Situé
à la sortie de la région de Dakar, en bordure de l’axe routier le
plus fréquenté du pays et non loin de la voie ferrée, le centre
hospitalier de Diamniadio vit, depuis près de deux ans, un calvaire,
devant l’afflux quotidien de malades et la rareté de plus en plus
accentuée des ressources financières. La population a décidé de
lancer ainsi un SOS en direction des décideurs politiques et des
bonnes volontés.
Quand
on construisait, il y a un peu plus de cinq ans, le centre hospitalier
“Elisabeth Diouf” de Diamniadio, à une quarantaine de km de Dakar,
tout le monde avait applaudi du fait de son emplacement stratégique
sur la route nationale n°1, axe le plus fréquenté parmi les routes
du Sénégal, puisqu’étant la seule voie de sortie de la capitale
qui mène vers toutes les régions de l’intérieur, aussi bien du centre,
du sud que du nord. De nombreux accidentés pouvaient y trouver un
point proche pour y recevoir rapidement des soins médicaux.
Mais,
depuis un peu moins de deux ans, l’hôpital, qui est en fait un “centre
de santé”, est dans une situation difficile pour plusieurs raisons,
notamment institutionnelle et financière. Il fonctionne sans dotation
budgétaire de la part de l’Etat et de la collectivité dans laquelle
il se situe. Le système de recouvrement de coût n’arrive même pas
à assurer convenablement la moitié des besoins de fonctionnement
(renouvellement des stocks de médicaments et de consommables, maintenance
des équipements, etc.)
Pour la petite histoire, c’est la fondation “Solidarité Partage”
de la présidente Elisabeth Diouf qui avait mis sur pied ce “petit”
hôpital. D’ailleurs, c’est elle-même, accompagnée du président Abdou
Diouf qui l’avait inauguré, le 20 décembre 1996. L’hôpital était
doté au début de différents services comme la radiologie, le bloc
chirurgical, médecine, maternité, chirurgie dentaire, laboratoire,
morgue, des logements pour le personnel, etc. Il y a également une
mosquée et une église, qui ne fonctionnent pas encore.
Les
visiteurs d’un temps, qui viennent à l’hôpital, n’ont pas le temps,
ou préoccupés qu’ils sont par les douleurs qu’ils cherchent à soulager…
Les deux lieux de culte restent donc désespérément fermés. Idem
pour la morgue dont les lavoirs funéraires sont recouverts d’une
couche de poussière.
“Nous
n’avons même pas de quoi payer un jardinier pour nous entretenir
les plantes ornementales qui débordent maintenant sur les allées,
et les murs commencent à se lézarder faute d’entretien”, nous a
confié Fara Mansour Mendy, chargé de la sécurité et servant aussi
comme aide à la radiologie. Seuls lui et quelques-uns de ses collègues
infirmiers “civils” ont accepté de nous glisser quelques mots sur
les raisons de leur inquiétude en fait justifiée. Le médecin-chef,
médecin capitaine, le Dr Tierno Oumar Sako, qui a pris fonction,
il y a de cela seulement deux semaines, s’est replié tactiquement
derrière l’obligation de réserve.
“Nous
sommes militaires et si vous voulez des informations vous pouvez
contacter la DIRPA”, nous a-t-il dit. Il a succédé à d’autres médecins
militaires, notamment les capitaines Drs Ibrahima Socé Fall et Cheikhou
Camara.
Tout
le personnel médical et paramédical de l’hôpital est paradoxalement
militaire, donc des fonctionnaires de l’Etat, qui font “fonctionner”
la structure, sans dotation budgétaire de l’Etat. Les militaires
sont composés d’un médecin, d’une chirurgien-dentiste, d’agents
d’administration, d’infirmiers et de chauffeurs. Seule la maternité
est dirigée par une jeune sage-femme, Mlle Marie Diouf, aidée de
matrones issues de la communauté rurale. Elle a été recrutée en
novembre 2001 par l’hôpital pour faire fonctionner la maternité
de 16 lits, qui reçoit chaque jour entre 10 à 15 femmes pour des
consultations prénatales et des demandes de conseils en planification
familiale.
