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VIEILLISSEMENT AU SENEGAL : Les personnes âgées en quête de statut - Sud quotidien - Sénégal - 19/06/02

Au Sénégal, ils sont plusieurs milliers à vivre au-delà de 70 ans. Malades et souvent mal entretenues, les personnes du troisième âge sont aujourd’hui face à leur destin. Certains, pour survivre, sont obligés de continuer à travailler et entretenir leur famille là où d’autres doivent se " démerder " au quotidien pour faire face à leurs besoins.

Sur la population sénégalaise, les personnes âgées représentent un effectif de 7 %. Dans le monde développé comme au niveau des pays du tiers monde, ils sont devenus une frange importante de la démographie mondiale, grâce à l’accès aux soins de santé, une meilleure hygiène de vie, des moyens plus importants.

Cette situation ne donne pas sans doute, toute la mesure du problème des vieillards dans le monde. Estimé aujourd’hui à plus de 629 millions dans le monde, le nombre des personnes âgées de 60 ans et plus, devrait atteindre les deux milliards d’individus dans un demi-siècle.

On devrait assister, à cette échéance, à un bouleversement démographique, avec pour la première fois, une population de personnes âgées supérieure à celle des enfants dont l’âge est compris entre 0 et 14 ans. L’information est donnée au sortir de la deuxième assemblée mondiale sur le vieillissement, tenue à Madrid en avril dernier.

Il a été également indiqué au cours de ce même sommet, que la majorité des personnes âgées sont des femmes. Celles-ci ayant une espérance de vie supérieure à celle des hommes. Cette situation valable dans les autres parties de la planète n’épargne pas le Sénégal. Un pays qui a vu le nombre de sa vieille population augmenter de façon spectaculaire. Lors du dernier recensement général de la population et de l’habitat effectué au Sénégal en 1988, les personnes du troisième âge représentaient 5 % de la population.

Face à une société en mutation, les vieilles personnes éprouvent aujourd’hui d’énormes difficultés pour s’adapter car étant victimes d’une certaine marginalisation. Amadou Sall, septuagénaire, président de la section des anciens combattants d’Indochine, d’Algérie et de Madagascar, estime que les personnes de sa génération constituent la frange la plus touchée par la pauvreté. " La cause ", selon lui " est à lier aux modestes pensions de retraite que nous percevons. Dès lors, nos conditions de vie deviennent de plus en plus catastrophiques. Il faut également ajouter à cela la discrimination dont nous faisons l’objet de la part de l’Etat français qui a décidé que les combattants de la métropole devaient être mieux payés que nous autres de l’Afrique. Alors que sur le front, la balle ne choisissait pas le blanc ou le noir ", fulmine le vieux sall rencontré à l’Office national des anciens combattants.

Père de plusieurs enfants dont la plupart sont encore au chômage, Amadou sall rencontre toutes les peines du monde à nourrir sa famille. " N’eût-été le soutien de deux de mes enfants émigrés, la situation aurait été pire, " souligne le vieux " guerrier ".

Un autre vieillard, le commandant Douadjabi Diallo, de l’Association nationale des anciens militaires invalides du Sénégal (Anamis) mobilisé lors de la guerre d’Algérie, mais également en Tunisie pour les guerres d’indépendance, indique que dans que "dans notre pays, les anciens combattants servent uniquement à porter des médaille ". Cet état de fait ne pourrait surprendre dans un pays tel que le Sénégal où la personne du troisième âge est considéré comme quelqu’un de faible. Donc quelqu’un qu’on doit impérativement assister alors que les vieillards ont beaucoup à apporter dans la marche d’une nation ", souligne le vieux Douadjabi Diallo.

Une couche sociale défavorisée

Le commandant Diallo n’hésite pas également à élargir son argumentaire aux énormes difficultés à commencer par la marginalisation à laquelle font face les vieilles personnes. En dépit de tous ces facteurs bloquants, le vieux Diallo estime que les personnes du troisième âge ont un important rôle à jouer. Il s’agira d’une part pour les anciens, de servir d’exemple de droiture, d’honnêteté, d’abnégation et de perfection dans le travail.

Ils peuvent, d’autre part, grâce à leur expérience et par le biais d’un comportement exemplaire, amener le citoyen à parfaire son civisme. Seulement, pour pouvoir jouer ce rôle catalyseur, les personnes du troisième âge demandent à être impliquées dans la gestion des affaires publiques. Et le commandant Diallo de prôner la tenue d’un séminaire national au cours duquel seront débattues toutes les questions liées "au rôle et à la place des vieilles personnes au Sénégal."

