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Cheikh Tidiane Coulibaly (Cellule de lutte contre la malnutrition): “Le nouveau programme cible davantage le monde rural” - Le soleil - Sénégal - 18/06/02

Les 29 et 30 mai 2002, un atelier de validation du manuel de mise en œuvre du Programme de renforcement de la nutrition (PRN) s’est tenu à l’hôtel Ngor Diarama. Le PRN vise notamment, sur une période de 10 ans (2003–2013), “l’amélioration du statut nutritionnel des groupes vulnérables à savoir les enfants âgés de moins de 3 ans, les femmes enceintes et les mères allaitantes”. Le programme est financé par la Banque mondiale.

Quelque 10 milliards et demi de francs CFA ont été mobilisés par les trois premières années. M. Cheikh Tidiane Coulibaly, directeur de Cabinet du Premier ministre, président de la Cellule de la lutte contre la malnutrition, revient dans l’entretien qu’il nous a accordé sur l’importance de ce programme qui, dans ses interventions, accorde une place particulière au monde rural. Il souligne aussi les efforts déployés par le gouvernement pour faire face à la situation des jeunes qui travaillaient dans l’ancien programme, le programme de nutrition communautaire (1994-2000).

Quelle est l’importance de ce programme de renforcement de la nutrition et pourquoi l’avoir logé à la Primature ?

Ce programme a pour ambition majeure de permettre au Sénégal d’avoir, désormais, une politique nationale de lutte contre la malnutrition qui est un fléau contre lequel il faudra mobiliser toutes les énergies, les faire converger pour obtenir un taux maximum de réduction, à défaut d’éradiquer définitivement la malnutrition. D’ailleurs, lutter contre celle-ci est une forme majeure de lutte contre la pauvreté. D’où donc l’importance de ce programme.

Pourquoi le programme a-t-il quitté la Présidence pour être logé à la Primature ?

En principe, s’agissant de programme de lutte contre la malnutrition qui est aussi une question de santé, on comprendrait parfaitement que ce programme puisse être logé au ministère de la Santé. Mais ce programme étant multi-sectoriel, la Primature ayant pour vocation de coordonner les activités de l’ensemble des ministères, nous avons pensé, pour l’heure, qu’il était plus indiqué de le loger à la Primature. Evidemment, cela n’exclut pas, à terme, que le programme retourne à son ministère.
Il y a une autre raison. C’est que le bailleur qu’est la Banque mondiale a estimé – cela rentre dans ses stratégies d’intervention dans nos pays et cela traduit aussi le manque de confiance aux institutions de nos pays - que compte tenu d’un certain nombre d’échecs, pour ne pas dire plus, constatés dans la conduite d’un certain nombre de programmes exécutés dans le pays, loger ce programme à la Primature permettrait de lui conférer une certaine visibilité, un leadership plus fort et une plus grande transparence. Contrairement au programme de nutrition communautaire (1994-2000), l’actuel programme fait une bonne place au monde rural…
En réalité, ce qui était étonnant, c’est que l’ancien programme ait mis l’accent sur le monde urbain, parce que s’il s’agissait de pauvreté. En tout cas, de manière visible, on peut tout de suite penser que le milieu naturel qui aurait dû accueillir ce programme est le monde paysan.
En ce qui concerne le Programme de nutrition communautaire (PNC), il faut savoir qu’il s’agissait d’un programme d’urgence pensé et mis en œuvre après la dévaluation du franc CFA. A cette époque, les promoteurs du PNC avaient pensé que l’inflation induite par la dévaluation aurait entraîné une plus grande précarité dans les zones urbaines. Ce qui explique que ce programme a été expérimenté dans ces zones. Normalement, on aurait dû commencer par les zones rurales. Le constat général est que le monde rural se paupérise davantage. Pour juguler cela et donner une chance égale à tous les citoyens de ce pays, le nouveau programme couvrira à la fois les zones urbaines, périurbaines, ainsi que le faisait le PNC. Il sera, cependant, étendu aux zones rurales qui auraient dû normalement être son lieu naturel d’intervention. Nous pensons que les zones rurales méritent d’accueillir ce programme, compte tenu de l’extrême précarité dans laquelle se trouvent les populations rurales.

Qu’en est-il de la situation des jeunes, anciens acteurs du programme précédent, qui réclament des arriérés de salaires et, surtout, une meilleure prise en compte de leurs préoccupations dans le nouveau programme ?

