Comme Ziguinchor où la prévalence est d'à peu près 2 %, la région
de Kolda connaît, elle aussi, une promiscuité marquée qui incite
à des mesures préventives plus accrues. D'où l'appel du docteur
Ibra Ndoye à mieux organiser la riposte à l'avancée de la maladie
dans le Fouladou.
"La région est aujourd'hui très vulnérable, dans la mesure où nous
avons à nos frontières des pays où la prévalence du Vih/sida est
plus élevée que la moyenne générale au Sénégal". Ces propos sont
du docteur Ibra Ndoye, le secrétaire exécutif du Comité national
de lutte contre le sida (Cnls). "Ne soyons pas surpris si, demain,
on apprend que la prévalence du sida à Kolda est à près de 2 % comme
à Ziguinchor", avertit le Dr Ndoye. Pour mieux organiser la réponse
à l'avancée de la maladie, le Comité régional de lutte contre le
sida et les comités départementaux ont été installés le 12 mai dernier
à l'hôtel de région. Le docteur Ibra Ndoye avait, à ses côtés, Mme
Marie-Louise Corréa, représentante de la fondation Education-Santé
de Mme Viviane Wade.
De l'avis du Dr Ndoye, Kolda et Ziguinchor connaissent une promiscuité
marquée qui incite à des mesures préventives plus accrues. Si, à
Ziguinchor, la prévalence du Vih/sida avoisine les 2 %, à Kolda,
on n'a pas encore une idée précise. Les dernières statistiques de
décembre 2002 révèlent un total de 225 malades dans les trois départements.
Pour les Ist/sida, on dénombre 6 008 cas.
Plusieurs facteurs inclinent à la prudence. La région de Kolda
connaît, comme la plupart des localités du pays, une forte colonie
d'émigrés en France et en Espagne. En plus, les déplacements des
populations se sont accrus en raison notamment des exactions des
bandes armées. Le phénomène des marchés hebdomadaires s'est exacerbé,
faisant essaimer partout des lieux de troc qui attirent les foules
venant d'horizons divers. Le marché de Diaobé est l'exemple parfait
de rencontres entre individus originaires des pays de la sous-région.
Pendant trois jours, les commerçants et autres bana bana y vivent
dans la promiscuité, sans eau courante ni électricité. Un vrai cocktail
en apparence, même si, à en croire, l'infirmier chef du poste de
Diaobé, "la situation n'est pas aussi exceptionnelle qu'on le croit".
Selon une enquête du Geep régional dirigé par le docteur Omar Aw,
"il a été heureux de constater une bonne connaissance des modes
de transmission des Ist/sida, mais aussi des méthodes de prévention
(85 %) à Diaobé".
A ces facteurs, il faut ajouter certaines pratiques néfastes comme
les mutilations sexuelles et les mariages précoces. Mais la menace
qui semble la plus sérieuse est le niveau de la prévalence dans
les pays limitrophes. En Guinée-Bissau par exemple, on parle d'une
prévalence de 8 %. A maintes occasions (cérémonies religieuses,
luuma, jumelages entre scolaires ou jeunes), les populations des
zones frontalières se retrouvent avec tous les risques que cela
comporte. Mieux, la réponse au sida n'est pas, selon toute vraisemblance,
aussi bien organisée dans ces pays limitrophes. Aussi, à en croire
le Dr Ndoye, "le gouvernement, les comités nationaux de lutte contre
le sida et l'organisation des premières dames réfléchissent à la
mise en place d'un programme qui lierait le Sénégal, la Gambie,
la Guinée-Bissau, la Guinée, le Mali et même la Mauritanie. Nous
avons même travaillé sur une ébauche de programme à travers une
initiative dite "Santé pour la paix" que je coordonne pour le Sénégal",
renchérit le docteur Ibra Ndoye. Il reste, précise-t-il, à le proposer
aux partenaires au développement.
Ce plan est une urgence, car "nous sommes dans une situation inconfortable
en dépit des résultats obtenus", avertit le secrétaire exécutif
national du Cnls. N'empêche, la région de Kolda devait recevoir,
mercredi dernier, ses médicaments anti-rétroviraux. De ce point
de vue, annonce le Dr Ndoye, le gouvernement respecte l'équité.
Seulement, concède M. Ndoye, il est important que la région dispose
au préalable d'un dispositif médical conséquent dans le traitement
des malades par les anti-rétroviraux ou le dépistage volontaire.
Il est important que la région dispose de laboratoires performants,
de personnels qualifiés également, "les localités qui ont pu accéder
au service des anti-rétroviraux remplissent ces conditions", a révélé
le docteur Ibra Ndoye. A l'en croire, Kolda devrait bientôt être
dans le groupe de régions où la prise en charge des malades est
effective. Un premier jalon dans la lutte contre le sida vient d'être
posé à Kolda. Avec le comité régional et les comités départementaux,
la sensibilisation va, sans doute, s'amplifier pour freiner la maladie
dans une localité frontalière à trois pays et où la pauvreté est
des plus criardes. Il urge donc de mettre en place les vrais dispositifs
de surveillance et de prise en charge des malades avant qu'il ne
soit trop tard. Par : Hamidou SAGNA
Lire l'article original : http://www.walf.sn/societe/suite.php?rub=4&id_art=1775
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