Embouchant la même trompette, Mamadou Ndoye, le président de l’Association des retraités du Sénégal (Ars) et de la Fédération des associations de retraités et de personnes âgées du Sénégal (Farpas) invite les pouvoirs publics à instituer un statut pour les personnes du troisième âge. Ce qui permettrait de définir leur place dans la société tout en les associant à la prise de décisions importantes dans la vie des individus. A cela, il faut ajouter la demande de mise sur pied d’un conseil des sages dans les collectivités locales et autres structures décentralisées, la création d’une cellule d’aide et d’assistance aux personnes âgées en plus de la mise en place de structures intergénérationnelles qui réuniraient les jeunes et les vieillards.

L’obtention d’une carte sésame permettant aux vieilles personnes de bénéficier des avantages dus à leur statut figure parmi les doléances de l’Ars. Dans la même foulée, Mamadou Ndoye estime que l’État doit se pencher sur le sort des personnes âgées qui ne sont pas couvertes (paysans, pêcheurs, artisans…) en instaurant un système de retraite à la carte tel que pratiqué au Maroc et en Tunisie.

" Lever les tabous sur le vieillissement "

Les tabous sur le vieillissement doivent être levés selon le le docteur Mamadou Koumé, gérontologue-gériatre, medecin–chef du centre médico-social de l’institution de prévoyance maladie du Sénégal (Ipres). Lui et ses collègues gérontologues–gériatres ont ainsi un combat à mener pour arriver à changer la perception pleine de préjugés, de certaines personnes sur la question du vieillissement. médecin-chef de service du centre médico-social de l’Institution prévoyance retraite du Sénégal (Ipres) ouvert en 1982 pour assurer la couverture sanitaire des retraités et de leurs familles, " Dans notre société, en effet, nombreux sont ceux qui ont tendance à associer la vieillesse avec la maladie, la dépendance et le manque de productivité. Cependant, pour le Dr Koumé, cette vision est complètement erronée car elle reflète une parfaite méconnaissance du processus de vieillissement qui consiste en une détérioration progressive de l’organisme".

Trois manières de vieillir

La vieillesse pourrait se manifester de trois manières différentes. Il s’agit d’abord du vieillissement usuel (c’est un vieillissement commun suivant l’horloge biologique qui découle d’un déclin progressif). Il y’a ensuite le vieillissement pathologique anormal qui s’accompagne de maladies, de pertes autonomes et d’autres handicaps et il y’a enfin le vieillissement réussi dont les facteurs prédictifs sont entres autres, une bonne activité physique, une alimentation saine, un arrêt de la consommation de tabac. "C’est dès la jeunesse que commence un vieillissement réussi", explique, ainsi, le Dr Mamadou Koumé.

Hypertension artérielle, diabète, rhumatisme, arthrose… Le calvaire des personnes âgées

Les nombreux "trous de mémoire" et autres moments d’absence répétés peuvent parfois être les symptômes de la vieillesse. Dans ces situations, il est fréquent d’entendre l’entourage dire de manière laconique et sans aucune inquiètude : " da fay naakh" (littéralement en wolof : le vieux n’est plus en possession de toutes ses facultés mentales). Toutefois, cette façon de banaliser ce type de "pathologie" n’est pas pour rassurer le Dr Koumé qui souligne que le "naakh" n’est pas scientifiquement prouvé. C’est un phénomène purement culturel".

Raison pour laquelle, il est conseillé de faire recours à des spécialistes pour consulter une personne âgée sujette à des " oublis " afin de rechercher les causes et les mécanismes qui sont à l’origine de ces facteurs pathologiques. Des facteurs pathologiques qui ont souvent pour noms : syndromes dépressifs, hydrocéphalie, syndrome d’Alzheimer qui ne s’observe généralement qu’à un âgé très avancé (vers 80 ans). Et le Dr Coumé d’ajouter que "rien en peut échapper à un examen médical". Cependant, lorsque ces troubles découlent d’une détérioration cognitive liée à l’âge médicalement dénommée "Minor cognitive impaire", le Dr Koumé estime qu’il n’y a pas lieu de dramatiser.