C’est vrai qu’il s’agit là d’une situation qui, au plan humain, est assez préoccupante. Les acteurs dont vous parlez sont ce qu’on appelle les maîtres d’œuvre communautaires (MOC) et les micro-entrepreneurs communautaires (MIC). Ce sont des intervenants au sein du PNC qui animaient les centres de nutrition communautaire. Ils ont été recrutés sur la base d’un contrat. Ce contrat devait naturellement durer le temps du projet. Si on devait s’en tenir à l’aspect juridique, normalement on devrait tout arrêter. Mais, comme le disait un éminent spécialiste du droit, “si on a créé le droit, c’est pour qu’il n’y ait jamais de justice”. Le gouvernement n’a pas rompu brutalement ces contrats pour éviter de créer des situations dramatiques au plan social. En reconduisant les contrats, le gouvernement a dû faire face au paiement des arriérés engendrés par le PNC lui-même et aux échéances.
En ce qui concerne les honoraires des MOC et des MIC, le gouvernement a pris en charge les contrats de location des centres de nutrition communautaire. Vous savez que le budget de l’Etat est le résultat d’une loi de Finances votée au début de l’année. Donc l’ensemble des dépenses de l’Etat doit être prévu et consigné dans ce budget. Une dépense non prévue par le budget est difficile à couvrir. C’est ce qui se passe avec les MOC, les MIC et les centres de nutrition communautaire.
Malgré tout, depuis que le PNC est terminé, le gouvernement a fait des efforts extraordinaires pour payer les honoraires et les contrats de location. A ce jour, plus de 400 millions de francs ont été décaissés pour payer les honoraires, les MOC, les MIC et les contrats de location. C’est vrai que, depuis quatre mois, on fait face à des difficultés pour honorer un certain nombre d’engagements, mais le Premier ministre a donné les instructions nécessaires au ministre des Finances. Celui-ci est en train de tout faire pour trouver les moyens – peut-être extrabudgétaires – pour continuer à payer les honoraires jusqu’à ce qu’une situation soit trouvée, par exemple la réintégration dans le nouveau programme (ce qui me paraît déjà difficile).
A chaque fois que j’ai eu à rencontrer ces jeunes, j’ai eu à leur expliquer que c’était une erreur de considérer que le programme de renforcement de la nutrition (PRN) est une continuation du PNC. Le PRN est un nouveau programme. La lutte contre la malnutrition ne dépend pas seulement du PNC. Des programmes ont existé bien avant lui. Le PNR est venu pour faire en sorte que la lutte contre la malnutrition soit une politique nationale et qu’elle soit pérenne. C’est un programme qui va durer dix ans. Il ne se substitue pas au PNC. Nous avons beaucoup discuté avec eux et ils sont d’ailleurs très ouverts. Ils ont compris. Ils sont eux-mêmes en train de nous proposer un certain nombre de solutions.

Que leur proposent les autorités ?

Interrompre brutalement les contrats aurait été certainement, sur le plan humain et social, dramatique. C’est pourquoi le gouvernement entend les reconduire. Toutefois, en les reconduisant, il ne peut pas ne pas tenir compte de ses engagements avec ses bailleurs et ses partenaires traditionnels, notamment la Banque mondiale qui finance le programme. Or, selon les accords avec la Banque, ce programme ne saurait être considéré comme un programme générateur d’emplois. Puisqu’il ne s’agit pas de créer des emplois, ces MIC et MOC pourront éventuellement trouver leur place dans le cadre d’un partenariat, c’est-à-dire de prestataires de services, des contractuels du programme. A eux de s’organiser. Nous leur avons dit cela. Pour la plupart, ils l’ont compris et sont en train de s’organiser. C’est ce qui explique qu’au sein des groupes de travail de l’atelier de validation du manuel de mise en œuvre du PRN, certains ont préconisé la possibilité de voir des agences d’exécution communautaires émerger. Ces agences pourraient résulter de leur propre organisation. Au cours des deux jours de cet atelier, les MOC et les MIC étaient représentés par leur coordonnateur. Donc nous sommes en train de voir comment créer un partenariat avec ces agences et avec d’autres agences qui sont nationales ou internationales. Celles-ci pourraient les avoir sous leurs ailes ou ensemble participer à l’exécution du programme. C’est la solution d’avenir qu’on a envisagée avec eux. PROPOS RECUEILLIS PAR EL BACHIR SOW

Lire l'article original : www.lesoleil.sn/archives/article.CFM?articles__id=14843&index__edition=9611

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