En
l’an 2025, 61 % de la population mondiale vivra en milieu urbain,
notamment dans les pays en développement. Un changement radical
puisque, " pour la première fois dans l’histoire de l’humanité,
une majorité de la population vivra en milieu urbain. Même l’Afrique,
encore très largement rurale aujourd’hui, comptera une majorité
de citadins de moins de trente ans ". Cet accroissement explosif
associé au gigantisme qui caractérise le développement des mégapoles
aura de graves incidences sur la santé des populations urbaines,
notamment dans la partie sub-saharienne du continent. C’est pour
contrer l’obstacle majeur de l’inégalité d’accès aux soins qu’un
séminaire sur la santé urbaine se tient depuis avant–hier, mardi
18 juin à l’hôtel Novotel de Dakar.
Pendant trois jours, des responsables politiques, des responsables
sanitaires et des techniciens des pays en développement, des partenaires
au développement, des représentants d’organisations non-gouvernementales
entre autres, vont proposer des stratégies pour l’amélioration de
la qualité et l’accès aux soins des plus démunis en milieu urbain,
permettant de tirer toutes les leçons utiles pour passer à l’action.
elon
les estimations de l’Oms en effet, l’effectif total de la population
mondiale passera de 5,2 milliards à 7,8 milliards de personnes entre
1990 et 2020 ; pendant cette même période, la population urbaine
mondiale va doubler et c’est dans les pays en développement que
cette augmentation sera la plus forte. Cet accroissement explosif
associé au gigantisme qui caractérise le développement des capitales
aura une incidence grave sur la santé des populations urbaines notamment
en Afrique sub–saharienne. Les villes accueillent une proportion
croissante des populations les plus exposées à des risques nouveaux
et accrus comme la pandémie du Sida dont l’ampleur prend des proportions
alarmantes. Cette situation oblige à s’interroger sur l’efficacité
globale du système de santé en milieu urbain. L’initiative de Bamako,
focalisée essentiellement sur l’accès durable à un paquet de soins
essentiels pour les femmes et les enfants en milieu rural, n’a guère
été appliquée en milieu urbain. Cependant, dès la fin des années
80, les expériences initiées par la Coopération française dans plusieurs
capitales africaines ont mis en évidence des problèmes de santé
spécifiques au milieu urbain. Ces problèmes concernent le coût excessif
des services, la mauvaise qualité de l’offre, l’irrationalité des
itinéraires thérapeutiques des malades, et la faible solidarité
autour de la prise en charge des épisodes morbides.
En effet, fait remarquer le ministre de la Santé et de la prévention,
le Pr. Eva Marie Coll Seck, " si dans les villes, l’accès géographique
aux structures de santé est généralement plus aisé qu’en milieu
rural, la question de l’accès financier et de l’utilisation des
services s’y pose avec autant sinon plus d’acuité ". Et le ministre
d’ajouter: " Ceci est particulièrement vrai pour les groupes les
plus vulnérables, qui viennent de plus en plus nombreux grossir
les populations de nos villes ".
Après
reconnaissance de la complexité du problème de la santé en milieu
urbain, elle a annoncé l’approche pluridisciplinaire de la recherche
qui ne s’intéresse pas seulement aux aspects purement médicaux de
la qualité des soins, mais examine également avec beaucoup de finesse
les aspects socio-économiques et anthropologiques. L’amélioration
de la qualité des soins et l’accès aux soins de santé, notamment
pour les démunis, constitue pour le ministre de la Santé et de la
prévention, une priorité de la politique de santé du Sénégal, et
" est inscrite comme telle dans notre programme national de développement
sanitaire ".
Prise
en charge de la santé urbaine à Dakar
La
ville de Dakar a toujours accordé une priorité à sa politique de
développement sanitaire et social, inscrivant son action dans une
dynamique de lutte contre la pauvreté.
Selon Ousmane Thiaw, spécialiste, " cet engagement sans réserve
s’est manifestement traduit par la mobilisation d’importantes ressources
financières qui lui ont permis de construire, d’équiper et de gérer
un patrimoine d’infrastructures de huit centres de santé, vingt–neuf
postes de santé et trois maternités urbaines ; ce qui lui vaut aujourd’hui
d’occuper une place de choix dans le dispositif de couverture sanitaire
et sociale de la région de Dakar, voire au niveau national ".
Cependant,
ajoute-t–il, la ville de Dakar a dès 1996, élaboré et mis en œuvre
une stratégie appelée " référence horizontale " et a mis l’accent
sur une action sociale individuelle et/ou catégorielle en faveur
des plus démunis, principalement au profit des groupes les plus
vulnérables que sont les enfants en situation difficile, les personnes
du troisième âge, etc.
Démocratiser
l’accès à la santé
" Il n’existe pas encore dans les villes de politiques de santé
urbaine qui prennent en compte chacun des acteurs et qui se donnent
comme priorité l’éthique et la justice dans l’accès à la santé "
a constaté Isaline Greindl, de l’Ecole de santé publique de l’Université
libre de Bruxelles, Elle estime que la participation des habitants
aux prises de décision reste marginale parce que " la voix des populations
est encore trop peu exprimée, trop peu écoutée et trop peu entendue
".
Dans
une étude intitulée " Dialogue entre acteurs et accès à la santé
: regards sur les pratiques de santé dans quatre villes du sud ",
le chercheur belge fait remarquer qu’on ne peut pas encore vraiment
parler de bonne gouvernance en santé urbaine. En effet, la proximité
du pouvoir central rend plus difficile le développement d’initiatives
locales. Il s’y ajoute, poursuit-elle que " la collaboration entre
les acteurs est insuffisante et ne permet pas de développer une
approche cohérente de la santé ". Les politiques sectorielles ne
prennent pas suffisamment en compte les contextes urbains et de
manière plus globale la santé n’est pas inscrite comme une priorité
dans les politiques de développement urbain. Ces différentes contraintes
contribuent ainsi à accroître les injustices et l’exclusion des
populations les plus pauvres par rapport à la santé.
Pour
Isaline Greindl, " la démocratie repose sur la participation des
populations, la bonne gouvernance des villes et la promotion de
partenariat entre tous les acteurs ". La lutte contre la discrimination
et contre la pauvreté est une partie intégrante, selon elle, des
approches proposées et constitue aujourd’hui l’un des objectifs
majeurs d’une vraie démocratie. Ainsi, pour aborder et gérer la
complexité de la question de la santé en ville, de nouvelles formes
de gouvernance basées sur un partage du pouvoir entre tous les acteurs
doivent être envisagées. Ismaïla SARRE
Lire
l'article original : www.sudonline.sn/archives/20062002.htm
|