Ils sont plus de 200 hémophiles diagnostiqués alors que d'autres
vivent de façon anonyme leur maladie. En outre, un enfant sur 10.000
naît hémophile. Mais quelle est donc cette maladie héréditaire,
si mal connue de tous, qui touche plus les garçons que les filles,
et qui fait que le sang des malades coagule mal.
L'Association Sénégalaise des Hémophiles se bat depuis sa création,
en 1990, pour aider les malades, leur trouver des soins et faire
connaître cette maladie pour permettre son dépistage. C'est dans
ce cadre d'ailleurs qu'elle a organisé les 4 et 5 mars un séminaire
de formation à l'intention des médecins et une journée de sensibilisation
en partenariat avec l'association canadienne de l'hémophilie.
De nombreux hémophiles accompagnés de leur famille avaient fait
le déplacement hier, mercredi 5 mars au Centre national de transfusion
sanguine (Cnts) pour la journée de l'hémophilie. La plupart sont
arrivés en boitant, les articulations gonflées et les jambes atrophiées.
"L'hémophilie est encore mal soignée au Sénégal par manque de moyen"
explique la Canadienne Patricia Stewart, qui ajoute que "le plus
gros problème vient du fait que la maladie est encore très méconnue
de tous, des médecins y compris". Selon les statistiques en effet,
le Sénégal compterait 1000 hémophiles. Mais 200 uniquement sont
connus des services médicaux et 100 se sont fait soigner régulièrement
l'année dernière.
"Souvent c'est avec la circoncision qu'on se rend compte que l'enfant
est malade. Mais souvent aussi l'enfant en meurt" explique Patricia
Stewart. L'hémophilie est en effet une maladie du sang. Les malades
ont une protéine manquante dans le sang empêchant celui-ci de coaguler.
"L'hémophilie consiste en des saignements internes. C'est très douloureux
surtout au niveau des articulations" affirme la Canadienne. "Cette
maladie ne se soigne pas. On naît hémophile et on le reste à vie"
ajoute-t-elle. Les hémophiles doivent suivre des traitements lorsqu'un
saignement interne se déclenche. Le soin est efficace pour ce saignement,
mais un autre peut survenir quelques jours plus tard et il faudra
alors commencer un autre traitement. "Il n'y a aucun moyen d'anticiper
sur la maladie " confirme A. N, un hémophile sénégalais.
Patricia Stewart rassure pourtant. " Il faut quand même savoir
que si les hémophiles sont bien soignés, ils ont la même espérance
de vie que n'importe qui", assure-t-elle. Il existe différents traitements.
Le plus utilisé à l'heure actuelle c'est celui qui est à base de
facteurs anti-hémophiliques. C'est le plus efficace et le plus sûr
car le sang est fabriqué artificiellement. On utilise aussi les
cryo-précipités. Ce genre de traitement est à la portée du Sénégal
même si le coût en est très élevé. "Mais surtout ce traitement est
moins efficace" déclare Patricia Stewart.
On l'a compris, le problème majeur, et particulièrement au Sénégal,
c'est que les soins sont chers, beaucoup trop chers. Une unité de
facteurs anti-hémophiliques coûte en effet 500 Fcfa. "Pour soigner
un enfant de 20 kilos qui se serait fait une petite blessure, il
faut 400 unités de facteurs soit 200.000 Fcfa. C'est hors de portée
pour n'importe quel Sénégalais mais pour le Sénégal également" explique
le docteur Saliou Diop, responsable du Centre national de Transfusion
Sanguine. C'est donc là que l'Association des hémophiles du Sénégal
intervient. "Nous avons plusieurs types d'action. Nous passons des
accords avec le Canada par exemple pour qu'ils nous envoient des
concentrés de facteurs. Nous avons aussi un rôle de lobby auprès
du gouvernement pour sensibiliser les dirigeants à ce problème.
Enfin nous aidons les patients à mieux vivre leur maladie" affirme
Mme Anta Sarr, la présidente de l'Association. Et un patient confirme
" les gens de l'association font un travail formidable pour nous
". Ceux qui connaissent l'association s'en sortent donc tant bien
que mal. Pour les 800 restants, seule une sensibilisation soutenue
leur permettra de mettre un mot sur leur calvaire de tous les jours.
Véronique Jampy (stagiaire) Et Ismaïla Sarré
Lire l'article original : http://www.sudonline.sn/archives/06032003.htm
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