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C'est à Bépanda, quartier populeux de Douala, que
l'épidémie s'est déclarée. Au mois de
janvier 2004, quelques habitants de ce quartier dans lequel la promiscuité
et l'insalubrité ont pignon sur rue, sont admis dans divers
hôpitaux et autres centres de santé de la capitale
économique. Ces patients vomissent et font de la diarrhée.
Ce qui les déshydrate. Certains en meurent. Des cas isolés
au départ, qui vont très vite se multiplier.
En l'espace de quelques semaines, les hôpitaux de Douala sont
littéralement pris d'assaut par des centaines de personnes
infectées par le vibrion cholérique, microbe à
l'origine du choléra, que l'on contracte par le non respect
des règles élémentaires d'hygiène. L'alerte
est donnée par les autorités sanitaires de la province
du Littoral. Les foyers de la maladie se multiplient. Après
Bépanda, les malades se recensent aussi de plus en plus dans
les quartiers Mboppi, Nganguè, New-Town, Oyack, Mambanda
et Ngwele (Bonabéri). A la date du 02 mars 2004, on dénombre
déjà 13 morts sur plus de 900 cas, selon des sources
officielles.
Les ressources humaines et matérielles sont renforcées
dans les hôpitaux Laquintinie, Cebec de Bonabéri, et
dans ceux de districts de Nylon et de Deïdo. Des spots de sensibilisation
sont conçus et diffusés sur les ondes des médias
publics. A longueur de journée. Malheureusement, au bout
de trois mois, les résultats sont peu satisfaisants. «Les
campagnes de communication et de sensibilisation n'ont pas atteint
leurs cibles. Les programmes de chloration des puits n'ont pas été
effectifs. Autre entrave : la quasi totalité des arrondissements
de Douala regorgent [désormais] des biotopes à risques»,
regrette Gounoko Haounaye, gouverneur de la province du Littoral,
et coordonnateur provincial de la lutte centre le choléra.
Le 17 mai, 200 millions de francs sont débloqués par
le gouvernement. Des fonds qui permettent de construire, à
la hâte, des forages dans les quartiers les plus touchés
par la maladie, et de soigner gratuitement les malades. Dans la
foulée, l'Ong internationale Médecins sans frontières
(Msf) se porte au chevet des malades. Par ailleurs, 70 médecins,
frais émoulus de la Faculté de médecine et
des sciences biomédicales (Fmsb), en attendant d'être
affectés à des postes de travail à travers
le pays, sont envoyés en renfort dans les hôpitaux
de Douala. Certains d'entre eux sont interloqués devant le
triste spectacle. "Nous sommes vraiment dépassés
par cette situation. Il faut un renforcement de l'équipe
médicale pour essayer de dompter ce fléau. Les conditions
d'hygiène et de salubrité sont déplorables
ici. La sensibilisation doit également être accentuée
à ce niveau", déclare l'un de ces jeunes médecins
dans une dépêche de l'Agence France presse (Afp) datée
du 05 juin 2004.
Eau souillée
Normal donc que le tableau du bilan se noircisse davantage. Dans
la même dépêche, l'Afp fait état de 2.669
cas enregistrés. Pour 29 morts, selon le poste national de
la Cameroon radio television (Crtv). Pire encore, l'épidémie
a dépassé les frontières de la capitale économique,
et même de la province du Littoral. En juillet, l'on annonce
07 morts à Foumbot, dans la province de l'Ouest. Sur une
vingtaine de cas déclarés. Certains esprits hâtifs
mettent la présence du vibrion cholérique dans cette
localité sur le compte des flux migratoires entre les provinces
du Littoral et de l'Ouest.
Cependant, une source médicale indique que la maladie est
née de la pollution industrielle d'une rivière de
Foumbot, principale source d'approvisionnement en eau des habitants
de cette partie du pays. Dans le même temps, des malades du
choléra sont également signalés à Limbé
(province du Sud-Ouest) et dans d'autres localités de la
province du Littoral : Manjo, Loum et Nkongsamba (département
du Moungo).
Au total, moins d'une cinquantaine de Camerounais succomberont à
cette épidémie de choléra, à en croire
les chiffres officiels. Des statistiques qui n'ont pas nourri de
controverse comme celles sur le taux de prévalence du Sida.
En effet, au cours d'une rencontre du Comité national de
lutte contre le sida (Cnls), au Yaoundé Hilton hôtel,
fin octobre, c'est-à-dire à quelques semaines de la
célébration (le 1er décembre) de la Journée
mondiale de lutte contre le Sida, le Minsanté, Urbain Olanguena
Awono, annonce la diminution de moitié du taux de prévalence
du sida au Cameroun. Des 11,8 % des cas connus jusque-là,
le ministère de la Santé publique, après une
enquête démographique de santé réalisée
quelques mois plus tôt, croit savoir que le Cameroun ne compte
plus que 5,5 % de séropositifs. Le scoop barre la Une de
tous les journaux, dont certains émettent des réserves
sur la crédibilité de tels chiffres.
Vanhivax
Car, le fait que "la récente enquête démographique
et de santé réalisée sur plus de 12 000 hommes
(15 - 59 ans) et femmes (15 - 49 ans), en milieu urbain et rural,
[ait montré] que 98 % de la population a entendu parler du
sida", comme l'affirme le Dr. Léopold Zekeng, alors
secrétaire permanent du Cnls, n'exclut pas que lesdites populations
soient exposées au risque d'infection au Vih. De ce point
de vue, les femmes et les jeunes, de l'avis des experts, demeurent
les cibles privilégiées. Surtout dans certaines zones
rurales du Cameroun où la sensibiliation est encore sinon
un luxe, du moins se heurte souvent à quelques écueils
socio-culturels. Et où la prise en charge des malades est
pratiquement inexistante, du fait de la rareté des antirétroviraux
(Arv). Selon les statistiques du Cnls, seuls 12 % des malades ont
accès à ces médicaments. Ce malgré les
coûts relativement abordables (3.000 à 7.000 Fcfa).
Ces Arv constituent pourtant la seule chance pour les malades, de
prolonger leur séjour terrestre.
En attendant que la communauté scientifique mondiale trouve
enfin un vaccin. A ce propos, Victor Anomah Ngu, chercheur camerounais,
croit détenir la potion magique.
Elle s'appelle Vanhivax. Il s'agit d'un "vaccin thérapeutique"
qui, selon son inventeur, a déjà sorti plusieurs malades
des griffes impitoyables du Vih. Impossible, lui rétorquent
ses pairs du monde de la science. La querelle scientifique s'installe.
Convaincu de sa trouvaille, Victor Anomah Ngu, lui, ne démord
pas. D'ailleurs, ne parle-t-on pas aussi en France, ces jours-ci,
de la découverte d'un vaccin similiaire ? Malgré les
réserves de ses collègues et des pouvoirs publics
camerounais, ce chercheur camerounais continue de recevoir des malades
du Sida dans sa clinique, située au quartier Essos à
Yaoundé. Une institution sanitaire qui porte bien son nom
: "clinique de l'Espoir". Espoir pour les 500.000 malades
de Sida du Cameroun de pouvoir un jour recouvrer définitivement
la santé. Mais aussi, espoir que ceux des Camerounais qui
sont séronégatifs jusqu'ici ne croise pas la route
de cet insidieux virus qu'est le vih.
Brice R. Mbodiam
Lire l'article original : http://www.quotidienmutations.net/cgi-bin/alpha/j/25/2.cgi?category=10&id=1104710698
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