Plus de cent professionnels de la santé, des experts du droit,
des chercheurs, des ministres de la Santé, des leaders de la jeunesse,
des parlementaires et des femmes activistes de 15 pays africains
participent, depuis mercredi, à Addis-abeba, en Ethiopie, à la première
conférence régionale sur l'avortement à risque, annonce un communiqué
de Ipas, une ONG américaine, parvenu, mercredi à notre rédaction.
Le communiqué ajoute que "l'avortement à risque est un grave problème
de santé publique qui affecte des dizaines de millions de femmes
africaines et leurs familles".
Les objectifs de ces trois jours de conférence (du 5 au 7 mars
2003), intitulées "action pour réduire la mortalité maternelle en
Afrique", visent à encourager une plus grande attention à l'avortement
légal, sûr et accessible aux femmes africaines, note le communiqué.
30.000 de ces femmes meurent chaque année des complications d'un
avortement qu'elles ont tenté de faire ou réalisé par un personnel
non qualifié souvent dans des conditions hygiéniques déplorables.
Globalement, quelque 70.000 femmes à travers le monde meurent chaque
année des suites d'un avortement à risque, selon l'Organisation
mondiale de la santé (OMS). Des millions d'autres femmes souffrent
des séquelles d'une telle pratique. Les experts sont d'accord pour
dire qu'on peut entièrement prévenir ces décès et les complications
de l'avortement à risque à travers la planification familiale et
d'autres mesures de prévention de l'avortement. La plupart des pays
africains autorisent la pratique de l'avortement, mais seulement
dans certaines circonstances comme en cas de viol, d'inceste ou
pour sauver la vie de la mère. Toutefois, entre le droit de la femme
à l'avortement légal et les capacités de celle-ci à obtenir des
services pour un avortement sûr, il y a souvent un énorme fossé.
" La mort d'une jeune fille des suites d'un avortement à risque
est une perte pour toute la société ", a déclaré le Dr Eumice Brookman-Amissah,
ancien ministre de la Santé du Ghana. M. Amissah est actuellement
à la tête de l'Alliance africaine de Ipas pour les droits en santé
reproductive des femmes, une des organisatrices de conférence d'Addis-Abeba.
AVORTEMENT THERAPEUTIQUE
La conférence régionale, qui prend fin aujourd'hui, est présidée
par le Dr Fred Saï, ancien président de l'IPPF et ancien conseiller
spécial à la Banque Mondiale. Les participants à la conférence examineront
les lois, les politiques et les engagements qui influent l'accès
à des soins qui permettent un avortement sans risque en Afrique,
le rôle des systèmes de santé pour satisfaire les besoins de femmes
en soins sécurisés en matière d'avortement et les stratégies pour
créer un environnement capable de favoriser le droit des femmes
à des soins d'avortement sûrs.
En Afrique au Sud du Sahara, le ratio de la mortalité maternelle
est encore très élevé environ 870 décès pour 100.000 naissances
vivantes. Au Sénégal, on compte 510 décès pour 100.000 naissances
vivantes contre 10 dans les pays développés. Dans notre pays, il
existe peu d'informations sur le pourcentage de ces décès attribuables
aux complications de l'avortement. Selon des données disponibles,
la plupart des avortements sont spontanés et touchent principalement
les femmes mariées ayant un âge moyen de 28,3 ans. Une des causes
indirectes des avortements indirects serait le paludisme. Les avortements
provoqués concernent principalement des femmes non mariées âgées
en moyenne de 21,4 ans.
Au Sénégal, seul l'avortement thérapeutique est autorisé. La pratique
est interdite sous peine d'emprisonnement de 6 mois à 2 ans. 5 à
10 sont prévus pour les récidivistes. Le sursis n'est pas associé
à ces peines. Les complices sont aussi passibles de peines. L'avortement
en cas de viol ou d'inceste n'est pas autorisé. Jusqu'à présent,
toutes les tentatives pour faire évoluer la législation sur ce sujet
n'ont pas eu de succès. Rappelons que le Sénégal, conformément aux
recommandations de la CIPD du Caire (septembre 1994), considère
qu'en aucun cas, l'avortement ne peut-être considéré comme une méthode
de planification familiale. Des partenaires au développement s'opposent
à l'avortement. L'USAID, le plus important donateur dans le domaine
de la population, interdit l'utilisation des fonds alloués pour
la promotion de l'avortement comme méthode de planification familiale.
Toutefois, les soins-après avortement ne sont pas ciblés par cette
interdiction. En mars 2002, une conférence régionale sur les soins-après
avortement avait d'ailleurs regroupé, à Dakar, des délégués de 15
pays francophone et du Ghana, d'agence de coopération et d'ONG comme
Ipas. Certaines structures de santé du Sénégal dispensent des soins
après-avortement.
El Bachir SOW
Lire l'article original : http://www.lesoleil.sn/archives/article.CFM?articles__id=24858&index__edition=9830
|