Les
29 et 30 mai 2002, un atelier de validation du manuel de mise en
œuvre du Programme de renforcement de la nutrition (PRN) s’est tenu
à l’hôtel Ngor Diarama. Le PRN vise notamment, sur une période de
10 ans (2003–2013), “l’amélioration du statut nutritionnel des groupes
vulnérables à savoir les enfants âgés de moins de 3 ans, les femmes
enceintes et les mères allaitantes”. Le programme est financé par
la Banque mondiale.
Quelque
10 milliards et demi de francs CFA ont été mobilisés par les trois
premières années. M. Cheikh Tidiane Coulibaly, directeur de Cabinet
du Premier ministre, président de la Cellule de la lutte contre
la malnutrition, revient dans l’entretien qu’il nous a accordé sur
l’importance de ce programme qui, dans ses interventions, accorde
une place particulière au monde rural. Il souligne aussi les efforts
déployés par le gouvernement pour faire face à la situation des
jeunes qui travaillaient dans l’ancien programme, le programme de
nutrition communautaire (1994-2000).
Quelle
est l’importance de ce programme de renforcement de la nutrition
et pourquoi l’avoir logé à la Primature ?
Ce programme a pour ambition majeure de permettre au Sénégal d’avoir,
désormais, une politique nationale de lutte contre la malnutrition
qui est un fléau contre lequel il faudra mobiliser toutes les énergies,
les faire converger pour obtenir un taux maximum de réduction, à
défaut d’éradiquer définitivement la malnutrition. D’ailleurs, lutter
contre celle-ci est une forme majeure de lutte contre la pauvreté.
D’où donc l’importance de ce programme.
Pourquoi
le programme a-t-il quitté la Présidence pour être logé à la Primature
?
En
principe, s’agissant de programme de lutte contre la malnutrition
qui est aussi une question de santé, on comprendrait parfaitement
que ce programme puisse être logé au ministère de la Santé. Mais
ce programme étant multi-sectoriel, la Primature ayant pour vocation
de coordonner les activités de l’ensemble des ministères, nous avons
pensé, pour l’heure, qu’il était plus indiqué de le loger à la Primature.
Evidemment, cela n’exclut pas, à terme, que le programme retourne
à son ministère.
Il y a une autre raison. C’est que le bailleur qu’est la Banque
mondiale a estimé – cela rentre dans ses stratégies d’intervention
dans nos pays et cela traduit aussi le manque de confiance aux institutions
de nos pays - que compte tenu d’un certain nombre d’échecs, pour
ne pas dire plus, constatés dans la conduite d’un certain nombre
de programmes exécutés dans le pays, loger ce programme à la Primature
permettrait de lui conférer une certaine visibilité, un leadership
plus fort et une plus grande transparence. Contrairement au programme
de nutrition communautaire (1994-2000), l’actuel programme fait
une bonne place au monde rural…
En réalité, ce qui était étonnant, c’est que l’ancien programme
ait mis l’accent sur le monde urbain, parce que s’il s’agissait
de pauvreté. En tout cas, de manière visible, on peut tout de suite
penser que le milieu naturel qui aurait dû accueillir ce programme
est le monde paysan.
En ce qui concerne le Programme de nutrition communautaire (PNC),
il faut savoir qu’il s’agissait d’un programme d’urgence pensé et
mis en œuvre après la dévaluation du franc CFA. A cette époque,
les promoteurs du PNC avaient pensé que l’inflation induite par
la dévaluation aurait entraîné une plus grande précarité dans les
zones urbaines. Ce qui explique que ce programme a été expérimenté
dans ces zones. Normalement, on aurait dû commencer par les zones
rurales. Le constat général est que le monde rural se paupérise
davantage. Pour juguler cela et donner une chance égale à tous les
citoyens de ce pays, le nouveau programme couvrira à la fois les
zones urbaines, périurbaines, ainsi que le faisait le PNC. Il sera,
cependant, étendu aux zones rurales qui auraient dû normalement
être son lieu naturel d’intervention. Nous pensons que les zones
rurales méritent d’accueillir ce programme, compte tenu de l’extrême
précarité dans laquelle se trouvent les populations rurales.
Qu’en
est-il de la situation des jeunes, anciens acteurs du programme
précédent, qui réclament des arriérés de salaires et, surtout, une
meilleure prise en compte de leurs préoccupations dans le nouveau
programme ?
