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VENTE DES STUPEFIANTS ET TOXIQUES : Des défaillances dans le contrôle - Wal Fadjri - Sénégal - 05/03/02

Anafranil 10 est un de ces médicaments que l’on doit se procurer uniquement par ordonnance délivrée par un médecin. Ce médicament est un psychotrope - qui agit sur le système nerveux central et le psychisme. Il est inscrit sur les listes des produits vénéneux, c’est-à-dire ceux qui renferment du poison et sont donc dangereux pour l’organisme. La vente de ces produits vénéneux est soumise à une réglementation fort stricte. Pourtant, on peut réussir à acheter un de ces médicaments avec certains vendeurs de pharmacie à Dakar.

La délivrance d’un médicament à un sujet sain est d’autant plus grave que celui-ci court de gros risques en consommant le produit. Ces risques sont surtout les allergies - qui peuvent aller du gonflement du visage à l’arrêt des battements du cœur, voire à la mort. Il y a surtout les risques de dépendance pour ce qui est des psychotropes. Ces derniers, comme Anafranil, Nozinan ou Laroxyl, sont le plus souvent des anti-dépresseurs classés parmi les listes des produits vénéneux.

Malgré tout, le non-respect des règles est assez rare dans les officines de pharmacie. «Ces violations sont le plus souvent le fait des vendeurs et non des pharmaciens», selon Djiby Ndiaye, pharmacien de profession. Le travail du vendeur consiste à aller chercher le médicament et à le déposer sur le comptoir. C’est le pharmacien qui, lui seul, doit délivrer le médicament, après l’avoir reçu et vérifier sa régularité technique. «Le problème, explique Djiby Ndiaye, c’est que les pharmaciens ont tendance à déserter les officines, sans trouver d’assistants. Alors que le seul souci du vendeur, c’est de vendre son produit. C’est grave, car si vous tomber sur le vendeur seul à la pharmacie, vous pouvez avoir le produit sans ordonnance, comme dans le marché illicite du médicament. C’est dans quelques officines seulement que le vendeur respecte la réglementation».

L’autre problème noté au niveau de ces pharmacies est l’acceptation de certaines ordonnances délivrées par des infirmiers, alors que ceux-ci ne sont pas habilités à le faire. La violation de ces règles est encore plus grave hors des officines, chez les vendeurs de médicaments qui pilulent partout à Dakar. Ces vendeurs ne sont bien sûr pas approvisionnés régulièrement, contrairement aux pharmacies qui reçoivent leurs médicaments des grossistes (Laborex, Sodifarm, Cophas, etc.). Quant à la Pharmacie nationale d’approvisionnement, elle délivre en général ces médicaments à des structures comme les centres de santé.

En général, les pays africains ont des systèmes de contrôle de la fabrication et de la distribution licites des produits pharmaceutiques qui sont insuffisants, comme le note le rapport 2001 de l’Organe international de contrôle des stupéfiants (Oics). Des substances placées sous contrôle international sont en vente libre soit parce que la législation nationale pertinente n’est pas actualisée, soit parce que l’obligation de délivrance sur ordonnance n’est pas suffisamment respectée ou appliquée. En outre, des produits pharmaceutiques fabriqués illicitement ou détournés sont distribués. L’Oics souligne aussi que l’abus de substances psychotropes demeure un problème dans de nombreux pays du continent, en particulier dans les grandes villes d’Afrique australe, d’Afrique de l’Est et d’Afrique de l’Ouest. Il semble que l’automédication, la vente de médicaments autrement que par les officines agréées (colporteurs, vendeurs de rue, détaillants non agréés) et la vente de substances psychotropes sans ordonnance contribuent à cet état des choses.

