Actualités de la santé
en Afrique
Janvier 2005

Au sommaire de cette semaine :

Cameroun :
© Le choléra et la capote
© Les médicaments génériques plus chers. C’est une conséquence de l’effectivité du droit des brevets sur les génériques en Inde
© Héroïnes silencieuses. Au Cameroun et ailleurs, elles sont nombreuses à s'être démarquées dans leur domaine d'activité

Côte d'Ivoire :
© Divo : La fièvre typhoïde progresse

RD Congo :
© Thaïlande/Chine : un médicament contre le Sida d’une efficacité de 89%

Sénégal :
© Lutte contre le vih/sida : Dormons-nous sur nos lauriers au Sénégal ?

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L'actualité de la santé en Afrique - Janvier 2005

Lutte contre le vih/sida : Dormons-nous sur nos lauriers au Sénégal ? - Le Soleil - Sénégal - 04/01/2005

Il y a quelques mois, l'information a été reprise largement par la presse internationale : des doutes subsisteraient sur les performances de l'Ouganda dans la lutte contre le Vih/Sida. Ce pays, selon des statistiques acceptées de tous, depuis quelques années, est parvenu, en moins de deux décennies, à renverser la tendance de l'épidémie. Une première mondiale. En Ouganda, le taux de prévalence du Vih/Sida est ainsi passé de 20 % à quelque 7 %.
Grâce à ces résultats, l'Ouganda est considéré comme une réussite dans la lutte contre le Vih/Sida et, surtout, comme un exemple cité à la tribune de toutes les conférences sur cette maladie. À côté de l'Ouganda, on cite aussi la Thaïlande, le Brésil et le Sénégal qui sont aussi des « success story. »
Au Sénégal, la prévalence du Vih/Sida ne dépasse pas 1,5 % dans la population générale. L'ambition affichée est de ne pas franchir la barre des 3 % en 2006.
La réussite sénégalaise, largement documentée, est, elle aussi, disons-le, souvent sujette à la suspicion. Le programme sénégalais a déjà subi le regard critique d'experts de tous horizons. Tout comme il est passé assez régulièrement sous les fourches caudines de groupes d'évaluateurs.
On entend, certes, de temps en temps, le doute percer d'un discours, mais, pour l'essentiel, la faible prévalence notée au Sénégal, obtenue à partir de normes scientifiques mondialement reconnues, est, aujourd'hui, acceptée par la communauté internationale.
Les raisons du succès du programme sénégalais sont connues. Il y a la réponse précoce à l'épidémie, un fort leadership politique qui soutient le programme, la mobilisation de tous les acteurs y compris les leaders communautaires et religieux, l'approche multisectorielle, etc.
La prévalence est faible, mais l'épidémie reste concentrée. Chez les professionnelles du sexe, on note des taux de prévalence de l'ordre de 15 %. Par ailleurs, dans certaines régions, comme Diourbel et Kaolack, la prévalence dépasse largement la moyenne nationale. On a, ces temps derniers, parlé de la ville de Kolda où la prévalence chez les jeunes de 15 à 25 ans serait de l'ordre de 2,5 %. Un immense défi à relever.
Au Sénégal, les personnes vivant avec le VIH ont encore peur de parler en public de leur maladie, de partager avec les membres de leur famille leur statut sérologique.
Autre défi : la condition des personnes vivant avec le Vih. Au Sénégal, le traitement antirétroviral est totalement gratuit depuis janvier 2004 après l'annonce faite par le chef de l'Etat à l'ouverture de la 6e conférence internationale pour la prise en charge communautaire et à domicile des Personnes vivant avec le Vih.
On peut, maintenant, vivre avec le virus, travailler, couver sa famille et ses enfants, contribuer au développement de sa communauté.
Avec le traitement antirétroviral, les Pvvih peuvent désormais considérer leur maladie comme une maladie chronique à l’image de l'hypertension ou du diabète. Les médecins le répètent à l'envi. Pourtant, les personnes vivant avec le Vih continuent de vivre une stigmatisation, une discrimination de la société. Elles vivent presque dans « la clandestinité ».
Malgré le succès du programme national, elles ne sont encore que deux -un homme et une femme – à avoir franchi le Rubicon en parlant en public de leur maladie. Beaucoup d'autres refusent de les suivre. Pourtant, certaines d'entre elles mènent des activités remarquables dans l'anonymat, en s’impliquant dans la prise en charge psychologique des personnes nouvellement infectées. D'autres militent dans des associations, cadres dans lesquels elles s’épanouissent avec leurs pairs. Ces Pvvih pourraient aussi aider la grande majorité des Sénégalais qui ne connaissent pas leur statut sérologique. En vivant positivement leur maladie, grâce aux antirétroviraux, les Pvvih peuvent jouer un rôle déterminant dans la promotion du dépistage anonyme et volontaire.
Tout cela prouve, en définitive, que le programme national de lutte contre le Vih a encore des efforts à déployer pour améliorer la prise en charge des Pvvih dans la famille et au sein de la communauté. Il est tout de même paradoxal de constater qu'au Sénégal dont les performances sont saluées dans le monde entier, les Pvvih ont encore peur de parler en public de leur maladie, de partager avec les membres de leur famille leur statut sérologique, de contribuer ouvertement à la sensibilisation des populations. Cela interpelle au premier chef les responsables du programme national, mais aussi tous les acteurs communautaires (responsable d’Ong) dont la vocation est d'aider les communautés à accepter et la maladie et les malades.
