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Les services de soins après avortement dans le sillage de la maternité à moindre risque - Le soleil - Sénégal - 04/03/02

On observe de plus en plus un net engagement des ministères de la Santé dans les différents pays de la sous-région. Les ministères commencent à se pencher sur la question de l’avortement à risques à travers l’introduction de services de soins après avortement qui, s’inscrivant dans une problématique plus vaste, contribuent à renforcer les mesures prises pour arriver, en Afrique, à une maternité à moindre risque.

La conférence internationale sur les soins après avortement (SAA) s’ouvre cet après-midi à l’hôtel Méridien-Président. Quelque 175 délégués dont des médecins, sages-femmes et représentants de ministères de la Santé de 15 pays francophones d’Afrique participeront, du 04 au 07 mars 2002, à cette importante rencontre.

Vendredi dernier, une conférence de presse, qui s’est tenue à l’Hôtel Résidences Ndiambour, a été l’occasion d’un échange fructueux entre les journalistes et les organisateurs de la conférence. Ce dialogue sur “un sujet aussi sensible” entre des professionnels de la communication et de la santé devrait, à entendre les organisateurs de la conférence, aider à surmonter les obstacles que constitue “la sous-information ou l’information inadéquate” qui pourrait “influer négativement sur la mise en œuvre et l’extension des services de SAA” capables “d’éviter des milliers de décès maternels par an”.

Dans sa déclaration liminaire, M. Pape Amadou Gaye, directeur régional d’Intrah/PRIME, co-président du comité d’organisation, est revenu sur le nombre élevé de femmes qui meurent chaque année dans le monde des suites de complications liées à la maternité. Elles sont demi million de femmes à mourir en donnant la vie. 90 % de ces décès surviennent dans les pays en développement. Au Sénégal, plus d’un millier de femmes meurent pour 100.000 naissances vivantes contre …70 en Tunisie et 5 en Suède pour le même nombre de naissances vivantes (1).

Dès lors, on comprend, comme l’a souligné M. Gaye, “l’enjeu et l’urgence du problème”. En effet, une étude de l’organisation mondiale de la santé (OMS) de 1999 estimait à 18 % la part des avortements à risques dans les causes directes de ces décès.

“Si une attention particulière a été portée au problème de l’avortement à risques au cours de ces dernières années, a rappelé le directeur régional d’Intrah/PRIME, il n’en demeure pas moins vrai que l’environnement des politiques relatives à ce phénomène n’était pas tout à fait favorable en Afrique francophone subsaharienne”. Selon M. Gaye, “la question n’est pas souvent perçue comme une priorité de santé à l’échelle nationale”.


ENGAGEMENT DES MINISTERES DE LA SANTE
Pourtant, une nette évolution se dessine. De l’avis de M. Pape Amadou Gaye, “on observe de plus en plus un net engagement des ministères de la Santé dans les différents pays de la sous-région”. Ceux-ci “commencent à se pencher sur la question de l’avortement à risques à travers l’introduction de services de SAA”. Les soins après avortement complet, a expliqué M. Gaye, offrent, en effet, un traitement médical d’urgence aux femmes qui ont subi un avortement à risque insécurisé, ainsi que des services de planification familiale et d’autres activités appropriées de santé de la reproduction.

“Les données sur les programmes offrant des services exhaustifs de SAA ont révélé, a-t-il affirmé, un besoin considérable en planification familiale parmi les clients ayant subi un avortement, ainsi que l’utilisation accrue de la contraception dans la clientèle des SAA”.

La conférence qui s’ouvre ce matin à Dakar devrait, d’ailleurs, a déclaré le directeur régional d’Intrah/PRIME, aider “à la dissémination des travaux novateurs accomplis au Burkina Faso, en Guinée et au Sénégal pour introduire les services au niveau national et l’extension aux hôpitaux régionaux et au Ghana où les soins de SAA ont été décentralisés au niveau des soins de santé primaires”. Le but général de la conférence, a confié M. Gaye aux journalistes, est de “promouvoir l’établissement et le développement dans la région de services de qualité de SAA plus accessibles et durables”.

