Personne n'a vu un fumeur de yamba mourir du fait de fumer du cannabis.
Par contre, martèle le Pr Ibrahima Pierre Ndiaye, l'utilisation
d'autres drogues sur lesquelles on met moins l'accent tue. Que ce
soit l'alcool ou les pratiques de guinz.
Wal Fadjri : Vous avez animé, le
week-end dernier, une conférence sur le thème "Santé et prévention".
Est-ce que l'un peut aller sans l'autre ?
Pr Ibrahima Pierre Ndiaye : La
médecine doit être avant tout préventive. Le premier devoir d'un
être humain, c'est de conserver sa santé. Donc, la prévention est
le premier fondement de la médecine.
Wal Fadjri : Quel est justement
son intérêt dans la médecine ?
Pr Ibrahima Pierre Ndiaye : L'intérêt
est multiple. D'abord, la médecine curative coûte cher. Elle absorbe
à peu près 90 % du budget de la santé. La prévention peut amoindrir
le coût de la santé.
Wal Fadjri : Comment ?
Pr Ibrahima Pierre Ndiaye : Il
faut d'abord gérer l'environnement. Il est certain qu'avec un environnement
sain, on peut prévenir la majorité des maladies, notamment tout
ce qui est maladie infectieuse, bactérienne et parasitaire. L'assainissement
du milieu a permis de faire disparaître le paludisme d'Europe. L'amélioration
de l'hygiène et de la nutrition a fait disparaître certaines maladies
avant l'existence d'antibiotiques efficaces contre ces maladies,
que ce soit la lèpre, la tuberculose et tant d'autres maladies infectieuses.
Le changement de comportement permet de réduire les cas de sida.
Tout ce qui est maladie sexuellement transmissible est lié à des
comportements malsains. En changeant de comportements, on peut espérer
faire disparaître ces maladies. En plus, bien sûr, d'autres mesures
préventives. Ensuite, un bon comportement alimentaire permet de
faire disparaître le diabète, l'hypertension artérielle, l'obésité
qui causent à l'homme des maladies cardio-vasculaires et cérébro-vasculaires.
Wal Fadjri : Que faut-il entendre
par un bon comportement alimentaire ?
Pr Ibrahima Pierre Ndiaye : Un
bon comportement alimentaire, c'est manger moins de sel, moins de
sucre et moins d'aliments gras. Lors de la conférence, vous avez
invité l'Etat à montrer l'exemple en matière d'hygiène et de sécurité.
Wal Fadjri : Pourquoi ?
Pr Ibrahima Pierre Ndiaye : Si
je dis que l'Etat doit être le moteur de l'hygiène, c'est parce
que, dans la vie de tous les jours, on voit certains édifices publics
qui n'ont pas la salubrité nécessaire. Ensuite, dans la rue, il
nous arrive de voir des voitures de l'Etat qui ne respectent pas
les règles de sécurité routière. Et ça à tous les niveaux. Que ce
soient les cortèges officiels qui roulent trop vite même s'il y
a des gendarmes qui balisent la route.
Wal Fadjri : Quelles sont les autres
mesures préventives que vous pensez nécessaires ?
Pr Ibrahima Pierre Ndiaye : C'est
la lutte contre l'usage des drogues illicites, que ce soit le yamba,
sans trop mettre l'accent uniquement sur ce fléau. Il y a d'autres
drogues qui sont d'usage courant, des drogues qui sont plus faciles
à obtenir comme les solvants avec lesquels les adolescents sniffent
ou du guinz. Ces pratiques sont beaucoup plus toxiques que le yamba
puisque ce sont des substances qui peuvent faire dissoudre la graisse
du système nerveux, entraîner des troubles du comportement irréversibles
et des paralysies au niveau des membres inférieurs.
Wal Fadjri : Vous semblez défendre
l'herbe qui tue…
Pr Ibrahima Pierre Ndiaye : Non,
non, je n'ai pas défendu l'herbe qui tue. Je dis qu'en matière de
prévention contre l'usage des stupéfiants ou des drogues illicites,
il faut tenir un discours concret. On ne peut pas dire que le cannabis
tue. Personne n'a vu un fumeur de yamba mourir du fait de fumer
du cannabis. Par contre, l'utilisation d'autres drogues sur lesquelles
on met moins l'accent tue. Que ce soit l'alcool, que ce soit les
pratiques de guinz.
Wal Fadjri : Est-ce à dire que
le cannabis a un intérêt pour la santé ?
Pr Ibrahima Pierre Ndiaye : L'intérêt
du cannabis pour la santé est moindre. Certaines substances du cannabis
peuvent lutter contre la douleur. Il faut utiliser le problème du
cannabis de manière beaucoup plus logique et de manière beaucoup
plus pragmatique pour peut-être conduire les gens qui le cultivent
à d'autres utilisations beaucoup plus utiles.
Wal Fadjri : Vous aviez aussi insisté
sur la vaccination, notamment des pèlerins des foyers religieux
comme Touba et Tivaouane.
Pr Ibrahima Pierre Ndiaye : On
a eu le choléra à Touba. Et il a été difficile de faire sortir cette
maladie de cette cité religieuse. Il faut donc qu'à chaque fois
qu'il y a des regroupements très importants et quand le milieu n'offre
pas toutes les règles de sécurité, envisager de vacciner les pèlerins
contre le choléra et contre la grippe comme les pèlerins qui partent
à La Mecque. Il y a un nombre beaucoup plus élevé de gens qui se
rendent à Touba et à Tivaouane qu'à La Mecque. Il faut donc prendre
des mesures préventives pour qu'à pareille occasion, il n'y ait
pas d'éclosion d'épidémies, ça me paraît important.
Wal Fadjri : Et si vous aviez une
recommandation à faire, que diriez-vous à l'endroit des populations
?
Pr Ibrahima Pierre Ndiaye : C'est
pour qu'il y ait une pratique de la prévention beaucoup plus précoce.
Il est difficile de modifier des comportements des adultes. Pour
beaucoup de comportements malsains, il faut une éducation précoce
qui doit démarrer dès l'école primaire, dès l'âge de la scolarisation.
Mais une fois qu'on devient adulte et qu'on a pris de mauvais comportements,
il sera difficile d'agir dans ce sens.
Ndakhté M. GAYE
Lire l'article original : http://www.lesoleil.sn/dossiers/dossier.CFM?dossier__id=215
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