“Actuellement,
le bloc chirurgical n’est pas fonctionnel et nous sommes obligés
de référer rapidement les cas urgents vers Rufisque, Dakar ou Thiès”,
nous a confié la sage-femme, qui ne travaille que du lundi au vendredi.
Au début, tout marchait à peu près bien, avec l’appui de l’entreprise
privée “Pétrosen”, qui a soutenu matériellement et financièrement
la structure sanitaire. “Pétrosen” a décidé un bon matin de tout
arrêter. Cela a été le début des difficultés. Des trois ambulances,
seule une est en état “précaire” de marche. “Les équipements de
la radiologie sont obsolètes et nous n’avons pas d’appareil pour
sécher les films des radiographies”, nous a encore confié M. Mendy.
“Ce qui fait que nous les (ndlr : les films) mettons au soleil.
Donc, quand il y a de la pluie ou s’il fait nuit, nous ne pouvons
rien faire. Je me rappelle du déraillement du train, en l’an 2000,
durant le Magal de Touba. Cela s’était passé près de Diamniadio.
De nombreux blessés auraient pu être sauvés si on avait du matériel
adéquat. Tous les hôpitaux de Dakar, Thiès et Diourbel ont reçu
à cette époque une partie des 500 millions de francs CFA pour soutenir
les urgences médicales et chirurgicales. On a oublié l’hôpital de
Diamniadio, pourtant situé à un point névralgique de la circulation
routière et ferroviaire. Et c’est le cas encore. On nous achemine
presque chaque jour des blessés de la circulation et nous n’avons
rien en échange de la part de l’Etat après avoir donné les premiers
soins avec le peu dont nous disposons”.
Sur un autre plan, les travailleurs “civils”, au nombre de 24, dont
la plupart s’occupent de l’administration comme secrétaire, de l’entretien,
de l’hygiène hospitalière et de la sécurité, n’ont quasiment pas
de statut. Ils reçoivent leurs salaires (entre 50 et 60.000 FCFA
par mois) sans bulletin, sans cotisation à l’IPRES et à la sécurité
sociale. Ils ne sont pas vaccinés contre les risques d’infections
nosocomiales et n’ont pas de matériels de protection. IDEM pour
les préposés à la radiologie, qui manipulent des produits toxiques
à longueur de journée.
Selon
un agent qui a voulu garder l’anonymat : “nous avons fait des démarches
pour susciter un engouement de la population de Diamniadio pour
leur structure qui n’a pas de comité de santé”, a ajouté M. Mendy.
C’est ainsi que des démarches ont été timidement faites pour instituer
une participation communautaire aux recouvrements des coûts. C’est
aussi ainsi que le ticket de consultation a été fixé à 500 FCFA.
Ce ticket, acheté dès l’entrée est valable trois jours durant et
le malade devra se munir d’un autre ticket pour les jours suivants.
“Les populations de la localité de Diamniadio et des villages qui
la polarisent sont très défavorisées, et de nombreuses familles
y vivent au-dessous du seuil de pauvreté”, nous explique M. Mendy.
“Nous ne pouvons pas leur demander plus, alors que les malades nous
viennent de nombreuses zones dont Ponty Village, Yène, Sébikotane,
Bargny et même de Thiès ou Mbour, parce que nous pratiquons les
recouvrements les moins élevés”, a-t-il poursuivi, en insistant
aussi sur le fait que leur structure s’investit comme toutes les
autres dans les programmes de santé publique de routine ou spéciaux
comme le Programme élargi de vaccination, les journées de vaccination
contre la polio et sur les micronutriments, la planification familiale,
la tuberculose, le paludisme, etc.
Pendant
l’hivernage, et peu de mois après, nous recevons beaucoup de cas
de paludisme et les salles sont submergées par des malades de tous
les âges”, a indiqué un infirmier. Durant le premier trimestre de
2001, l’hôpital a enregistré 42 tuberculeux. L’hôpital reçoit aussi
beaucoup d’enfants malades en pédiatrie. En mai dernier, 25 enfants
ont été hospitalisés en pédiatrie. FARA DIAW
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l'article original : www.lesoleil.sn/archives/article.CFM?articles__id=14919&index__edition=9612
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