En réponse aux questions des journalistes, plusieurs spécialistes ont pris la parole. L’essentiel des réponses et des questions a tourné, entre autres, autour des types d’avortements, de la législation, de la sensibilisation et de l’implication des communautés, des conditions d’utilisation et de diffusion de l’aspiration manuelle intra-utérine (AMIU).


DES SERVICES DE QUALITÉ
Mme S. Djiba du service national de la santé de la reproduction (SNSR) du ministère de la Santé et de la Prévention, a mis en exergue les efforts du gouvernement sénégalais pour avoir, dans le domaine des SAA, “des services de qualité” à offrir au plus grand nombre à travers un programme “en phase d’extension” bien maîtrisé. Des propos que renforcent les déclarations du Dr Seipati Mothebesoane-Anoh, coordonnatrice régionale de l’initiative “grossesse à moindre risque” au Bureau régional de l’OMS à Harare.
Dr Anoh a rappelé que les soins après avortement font partie du paquet de services que constituent les soins obstétricaux d’urgence (SOU). Les SOU qui, au Sénégal, sont l’objet d’une attention particulière du côté du ministère de la Santé et de la Prévention, appuyé par des partenaires comme le FNUAP. La coordonnatrice régionale de l’initiative “grossesse à moindre risque” a invité les journalistes à voir aussi, à travers les SAA, une démarche visant à affirmer et à consolider les droits humains, notamment le droit à la vie et à la sécurité de la personne. Il y a des lois, a-t-elle soutenu, qui imposent aux gouvernements d’améliorer la santé des populations. Tout comme il existe, a-t-elle rappelé, des conventions internationales ratifiées par les pays et leur demandent de veiller à ce que les femmes aient accès à des soins appropriés et de qualité au cours de la grossesse et de l’accouchement.

Pour sa part, le Pr. Fadel Diédhiou, président du conseil d’administration du centre de formation et de recherche en santé de la reproduction (CEFOREP, ancien de la clinique gynécologique et obstétricale du CHU Le Dantec de Dakar, il faut, certes, lutter contre le paludisme (une des causes indirectes de la mortalité maternelle), mais aussi s’attaquer aux complications après l’avortement. L’un n’exclut pas l’autre et, dans le cas des SAA, il s’agit “d’agir rapidement et en toute sécurité”. En écho, le Dr Isseu Touré, Conseillère en Santé de la Reproduction de l’OMS/Sénégal soutient qu’il s’agit “d’assister une femme et l’aider à ne plus subir une telle souffrance”.


PARTICPATION DES COMMUNAUTÉS
Pour cela, il faudra aussi sensibiliser et travailler avec les communautés. Celles-ci doivent être capables d’identifier les avortements et de conduire les femmes qui en sont victimes à la structure de santé équipée la plus proche, a dit M. Badara Sèye, consultant au Projet Policy.

Il y a également “un effort” à faire pour former les personnels de santé, équiper les structures et “faire face au problème”, a ajouté Dr Placide Tapsoba de Population Council. Le Dr Tapsoba a révélé que le Pop Council, qui s’est penché sur la question, s’est rendu compte que 90 % des avortements répertoriés dans les structures de santé sont des fausses couches (avortements spontanés). Seuls 10 % sont des avortements provoqués. D’autres études menées à Dakar, à l’hôpital Le Dantec, à l’hôpital Principal ainsi qu’au Centre Baudouin ont montré que beaucoup de femmes victimes de complications après avortement sont des femmes mariées. Ces femmes portaient souvent des grossesses non désirées, a ajouté M. Thierno Dieng du CEFOREP. “Nous voilà revenus à l’épineuse question des besoins non satisfaits en planification familiale”, souffle un spécialiste assis à nos côtés. Cela donne d’ailleurs un relief singulier au rappel du Dr Isseu Touré : “la planification familiale est en amont et en aval du sujet dont nous parlons”. Mieux, précise le Dr Tapsoba, les SAA ont permis de mettre l’accent sur les conseils en planification familiale et d’améliorer la prise en charge psycho-sociale de la femme qui vient de subir un avortement. Ces conseils sont importants puisqu’ils peuvent aider la femme à ne pas contracter une nouvelle grossesse. Ce qui est possible deux semaines après un avortement sans le recours à une méthode de contraception.

