Du
14 au 16 juin 2002, les journalistes engagés dans la promotion de
la médecine et de la pharmacopée traditionnelles étaient en voyage
d'études à Bobo-Dioulasso et à Banfora. Au contact avec les tradi-praticiens,
ils ont pu mesurer l'importance de cette science aujourd'hui sollicitée
par de nombreux patients.
Les
tradipraticiens ont le vent en poupe. Le premier ou le dernier réflexe
de la majorité des patients est d'aller vers les guérisseurs traditionnels.
Malheureusement, avec les maladies émergentes et le Sida, des acteurs
de cette médecine exploitent honteusement la naïveté des malades
désespérés. Le hic est que ces gens sans scrupule utilisent les
moyens de communications (radios FM) à travers des publicités mensongères
pour épater les malades. Des hommes de médias conscients de cette
situation se sont organisés en Réseau des Journalistes pour la promotion
de la Médecine et Pharmacopée Traditionnelles (REJOMETRA). En se
déportant à l'Ouest du pays, les membres du réseau voulaient savoir
davantage sur la médecine traditionnelle, désormais intégrée dans
la chaîne du système de santé au Burkina. A Bobo-Dioulasso, l'association
des tradithérapeutes a un siège permanent dans l'enceinte de l'ex-trypano.
Ils étaient une vingtaine de membres de cette association samedi
15 juin 2002 à venir échanger avec les journalistes. En l'absence
de son président en déplacement en Côte d'Ivoire et au Liberia,
M. Bakary Sanou, vice-président a conduit les débats. Il a salué
l'initiative des journalistes. "Elle contribue à dissiper une certaine
méfiance entre les tradi-praticiens et les journalistes".
A l'entendre, les bases ont été claires pour adhérer à l'association.
Elle regroupe essentiellement des herboristes. Les prédicateurs
et autres "jeteurs de cauris" sont exclus, mais avec le poids du
nombre, rien n'est moins sûr.
En tant que "prédateurs" des feuilles des plantes sauvages, les
acteurs de la médecine verte de Bobo-Dioulasso ont pris conscience
des effets néfastes qu'ils causent à l'environnement. Ils entretiennent
trois bosquets qu'ils reboisent annuellement. Un des bosquets sis
sur la route de Banakélédaga est vaste de 7 ha.
Un pont relie à présent tradipraticiens du Houet et journalistes,
ils s'en félicitent tout comme les hommes de médias en quête d'informations
crédibles.
La
passion du Dr Dakuyo
A
80 km au Sud de Bobo-Dioulasso, les membres du REJOMETRA sont allés
à la découverte d'un homme "passionné" de la pharmacopée traditionnelle.
Le Dr Zéphirin Dakuyo, pharmacien, a mis en place à côté de son
officine, une unité industrielle de fabrique de Médicaments traditionnels
améliorés (MTA). Phytofla est un complexe à multiples appareils
semi-artisanaux. On y retrouve des presses à jus, des tamis électriques,
des presses à huile, des fabriques de gélules, une unité de séchage
...
Il est structuré en trois départements, plantes médicinales, plantes
cosmétiques ; plantes alimentaires. Les membres du REJOMETRA ont
été émerveillés par la capacité de Phytofla à fabriquer des tisanes,
des sirops, des potions, des poudres, des gélules, des pommades,
des lotions anti-moustiques, des fruits séchés ...
Pourquoi
cet investissement dans la pharmacopée ?
Le Dr Dakuyo répond sans embages : "J'ai eu l'impression que j'ai
été choisi pour cette vocation ... beaucoup d'autres personnes ont
essayé en vain ... quand j'étais étudiant, j'ai travaillé avec les
chercheurs de l'ORSTOM ; ils m'ont donné le goût de la recherche.
J'en ai tiré un grand profit ..."
En
attendant que des lois viennent réglementer la circulation de ses
produits, Phytofla jouit de la reconnaissance du ministère de la
Santé et des pharmaciens. Les produits du Dr Dakuyo sont vendus
dans de nombreuses pharmacies et dans les districts sanitaires.
Mieux, chaque année, il reçoit élèves préparateurs d'Etat en pharmacie
pour un stage. Avec la pandémie du Sida, les guérisseurs sont très
sollicités. Malheureusement, reconnaît le Dr Dakuyo, "Ce sont eux
qui reçoivent les cas extrêmes lorsque le traitement de l'hôpital
n'a pas pu soigner le malade ...".
Néanmoins,
il y a des plantes qui améliorent l'état de santé des malades du
Sida. Pour satisfaire ses besoins en plantes, Dr Dakuyo entretient
un jardin botanique au secteur n° 5 de la ville de Banfora. Il y
cultive plusieurs espèces de plantes médicinales (menthe, citronnelle,
pervenche de Madagascar). Phytofla incarne l'exemple type de technologie
appliquée à la médecine et à la pharmacopée traditionnelles. Au
terme de leur séjour à Banfora, les membres du REJOMETRA n'ont hésité
un instant à proposer au Dr Dakuyo d'être le président d'honneur
du réseau. Chose qu'il a acceptée volontiers. Ce voyage d'étude
soutenu par PROMETRA-Burkina financé par la Fondation Ford. Marceline
Ilboudo
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l'article original : www.sidwaya.bf/sid19_06_02/societe-1.htm
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