont proposés pour le suivi psychomoteur
des trisomiques, l'aide à l'amélioration de leur confort, leur intégration
sociale ainsi que l'acceptation de leur état par l'entourage, indique
Mme Haby Signaté Sy.
Car même si on ne peut pas guérir la tare congénitale, il est possible
d'aider ces enfants à mener une vie sociale, à trouver une place
dans la société et y évoluer selon leurs spécificités, ajoute le
Pr. Birama Seck. Il souligne que le rôle des familles est, de ce
point de vue, important. "Le trisomique doit se sentir aimé comme
les autres enfants", souligne le pédopsychiatre.
En France, les déficients intellectuels sont très tôt admis dans
les Instituts Médico-Pédagogique (IMP) puis dans les Instituts Médico-Professionnels
(I.M.Pro) où ils apprennent les rudiments d'un travail manuel. Cette
étape leur permet d'entrer dans les Centres d'Aide par le Travail
(C.A.T) où ils sont faiblement rémunérés pour un rendement partiel.
Les CAT sont envisagés actuellement dans l'orientation à l'âge adulte,
notamment lorsqu'un développement satisfaisant de l'autonomie a
permis l'acquisition de quelques gestes techniques et la possibilité
de respecter les consignes.
Au Sénégal, la prise en charge médico-sociale des enfants trisomiques
en est à ses premiers balbutiements. Créé en novembre 1993, le centre
"Keur Xaleyi" est, aux dires du Pr. Seck, le seul service de pédopsychiatrie
au Sénégal voire en Afrique de l'Ouest, actuellement indiqué pour
l'accueil et l'orientation des enfants trisomiques vers des centres
éducatifs, outre la prise en charge d'enfants autistes, psychotiques,
hyperactifs, etc.
La structure s'occupe aussi du suivi lié aux troubles du comportement
pouvant être associés à la trisomie, précise le Pr. Birama Seck.
Le responsable de la structure indique que les enfants trisomiques
sont en consultation externe, car ils ont besoin de communiquer
et d'être socialisé.
POTENTIALITES A DEVELOPPER PAR L'EDUCATION
Le retard intellectuel des enfants trisomiques n'est pas une fatalité.
A en croire le pédopsychiatre, "si on s'occupe de leur coefficient
intellectuel, il peut s'améliorer, sinon il régresse". Il indique
qu'il faut beaucoup stimuler le minimum de potentialités par des
activités concrètes comme l'apprentissage manuel à la mécanique,
à la poterie, etc.
Il fait savoir que l'éducation des enfants déficients intellectuels
peut même donner des résultats plus que prometteurs. "Il y en a
qui arrivent à lire des chiffres, à remplir leur chéquier, à composer
des numéros téléphoniques, etc.", aux dires du Pr. Seck. Le plus
significatif, c'est que ces enfants sont plus indépendants, poursuit-il.
Pour leur éducation, la tendance est de mettre les enfants déficients
intellectuels dans des écoles pour tous où sont aménagées des classes
spécialisées avec des enseignants tout aussi spécialisés à leur
disposition, fait savoir le Pr. Seck. En France, on tente, depuis
quelques années, de mettre en place partout des "classes intégrées",
c'est-à-dire des classes spéciales pour un petit groupe d'enfants
(environ 8) déficients intellectuels (presque toujours des trisomiques),
aménagées dans une école primaire ordinaire permettant le contact
avec les autres enfants.
Au Sénégal l'éducation publique des déficients intellectuels en
est aux balbutiements. Alors que la prise en charge publique des
non-voyants se fait à l'Institut national d'éducation et de formation
des jeunes aveugles (INEFJA) de Thiès, celle des handicapés moteurs
au centre Talibou Dabo, établi à Grand-Yoff, et celle des déficients
auditifs au Centre verbo-tonal à Gueule Tapée, les déficients intellectuels
doivent se contenter d'une structure non adaptée pour eux.
Ils sont, en effet, logés, depuis 1997, au Centre Verbo-Tonal. Aux
dires de la directrice du Centre, Mme Aminata Rose Diallo, c'est
l'épouse d'un ancien ambassadeur des Pays-Bas au Sénégal, M. Kramer
qui, engagée, alors, dans l'éducation de la catégorie de déficients,
avait pris sur elle de lancer le projet expérimental.
ESPOIR AVEC LE PDEF
Le ministère de tutelle devait assurer la relève, au terme du projet,
en 1999, consécutif au départ de Mme Kramer. Il s'agit maintenant
de trouver un local pour abriter le premier groupe d'élèves déficients
intellectuels. Les enfants sont jusque-là sans structure appropriée
alors que la demande d'éducation spécialisée augmente.
D'autres initiatives offrant un cadre d'accueil pour cette catégorie
de déficients existent, mais à titre privé. Il s'agit en fait de
classes consacrées à l'éducation des enfants déficients intellectuels
ouvertes dans des écoles privées. C'est le cas, depuis quelques
années, à l'Institut Jeanne d'Arc de Dakar. En outre, des structures
médico-pédagogiques privées ont aussi vu le jour comme l'Association
sénégalaise pour la sauvegarde des enfants déficients mentaux (ASSEDEM).
Créée en 1989, l'association vient de démarrer timidement ses activités
en 2003/2004, dans le cadre de ses locaux construits à Scat-Urbam.
LES PARENTS SE MOBILISENT
De plus en plus, les parents d'enfants inadaptés se regroupent
autour d'associations où ils développent l'entraide et la solidarité
pour demander des services spécialisés. Regroupés au sein de l'U.N.A.P.E.I.
(Union nationale des associations de parents d'enfants inadaptés),
ou de l'A.P.A.J.H (association de placement et d'aide aux jeunes
handicapés), ces associations sont très actives auprès des pouvoirs
publics.
Des dispositions sociales ont été, en outre, mises en place. Elles
visent à soulager les familles. Il existe, dans ce sens, une allocation
spéciale aux handicapés (versée par les Caisses d'Allocations Familiales).
Et, les sujets bénéficient de la carte d'invalidité qui entraîne
certains avantages sociaux pour la famille de l'enfant (par exemple
: une demi-part supplémentaire dans le calcul de l'impôt, gratuité
de la vignette automobile et, dans certaines villes, gratuité des
transports publics pour l'enfant atteint). Au Sénégal, il existe
une association des parents d'enfants déficients intellectuels (APEDI).
Les enfants des membres de cette association sont actuellement hébergés,
"provisoirement", indique-t-on, au centre verbo-tonal de Dakar,
ouvert aux enfants sourds et muets.
Le 8 octobre 2003, l'association des parents, lasse de l'état "
provisoire " dans lequel se trouvent leurs enfants, avait organisé
une marche "pour se faire entendre
MAMADOU LAMINE BADJI
Lire l'article original : http://www.lesoleil.sn/archives/article.CFM?articles__id=33838&index__edition=10083
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