C’est
vrai qu’il s’agit là d’une situation qui, au plan humain, est assez
préoccupante. Les acteurs dont vous parlez sont ce qu’on appelle
les maîtres d’œuvre communautaires (MOC) et les micro-entrepreneurs
communautaires (MIC). Ce sont des intervenants au sein du PNC qui
animaient les centres de nutrition communautaire. Ils ont été recrutés
sur la base d’un contrat. Ce contrat devait naturellement durer
le temps du projet. Si on devait s’en tenir à l’aspect juridique,
normalement on devrait tout arrêter. Mais, comme le disait un éminent
spécialiste du droit, “si on a créé le droit, c’est pour qu’il n’y
ait jamais de justice”. Le gouvernement n’a pas rompu brutalement
ces contrats pour éviter de créer des situations dramatiques au
plan social. En reconduisant les contrats, le gouvernement a dû
faire face au paiement des arriérés engendrés par le PNC lui-même
et aux échéances.
En ce qui concerne les honoraires des MOC et des MIC, le gouvernement
a pris en charge les contrats de location des centres de nutrition
communautaire. Vous savez que le budget de l’Etat est le résultat
d’une loi de Finances votée au début de l’année. Donc l’ensemble
des dépenses de l’Etat doit être prévu et consigné dans ce budget.
Une dépense non prévue par le budget est difficile à couvrir. C’est
ce qui se passe avec les MOC, les MIC et les centres de nutrition
communautaire.
Malgré tout, depuis que le PNC est terminé, le gouvernement a fait
des efforts extraordinaires pour payer les honoraires et les contrats
de location. A ce jour, plus de 400 millions de francs ont été décaissés
pour payer les honoraires, les MOC, les MIC et les contrats de location.
C’est vrai que, depuis quatre mois, on fait face à des difficultés
pour honorer un certain nombre d’engagements, mais le Premier ministre
a donné les instructions nécessaires au ministre des Finances. Celui-ci
est en train de tout faire pour trouver les moyens – peut-être extrabudgétaires
– pour continuer à payer les honoraires jusqu’à ce qu’une situation
soit trouvée, par exemple la réintégration dans le nouveau programme
(ce qui me paraît déjà difficile).
A chaque fois que j’ai eu à rencontrer ces jeunes, j’ai eu à leur
expliquer que c’était une erreur de considérer que le programme
de renforcement de la nutrition (PRN) est une continuation du PNC.
Le PRN est un nouveau programme. La lutte contre la malnutrition
ne dépend pas seulement du PNC. Des programmes ont existé bien avant
lui. Le PNR est venu pour faire en sorte que la lutte contre la
malnutrition soit une politique nationale et qu’elle soit pérenne.
C’est un programme qui va durer dix ans. Il ne se substitue pas
au PNC. Nous avons beaucoup discuté avec eux et ils sont d’ailleurs
très ouverts. Ils ont compris. Ils sont eux-mêmes en train de nous
proposer un certain nombre de solutions.
Que
leur proposent les autorités ?
Interrompre
brutalement les contrats aurait été certainement, sur le plan humain
et social, dramatique. C’est pourquoi le gouvernement entend les
reconduire. Toutefois, en les reconduisant, il ne peut pas ne pas
tenir compte de ses engagements avec ses bailleurs et ses partenaires
traditionnels, notamment la Banque mondiale qui finance le programme.
Or, selon les accords avec la Banque, ce programme ne saurait être
considéré comme un programme générateur d’emplois. Puisqu’il ne
s’agit pas de créer des emplois, ces MIC et MOC pourront éventuellement
trouver leur place dans le cadre d’un partenariat, c’est-à-dire
de prestataires de services, des contractuels du programme. A eux
de s’organiser. Nous leur avons dit cela. Pour la plupart, ils l’ont
compris et sont en train de s’organiser. C’est ce qui explique qu’au
sein des groupes de travail de l’atelier de validation du manuel
de mise en œuvre du PRN, certains ont préconisé la possibilité de
voir des agences d’exécution communautaires émerger. Ces agences
pourraient résulter de leur propre organisation. Au cours des deux
jours de cet atelier, les MOC et les MIC étaient représentés par
leur coordonnateur. Donc nous sommes en train de voir comment créer
un partenariat avec ces agences et avec d’autres agences qui sont
nationales ou internationales. Celles-ci pourraient les avoir sous
leurs ailes ou ensemble participer à l’exécution du programme. C’est
la solution d’avenir qu’on a envisagée avec eux. PROPOS RECUEILLIS
PAR EL BACHIR SOW
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l'article original : www.lesoleil.sn/archives/article.CFM?articles__id=14843&index__edition=9611
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