L’utilisation de l’aspiration manuelle intra-utérine (AMIU) a été aussi longuement abordée au cours de la conférence de presse. M. Pape Amadou Gaye, co-président du comité d’organisation de la conférence disait, à ce sujet, dans son propos liminaire, que “les services après avortement, notamment l’utilisation de l’AMIU, ont été introduits de manière limitée dans un certain nombre de pays francophones d’Afrique”. Le directeur régional d’Intra/PRIME avait poursuivi en notant que “la recherche opérationnelle s’est avérée efficace pour introduire et générer un soutien à l’AMIU en Afrique francophone. Les études pilotes de recherche au Sénégal et au Burkina Faso ont réussi à convaincre les prestataires et décideurs des ministères de la Santé d’accepter et de cautionner l’introduction des services de SAA”.


RESPONSABILITE
En fait, l’introduction de l’AMIU au Sénégal, par exemple, ne s’est pas faite sans…complications liées, entre autres, à son utilisation et à sa diffusion. “La question est sensible”, reconnaît le Dr Manuel Pina, même si des spécialistes, comme le Dr Tapsoba, soulignent volontiers que l’AMIU, contrairement au curetage, amoindrit les coûts et limite la durée d’hospitalisation. Les problèmes que posent l’utilisation, la disponibilité, la diffusion de cet outil ainsi que le renouvellement des stocks ne sont pas entièrement tranchés. Ils sont encore discutés par le service national de la santé de la reproduction (SNSR), le CHU de Le Dantec et leurs partenaires.

A qui confier l’AMIU pour rendre le service permanent et, en même temps, éviter qu’il ne tombe entre les mains d’individus peu scrupuleux qui s’en serviront pour faire autre chose? “Autre chose”, c’est-à-dire des avortements provoqués payés au prix fort par des femmes prises à la gorge par une grossesse non désirée. En filigrane, se pose un problème de “responsabilité” pour reprendre le mot du Dr Pina. Pour le moment, là où l’AMIU est utilisée, le nombre de personnes qui en ont la “responsabilité” est très limité ; elles seraient deux dont le chef de la structure qui offre des services de SAA.

Revenant sur les questions juridiques, M. Famara Sarr, député, coordonnateur du réseau des parlementaires sur la population et le développement, et M. Momar Lô, coordonnateur du réseau sahélien des parlementaires, ont dit clairement que l’avortement n’est ni légal ni une méthode de contraception au Sénégal. C’est le cas dans presque tous les pays dont les délégués seront présents cet après-midi dans la salle de conférence de l’hôtel Méridien-Président de Ngor. Selon le centre pour le droit, les politiques en matière de santé reproductive (CRLP), les Sénégalais font partie des “26 % de la population mondiale qui vivent dans des pays où l’avortement est généralement interdit”. Le Sénégal est dans le groupe de pays “dont les lois sont les plus restrictives”. Dans la sous-région, seul le Cap-Vert autorise l’avortement “sans restriction quant à la raison” (2).

Ce qui est donc en jeu, c’est la question morale liée à l’avortement que la volonté de créer les meilleures conditions de vie pour les populations, en améliorant, entre autres, leur santé, a dit en substance M. Famara Sarr. Le réseau des parlementaires, a dit son coordonnateur, travaille depuis des mois sur une proposition de loi sur la santé de la reproduction. Cette proposition de loi s’intéresse à la réforme du droit à l’avortement. “Pour comprendre” et sans doute mieux légiférer, “nous avons besoin de tout le monde”, a lancé M. Sarr.

Sources :
(1). Etat de la population mondiale 2000- FNUAP
(2). Les lois sur l’avortement dans le monde en 2000- Centre pour le droit les politiques en matière de santé reproductive (CRLP), New York- Etats Unis. (www.crlp.org).
EL BACHIR SOW

Lire l'article original : www.lesoleil.sn/archives/article.CFM?articles__id=11979&index__edition=9529

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