Le
paludisme tue encore plus de 2 millions d' africains par an.en plus
des épidémies de grande ampleur qui continuent de surgir ici et
là, les parasites responsables de cette maladie résistent de plus
en plus aux anciens médicaments. L' introduction de nouvelles molécules
efficaces se heurtent au manque de volonté des bailleurs, mais aussi
des pouvoirs locaux qui ne sont pas pressés à changer les protocoles
nationaux. L' organisation internationale Médecins sans Frontières
France ont dû entrer en conflit avec le ministère de la Santé du
Burundi, suite à la persistance premiers à proposer les médicaments
efficaces.Au moment où l' Afrique célèbre la journée de lutte contre
le paludisme, In-Burundi a rencontré le Dr Christophe Fournier,
responsable des programmes à MSF.
In-Burundi
:
Vous venez de reprendre vos activités au Burundi après plusieurs
mois de suspension, suite à un conflit qui vous avez opposé avec
Bujumbura sur le choix des médicaments anti-paludiques à utiliser.
Que s' est-il passé exactement ?
Dr
Christophe FOURNIER :
Le Burundi fait face à une situation très alarmante, en particulier
depuis l' année dernière, qui est celle de la résistance du parasite
responsable du paludisme aux médicaments habituellement utilisés
dans le pays, comme dans la plupart d' autres en Afrique. L' autre
grand problème est celui de l' épidémie qui a endeuillé le pays
fin 2000 début 2001. Alors, devant cette résistance, force est de
constater qu' il faut utiliser de nouveaux médicaments. Lors de
la dernière épidémie, nous avons essayé d' utiliser de nouveaux
médicaments efficaces, car ils existent. Malheureusement à l' époque,
le ministère de la santé ne pouvait pas autoriser leur utilisation.
Nous avons donc été contraints d' utiliser les anciennes molécules,
en essayant de les associer. Mais, avec des enquêtes menées sur
le terrain, nous avons vérifié que ces médicaments n' avaient pas
du tout l'efficacité escomptée. Nous regrettons beaucoup : médecins
que nous sommes, il est toujours bien préférable d' utiliser des
médicaments pour lesquels on a entière confiance quant à leur efficacité.
In-Burundi
:
Est-ce que vous avez pu montré aux autorités médicales la nécessité
d' utiliser les nouveaux médicaments au lieu des anciens ?
Dr Christophe FOURNIER : Des études
d' efficacité, ont montré dans plusieurs endroits l' inefficacité
des anciens médicaments, Chloroquine et Fansidar. D' autre part,
les molécules qui sont prônées à l' heure actuelle par l' Organisation
mondiale de la Santé, qui sont les dérivés de l' artémisinine -
issue de la pharmacopée chinoise, donnent un médicament qui a prouvé
son efficacité et qui est largement utilisé en Asie depuis une dizaine
d' années. On en connaît l' absence de résistance et d' effets secondaires.
Ce médicament n' a pas besoin de faire ces preuves, même si le Burundi
par exemple est entrain de faire des études visant à déterminer
quelles sont les meilleures combinaisons à utiliser sur le territoire.
Je pense que tout le monde est convaincu de la nécessité absolue
de l' utiliser. Maintenant, il faut le faire. Il y a certainement
des obstacles d' ordre financier, car ces médicaments coûtent plus
cher que les anciens.
In-Burundi
:
Est-ce que les autres organisations internationales comme l' OMS
vous aident à convaincre les dirigeants locaux sur la nécessité
de changer les protocoles nationaux ?
Dr Christophe FOURNIER : Le discours
de l' Organisation Mondiale de la Santé au niveau le plus haut,
que ce soit son directeur général Mme Brundtland, ou bien le directeur
de cette unité particulière qui s' occupe du paludisme, le Roll
Back Malaria, est très clair. Ils recommandent de façon absolue
l' utilisation des combinaisons à base des dérivés d' artémisinine
dans tous les pays africains qui font face à une résistance aux
anciennes molécules. Maintenant il faut que sur le terrain, cette
volonté se traduise par des recommandations très claires, par une
assistance technique aux différentes études menées afin d' aider
à aboutir à des changements de protocoles.
In-Burundi : Dans un pays comme le
Burundi, le choix des médicaments apparaît aussi comme un enjeu
de justice sociale, les populations riches y ont déjà accès, alors
que le choix du gouvernement ne concerne que les pauvres …
Dr
Christophe FOURNIER :
Effectivement, on sait que ces médicaments sont déjà accessibles
dans les pharmacies privées pour ceux qui peuvent se les payer.
Un traitement coûte autour de 5000 FBU (8 Euros). Et certains, je
crois, parviennent à se faire rembourser une partie par les mutuelles,
quand ils travaillent. Ce qui pose le problème au ministère de la
Santé, évidemment, c' est que s' il faut utiliser ces médicaments
à large échelle, pour l' ensemble de la population, l' investissement
devient important, quand on prend en compte le nombre de cas déclarés
de paludisme par an. Mais il s' agit quand même de le faire, pour
sauver les populations qui ne peuvent pas les acheter. Et là il
faut trouver des financements extérieurs.
In-Burundi : Et quand on sait que des
lobbies industrielles sont toujours derrière la politique des médicaments,
au niveau local ou international, la question devient quand même
compliquée.
Dr Christophe FOURNIER : C' est vrai
qu' il y a par exemple, pour des raisons diplomatico-commerciales
certains pays qui sont peu enclins à voir un médicament chinois
s' imposer sur le marché africain., et surtout pour ce qui est du
paludisme. Ces pays voudraient réserver cette place à certains médicaments
encore à l' état des recherche. Cependant, je pense sincèrement
qu' il y a des pays qui sont prêts à financer les nouveaux traitements.
Il existe aussi sur un plan international ce qu' on appelle le "
Fonds Global " qui met de l' argent sur les trois grandes maladies
qui sont le Sida, la Tuberculose et le Paludisme. Et nous mêmes
au niveau de MSF-France, avec toute l' équipe de la campagne d'
action médicaments, sommes prêts à aider dans ce sens. Oui, je considère
qu' il y a à l' heure actuelle, au niveau de l' Afrique et sur le
paludisme, un véritable scandale : le désintérêt de certaines grandes
puissances. La malaria tue plus de deux millions de personnes par
an en Afrique. Pourtant, elle n' est pas considérée comme une priorité
dans les pays riches. Je trouve que c'est l' un des grands scandales
de notre époque ; et que tous ensembles devrions nous mobiliser
pour que cela cesse.//// Interview réalisée par Edgar C. MBANZA.
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l'article original : www.in-burundi.net/Contenus/Rubriques/Linvite/04_25MSF.htm
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