Au Nigeria et dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, diverses préparations contenant des stimulants de type amphétamine et des benzodiazépines sont toujours facilement disponibles sur les marchés parallèles. Compte tenu de l’ampleur de l’abus de comprimés d’éphrédine au Ghana, les autorités ont interdit la fabrication et l’utilisation de ces comprimés. Le gouvernement égyptien a mis en place des contrôles et des sanctions plus stricts pour les stimulants. La plupart des saisies de stimulants de type amphétamine ont lieu en Afrique de l’Ouest ; en 1999, le Nigeria a représenté, à lui seul, les trois-quarts de l’ensemble de ces saisies en Afrique. En Afrique de l’Est, un grand nombre de stupéfiants psychotropes licites sont détournés vers les circuits illicites et vendus au vu et au su de tous, dans plusieurs villes, par des vendeurs de rue. Ces substances, qui incluent des sédatifs et des sirops à base de codéine, sont utilisées pour contrebalancer les effets stimulants du khat, tandis que le diazépam et le phénobarbital sont pris en association avec d’autres produits pour renforcer les effets de l’alcool de fabrication locale.

Pour le cas du Sénégal, les règles sur la vente des produits vénéneux sont assez strictes, sur le papier. Mais il suffit souvent de faire le tour d’une dizaine d’officines pour avoir ces médicaments sans ordonnance à Dakar. Cela constitue une violation grave de la réglementation sur la circulation de ces produits, violation comparable à la délivrance d’un casier judiciaire vierge à un repris de justice.

Une réglementation plus stricte

La vente des produits vénéneux est bien réglementée en officine. La Liste I (qui correspond à l’ancien Tableau A, Toxiques) comprend les substances ou préparations, les médicaments et les produits présentant les risques les plus élevés pour la santé. Les médicaments et produits de la Liste I doivent être gardés dans des armoires ou des locaux fermés à clé et ne contenant rien d’autre que des substances toxiques. Les ordonnances qui sont prescrites, ne peuvent être renouvelées que sur spécification du médecin.

La Liste II (ancien Tableau C, Dangereux) comprend des produits moins toxiques ou peu toxiques, mais dont l’emploi ou la manipulation nécessite des précautions (substances inflammables, explosives ou caustiques, etc.). Les médicaments et produits de cette liste doivent être gardés séparément de tout autre médicament. Les ordonnances peuvent être renouvelées lorsque le prescripteur ne l’a pas expressément interdit.

Quant à la Liste Stupéfiants (ancien Tableau B), elle est la plus stricte. Les médicaments qui y sont inscrits doivent être détenus dans une armoire spéciale, fermée à clé ; ils ne peuvent être délivrés que sur une ordonnance extraite d’un carnet à souches imprimé par l’Ordre des médecins. La prescription ne doit pas porter sur une période supérieure à sept jours, mais, pour certains médicaments, cette durée est portée à soixante jours. Les médicaments ne peuvent être délivrés que pendant la période correspondant à la prescription. Les ordonnances de stupéfiants ne sont pas renouvelables et, sauf spécification expresse, une nouvelle ordonnance ne peut pas être établie par le praticien pendant la durée de la prescription précédente.

Les ordonnances de produits vénéneux doivent indiquer lisiblement la date, les nom, prénom, adresse et qualité du prescripteur, sa signature ; la dénomination du médicament, sa posologie, et son mode d’emploi ; la quantité prescrite et la durée du traitement. Elles doivent, en outre, mentionner obligatoirement les nom, prénom, sexe et âge du malade. Une ordonnance peut prescrire des médicaments pour un traitement de plusieurs mois mais, en ce qui concerne les Listes I et II, cette prescription ne peut être faite pour une durée supérieure à douze mois, et il ne peut être délivré en une seule fois une quantité de médicaments ou produits correspondant à une durée de traitement supérieure à un mois. Toutefois, les médicaments contraceptifs peuvent être délivrés pour une durée de trois mois non renouvelables.
El Hadji Dame SECK

Lire l'article original : www.walf.sn/archives/article2.CFM?articles__num=7888&unelocale__edition=2993

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