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Entretien avec… Dr Ahmadou Makhtar Seck, médecin-chef de l’unité de consultation de l’hôpital psychiatrique de Fann : «L’emprisonnement peut contraindre les consommateurs de chanvre à se faire traiter» - Le quotidien - Sénégal - 20/04/2005
En tant que psychiatre que pouvez-vous nous dire du chanvre indien ?

Dr Ahmadou Makhtar Seck : Vous abordez un sujet intéressant autant pour nous que pour la société car le chanvre indien est une drogue. Une drogue qui est consommée au Sénégal et sa consommation est illicite. Cette consommation est parfois relevée chez les jeunes. Cependant, je ne pourrai préciser la fréquence de cette consommation. Toujours est il que nous rencontrons des jeunes qui, après avoir utilisé le chanvre indien, nous arrivent présentant des troubles psychiatriques, des troubles du comportement.

En réalité, le chanvre indien est-il cause de folie ?

Dr Ahmadou Makhtar Seck : Le chanvre indien en tout cas peut créer des désordres. Je peux le dire parce que j’ai rencontré des patients qui auparavant n’avaient aucun problème et qui présentent des troubles après l’avoir consommé. Est-ce qu’il est la seule cause de leurs troubles ? Je ne pourrai le dire. Seulement, il est très plausible que ce soit l’un des facteurs, qui associé à d’autres problèmes, peut créer des troubles psychiatriques. Toujours est-il que l’on peut rencontrer des jeunes, des personnes qui consomment du chanvre indien sans présenter aucun trouble. Comme on peut rencontrer d’autres qui, après en avoir consommé, présentent des troubles. Donc, c’est fort de ce fait que je dis que le chanvre indien est l’un des facteurs aussi de troubles mentaux.

Donc cela dépend de l’aptitude de la personne qui le consomme ?

Dr Ahmadou Makhtar Seck : Je pense que cela dépend de l’aptitude de la personne autrement dit sa tolérance. Il y a des personnes qui sont tolérantes à sa consommation. Qui consomment le chanvre des années sans présenter aucun trouble, aucun désordre. Par contre, il y en a d’autres qui présentent des troubles après l’avoir consommé. Donc, il y a une question de tolérance. Mais quand je considère le nombre de jeunes qui consomment du chanvre et qui nous sont amenés, par rapport aux symptômes qu’ils présentent, je dis et j’affirme que c’est cette drogue qui est à l’origine de leurs troubles. Ce qui me le fait dire, c’est que ces troubles se ressemblent presque tous. Il s’agit en général d’une dissociation mentale. Ce sont des symptômes très souvent schizophréniformes. La schizophrénie étant une affection bien connue en psychiatrie et qu’on rencontre très souvent. Je ne dis pas que c’est la schizophrénie. Mais ce sont des symptômes schizophréniformes.

Dans ce cas, quel est le comportement des fumeurs ?

Dr Ahmadou Makhtar Seck : Les patients qui nous sont amenés présentent des troubles de dissociation. Ce sont des gens qui se mettent en retrait. Ils ne parlent presque plus. Ils communiquent très peu. Ils ne dorment pas parfois, ils ont des hallucinations. Ils ont des rires immotivés. Donc en quelque sorte des signes de schizophrénie au stade de début. Ces troubles surviennent très souvent sur certaines personnalités dites schizoïdes. C’est-à-dire des personnalités peu bavardes, souvent repliées, souvent solitaires. Souvent peu communicatives.

Est-ce à dire que le chanvre n’engendre des dégâts que chez ces personnalités ?

Dr Ahmadou Makhtar Seck : Cela reste à confirmer. Mais étant donné que la schizophrénie survient souvent sur ce type de personnalités et que la consommation de cannabis donne des troubles de ce type sur ces genres de personnalité. On peut, peut-être, dire que la personnalité schizoïde est prédisposée. Mais il y a des sujets qui ne sont pas schizoïdes et qui présentent des troubles en consommant du chanvre.
Parfois aussi, les patients usagers nous arrivent très agités, agressifs. Mais très souvent ce qu’on remarque c’est le retrait qu’ils observent, le rire immotivé c’est-à-dire ils rient sans aucun motif, sans fondement. Ils s’isolent. Ils ne parlent à personne. Ils se laissent aller. Ils ne se baignent plus. Ils ne s’occupent plus de leur hygiène corporelle et vestimentaire et ils ont des difficultés relationnelles avec leur entourage.

Quel est le prototype du fumeur de chanvre indien selon le clinicien que vous êtes ?

Dr Ahmadou Makhtar Seck : Le prototype du fumeur est variable. En général ce sont des jeunes plus ou moins particuliers qui très souvent chôment. Des personnes qui n’ont aucune activité. Des personnes qui sont angoissées. Et très souvent, ce sont des personnes qui ont été confrontées à de nombreuses difficultés. Pour se calmer et pour, peut-être, échapper à la réalité, ils se disent, je vais goûter au chanvre pour m’évader. Il y a en dehors de cela, des personnes qui tout simplement, se laissent influencer par des amis qui ont eu à fumer et qui les exhortent à en faire de même. Mais le profil de personnalité que l’on rencontre le plus souvent, c’est la personnalité schizoïde. En tout cas, c’est l’observation que j’ai pu faire en clinique après plusieurs années d’exercice. Mais, je n’ai pas fait d’études précises à propos d’un échantillon précis de consommateurs de chanvre. Cependant, je suis persuadé que si je les faisais, mes observations se confirmeraient.

Vous voulez dire que ce sont les gens qui ont l’habitude de vivre en retrait qui sont fumeurs ?