Avec une équipe de cinq médecins (un urologue, un ophtalmologue-chirurgical, un kinésithérapeute, un biologiste et pédiatre), le centre médico-social de l’Ipres accueille une moyenne de 250 personnes en consultation par jour. En dehors des retraités de l’Ipres qu’elle reçoit, la structure accueille également leurs épouses et leurs enfants. Ces derniers sont admis aux consultations et aux soins jusqu’à l’âge de 21 ans. Selon le Dr Koumé, les vieux patients qui viennent se faire consulter au niveau de son centre se plaignent généralement de pathologies aiguës (paludisme, diarrhée, bronchites) ou de pathologies chroniques dites dégénératrices telles que l’hypertension artérielle et autres cardiopathies.

D’autres maladies dites métaboliques comme le diabète, la goutte, les arthroses, les rhumatismes ainsi que les affections urologiques, neurologiques, prostatiques sont également signalées chez les personnes du troisième âge. Après la retraite, certaines personnes du troisième âge, à cause d’un sentiment de perte d’utilité, développent une dépression masquée qui est une forme de maladie qui se manifeste souvent par une anorexie.

Laisser une place aux grands-parents

Gardiennes de la mémoire collective d’un peuple et des valeurs ancestrales, les personnes âgées ont aujourd’hui un rôle social important à jouer dans les familles. Hier, grand-père ou grand-mère, ils étaient nombreux à bercer de contes, les nuits des enfants. Pour le docteur Koumé, " au nom de l’intergénération, les jeunes doivent réserver aux personnes âgées la place qui leur revient ".

Telle une prière, le médecin exhorte les populations à respecter scrupuleusement les principes d’épanouissement personnel et de dignité des personnes du troisième âge, tels que définis par les nations unies. Elles ont dans toutes les sociétés, une fonction de médiation sociale qui leur procure une position incontournable dans l’équilibre de la grande famille.

C’est pour cette raison, affirment certains spécialistes des questions de vieillesse, qu’ils doivent jouir dans notre société d’un statut privilégié. A en croire le docteur koumé, la protection des personnes âgées constitue, le dernier rempart contre les agressions extérieures et les dangers de la mondialisation qui peuvent ébranler notre enracinement et altérer notre identité culturelle.

Vieillissement de la population. Un phénomène universel

Le constat fait par l’Organisation des Nations Unies au cours des décennies qui viennent de s’écouler est que le vieillissement actuel de la population est un phénomène universel et inédit dans l’histoire de l’humanité. Comme un phénomène irréversible, ce phénomène a d’ores et déjà des conséquences et des incidences majeures sur tous les aspects de la vie humaine. Au plan économique, il aura, selon les experts du Pnud, des incidences sur la croissance économique, l’épargne, l’investissement et la consommation, le marché du travail, les retraites. Egalement la fiscalité et les transferts inter générationnelles de richesse, sur les biens et les soins en général.

Ce vieillissement devrait aussi avoir des incidences jusque sur les secteurs de la santé et des soins médicaux. Mais surtout en Afrique comme dans le monde, sur la composition des familles et les conditions de vie, le logement et les migrations. Dans le monde en général, on a enregistré des progrès spectaculaires en terme d’allongement de la durée de vie. Depuis 1950, l’espérance de vie a gagné près de 20 ans, passant de 46 ans à 66 ans. Parmi les personnes atteignant 60 ans, les hommes peuvent espérer vivre encore 17 ans et les femmes 20 ans. Toutefois, il subsiste encore de grandes disparités concernant le taux de mortalité. Dans les pays en développement, les chiffres ont baissé et sont de 15 ans, pour les hommes de 60 ans et de 16 ans pour les femmes. Tandis que dans les pays développés, l’espérance de vie à 60 ans est de 18 ans pour les hommes et de 23 ans pour les femmes.

Le nombre de personnes âgées dans les zones rurales d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, devrait doubler d’ici à 2025. Dans les régions en développement, comme le Sénégal, les plus de 60 ans, représentent aujourd’hui, selon chiffres disponibles donnés par les Nations Unies, quelque 8% de la populations. Mais, d’ici 2050, ils devraient représenter près de 20% de la population. Dans 10 pays, principalement situés en Afrique subsaharienne, la proportion de personnes âgées dans les zones rurales est au moins deux fois plus élevées que dans les zones urbaines. En zone rurale, le nombre des femmes âgées est supérieure et dans certains cas très supérieure, à celui des hommes âgés.