Manifestement, sur ce plan, il y a beaucoup de choses à dire et, surtout, un vaste éventail d'actions à mener pour, enfin, « lancer le pont entre, d'une part, l'hôpital et, d'autre part, la famille et la communauté.»
Le Dr Ibra Ndoye, secrétaire exécutif du Conseil national de lutte contre le Sida (Cnls), multiplie, réunions après réunions, conférences après conférences, les mises en garde du genre : « ne dormons pas sur nos lauriers », « la faible prévalence est une invite à plus d'engagement, de rigueur et de vigilance ». Tout le monde l'écoute.
Tout le monde pense-t-il et dit-il la même chose, en public et en privé ? Les « bulles » qui, de temps à autre, éclatent dans les colonnes de la « presse people » polluent l’atmosphère sans poser les bonnes questions et créer les conditions d’un débat serein.
Un membre d'une organisation non gouvernementale regrettait, devant l'auteur de ces lignes, que la communauté des Ong eût perdu son franc-parler. Presque plus de coups de gueule, plus de débats contradictoires, plus de regard neuf pour justement ne pas dormir sur « nos lauriers ». De temps à autre, une gerbe de franc-parler ferait du bien à tout le monde.
L'argent disponible en quantité oblige-t-il tout le monde à travailler sans élever la voix et à vouloir faire des résultats puisque, pour une fois, apparemment, la question des moyens ne se pose plus avec autant d'acuité ? Nous parlons, bien sûr, de l'argent bien utilisé ; de l'argent qui est le moteur des activités qui améliorent la qualité de vie des malades et les conditions de travail des acteurs de la lutte contre le Vih/Sida.
« Le manque de visibilité » de la maladie n'a-t-il pas, en définitive, enfermé tous les experts, dirigeants d'Ong, leaders communautaires et professionnels des médiats dans…une maison close ? Un huis clos qui serait, pour certains, préjudiciable à une bonne « gestion de l’épidémie. »
Sommes-nous capables, s'interroge un expert, d'inventer et de mettre en œuvre d'autres stratégies pour informer et protéger les jeunes ainsi que les adolescents - la majorité des Sénégalais -, sexuellement actifs à un âge de plus en plus bas ? Les ados, d'aujourd'hui, n'étaient pas nés quand leur pays entamait la lutte contre le virus, ajoute cet expert.
Un autre acteur de la lutte s’interroge : Ne devrions-nous pas être plus attentifs à la vulnérabilité des femmes à l'infection à Vih, voir encore plus large, dans le cadre de l'approche multisectorielle, afin de rendre plus évident le lien qu'il y a entre la surinfection des femmes et leur faible statut juridique, économique et social ? « Comme le savent les experts de la santé, le Sénégal ne doit pas dormir sur ses lauriers et se contenter de ses efforts de prévention passés. Les récentes statistiques du programme de surveillance sentinelle de l'infection au Vih au Sénégal montrent que la prévalence augmente chez les groupes à hauts risques, une tendance très préoccupante pour nous tous qui souhaitons éviter une épidémie généralisée. Au Sénégal, l'épidémie du Sida frappe durement les femmes, particulièrement les jeunes femmes. De 2002 à 2003, le pourcentage de jeunes femmes enceintes séropositives a augmenté de 70 %. » (1)
Travailler permet de rester éveillé. C'est à 1, 5 % de taux de prévalence que la lutte contre le Vih/Sida est manifestement la plus âpre et les succès à la merci d'une flambée aux conséquences dramatiques.
Ces mots sont de M. Richard Roth, ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique au Sénégal. Les Etats-Unis, à travers l’Usaid, sont, au Sénégal, le premier donateur pour les activités de lutte contre le Vih/Sida, depuis 1987. Ce pays a dépensé plus de 25 millions de dollars pour aider le Sénégal à maintenir bas le taux de prévalence. Son texte, publié dans les colonnes du « Soleil », le jour de la célébration de la Journée mondiale de lutte contre le Sida, est à la fois un appel à la « vigilance » et « un rappel des leçons apprises » qui permettront « de pérenniser les progrès enregistrés ».
Ceux qui contestent le succès du programme ougandais ont dû réveiller du beau monde à Kampala. Nous ne sommes pas, pour le moment, en mesure de saisir tous les éléments constitutifs de cette contestation, mais ce brin de provocation a dû faire du bien en Ouganda.
Il reste aux Sénégalais de ne pas « dormir sur leurs lauriers ». Travailler permet de rester éveillé. C'est à 1, 5 % de taux de prévalence que la lutte contre le Vih/Sida est manifestement la plus âpre et les succès à la merci d'une flambée aux conséquences dramatiques.

EL BACHIR SOW

(1). Contribution de l’ambassadeur des Etats-Unis au Sénégal, publiée dans « Le Soleil » à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le Sida (1er décembre 2004).

Lire l'article original : http://www.lesoleil.sn/santeenv/article.cfm?articles__id=45742

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