Dr Ahmadou Makhtar Seck : Voilà. Ce sont les gens qui sont seuls, isolés, coupés de communication, ayant des difficultés de communication avec les autres, des difficultés relationnelles. Parfois des difficultés professionnelles. Ce sont des gens qui ont parfois des frustrations. Ce sont en somme des gens qui ne savent plus à quel saint se vouer qui s’adonnent à l’usage de chanvre indien.

Mais on remarque maintenant que des personnes qui occupent des fonctions de responsabilité fument. Ce ne sont plus seulement les désœuvrés. Qu’est-ce qui l’explique ?

Dr Ahmadou Makhtar Seck : La question à se poser est de savoir est-ce que ces personnes ne sont pas stressées. Est-ce qu’elles sont satisfaites de ce qu’elles font ? Est-ce qu’elles sont bien gratifiées par leur profession ? Si je prenais l’exemple de l’agent commercial d’une célèbre société de la place... Vous savez, un agent commercial c’est quelqu’un qui rencontre souvent des difficultés. Il va à l’encontre des gens pour leur parler. Mais souvent, il est mal reçu. Parfois on l’expulse, on ne l’écoute pas. Parfois il est obligé de faire le guet devant les bureaux. Et très souvent, il est mal payé. Est-ce que cela n’est pas stressant ?
Un autre exemple, l’étudiant. Vous savez, un étudiant qui fait des études, il a des soucis de réussite, et il n’a pas les moyens pour faire ce qu’il veut. Est-ce qu’il n’est pas aussi stressé ? Vous voyez donc que le stress peut être présent partout. Les difficultés psychologiques et relationnelles aussi. Etant donné l’environnement et étant donné ce qui est mis à la disposition de la personne. Dans toutes ces conditions, l’individu peut avoir d’énormes difficultés de survie et d’adaptation et cela peut expliquer que leur seul recours soit quelque chose qui leur donne, l’illusion peut-être de s’évader. Maintenant si on étudie leur personnalité propre, leur antécédent, leur parcours, on découvrirait certainement autre chose d’intéressant.
Parfois, on reçoit de jeunes patients issus de milieux très aisés et à qui l’on donne énormément d’argent. Mais, ils ne savent pas quoi faire avec d’aussi importantes sommes. Alors tout ce qui se présente à eux est bon pour dépenser.

Le chanvre indien soigne-t-il le stress ?

Dr Ahmadou Makhtar Seck : Certains auteurs disent que le chanvre indien est un produit sédatif. C’est un calmant. Si vous voyez les sociétés françaises et autres, on dit très souvent que le chanvre peut calmer le stress. Mais à dose très réduite. Vous savez tous les produits que l’on consomme, le thé, le café, les sirops de passiflorine et autres, les sodas etc. tous ces produits ont des propriétés. Mais, ils sont consommés à une dose raisonnable. Il y en a qui stimulent. Il y a en d’autres qui calment. Le chanvre indien, si vous l’assimilez au thé, utilisé à des doses raisonnables, il a certainement des effets sédatifs ou excitants. Cela dépendra seulement de l’individu qui le consomme car le produit peut avoir des effets contraires aux effets recherchés suivant la personne. Il y a par exemple des personnes qui sont complètement abattues quand ils consomment de la bière. D’autres sujets par contre sont complètement excités. Donc, le chanvre peut avoir le même effet, soit sédatif soit excitant. Mais si on le consomme de manière abusive, il peut générer des troubles. Mais étant donné que c’est un produit toxique, pourquoi le consommer ? Autant consommer sa petite boisson de jus d’orange, son petit thé, son petit café, des choses reconnues inoffensives vu la façon dont on les consomme en société. Mieux vaut donc l’éviter.

L’usage du chanvre est pourtant réprimé par des peines d’emprisonnement ferme…

Dr Ahmadou Makhtar Seck : Je tiens seulement à ajouter qu’au niveau juridique, l’utilisation du chanvre est interdite et quand on prend un sujet qui le consomme, on l’emmène chez le psychiatre pour juger de son état et le forcer à se traiter. Il y a un décret très précis sur cette question. C’est celui du 17 décembre 1997 qui fixe les conditions dans lesquelles un sujet qui consomme le chanvre peut être pris en charge par sa famille seule ou avec l’aide de l’Etat. Maintenant, s’il refuse de se soigner, on peut l’emprisonner, lui faire payer des amendes. Cela peut contraindre les consommateurs de chanvre, de drogue en général à se traiter. Et c’est une bonne mesure car un individu malade qui refuse de se soigner, c’est autre chose. Il faut donc le contraindre à se soigner en le traitant enfermé. Et là, on peut l’aider à s’en sortir.

Quel est le traitement ?

Dr Ahmadou Makhtar Seck : Si le sujet présente des troubles, il faut des médicaments pour calmer ces troubles. Mais pour traiter le problème de fond c’est-à-dire qu’est-ce qui a poussé ce sujet à prendre de la drogue ? on fait ce qu’on appelle de la psychotérapie. On le voit. On parle avec lui. On l’écoute. On fait sortir ses problèmes et d’un commun accord, on lui fait prendre conscience de ses problèmes et on lui apprend à les gérer autrement que par l’utilisation de produits illicites. Et dans ce cas, on peut arriver à quelque chose en quelque sorte c’est ce que l’on appelle communément la cure de désintoxication. La cure de désintoxication n’est rien d’autre que ça. On donne des médicaments pour calmer et on fait des séances de pshychotérapie à l’individu. C’est tout. C’est aussi simple que cela.

Ndèye Aïcha DIOP

Lire l'article original : http://www.lequotidien.sn/archives/article.cfm?article_id=23945&index_edition=694

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