Un allongement de la vie active

Dans les pays développés, les personnes âgées sont depuis longtemps, autorisées à continuer à travailler aussi longtemps qu’elles le souhaitaient ou qu’elles le peuvent. Cet allongement de la vie, selon les spécialistes, peut avoir une incidence positive sur leur revenu, sur le marché du travail, sur les retraites et sur les régimes de sécurité sociale. Dans les zones rurales des pays en voie de développement. Cependant, cela peut s’avérer impossible, selon eux, notamment dans le cas d’activités reposant sur un travail physique important. Dans les régions touchées par le Vih/Sida, soit dans beaucoup de régions d’Afrique, les personnes âgées travaillent déjà aussi longtemps et aussi durement qu’elles le peuvent : beaucoup parmi elles ayant à leur charge les enfants des malades du Vih/Sida, leurs propres petits enfants, sont obligées d’assumer seules le travail agricole et de tenir lieu de parents à tout ce monde. Pour certains médecins chargés de la prise en charge des vieilles personnes, il conviendrait pour ces gens-là, de mettre en place des aides techniques et organisationnelles novatrices en terme de travail et de retraite.

Une féminisation du vieillissement

Les femmes vivent plus longtemps que les hommes et sont bien souvent plus pauvres. Vivant plus longtemps, il y a plus de risque, disent les médecins, qu’elles souffrent d’invalidité liées à l’âge. Les femmes sénégalaises souffrent de plus en plus à plus de 60 ans, de problèmes de rhumatismes qui affectent les jambes et une grande partie du corps. Or du fait de leur situation économique plus difficile, la plupart n’ayant jamais eu accès à un emploi, leurs problèmes de santé sont souvent négligés voir ignorés. Trop souvent, déplorent encore les spécialistes, les systèmes de santé ne sont pas adaptés aux femmes et les responsables publics, à les en croire, ne s'y intéressent pas assez et allouent peu de ressources en faveur de l’atténuation des invalidités qui les touchent souvent en optant pour l’aide à domicile plutôt que pour des soins à l’hôpital.

Vieillir sans devenir vieux

A 70 ans révolus, Abdoulaye Wade dirige encore le Sénégal. Comme lui, de nombreux septuagénaires sont encore en activité dans le monde et à des niveaux de responsabilités très élevés. C’est bien le signe que les vieilles personnes assises à longueur de journée sur un canapé ou une chaise pliante est révolu. En soignant son alimentation, en continuant à s’activer et à apprendre, on vit dde mieux en mieux, et plus longtemps.

Depuis quelques années, l’Organisation mondiale de la santé (Oms) a développé un nouveau concept intitulé, " comment vieillir sans devenir vieux ", en encourageant les mesures qui permettront aux personnes de demeurer actives le plus longtemps possible.

Le vieillissement actif consiste ainsi à optimiser le bien-être physique, social et mental, tout au long de la vie en vue d’allonger la durée de vie en bonne santé, la productivité et la bonne qualité de vie jusqu’à un âge avancé. Quelques pistes ont été dégagées par les gérontologues pour un vieillissement actif.

Pour ce qui est de l’aspect sexe et culture, la différence de sexe peut avoir une incidence importante sur le statut social, les moyens d’accès aux soins, à un emploi etc. Les facteurs comportementaux à travers le changement d’attitude est un autre pallier à franchir pour bien vieillir. Il s’agit d’activités physiques équilibrées, un régime alimentaire sain et bénéfique à la santé mentale. Outre la quantité suffisante de calcium, les vitamines D et B12 sont particulièrement recommandées, mais un régime équilibré et varié est également essentiel. Les carences en vitamines chez les personnes âgées peuvent être à l’origine de graves démences.

Arrêter de fumer, même tard, pourrait contribuer à réduire fortement le risque de crise cardiaque, d’infarctus et de cancer du poumon. Boire de l’alcool en quantité raisonnable (moins d’un verre par jour) peut aussi en partie permettre d’éviter les problèmes coronariens et les crises cardiaques chez les personnes âgées de 45 et plus. Mais l’abus d’alcool produit l’effet inverse.

L’environnement physique et social influe aussi sur le vieillissement des personnes. Un soutien social, la possibilité d’être formé et d’apprendre tout au long de sa vie permet de mieux aborder la vieillesse. S’y ajoute la possibilité de sortir, rendre visite à des voisins et se promener dans des parcs, dans la brousse, en toute sécurité. Ce qui a l’avantage de faire oublier l’isolement ou les risques de dépression. L’exposition à des situations de conflits en famille, accroissent fortement le risque d’invalidité et de décès prématurés. Mame Aly KONTE & Hawa BOUSSO

Lire l'article original : www.sudonline.sn/archives/19062002.htm

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