Ils
sont aujourd'hui nombreux à s'accorder sur la nécessité
de connaître son statut sérologique. Mais beaucoup
se refusent encore à se soumettre au test de dépistage
VIH. Au Centre anonyme de dépistage et d'information (CADI)
situé au Centre Muraz de Bobo, bien que le taux de fréquentation
connaisse une nette progression, les chiffres demeurent toujours
en deça des attentes. C'est ce qui ressort de cette interview
que nous a accordée Mme Madina Traoré, coordonnatrice
du CADI.
Pouvez-vous tout d'abord nous faire un bref
aperçu sur le CADI ?
Le CADI est une structure qui est gérée par une association
locale dénommée APRODEC (Association de lutte contre
le Sida par la promotion du dépistage et du conseil). Le
centre mène trois principales activités qui sont d'abord
l'information sur l'infection à VIH/Sida. Cette activité
permet à toute personne de venir au centre pour s'informer
sur la maladie à travers la documentation dont nous disposons
à notre bibliothèque. Il y aura aussi ce que nous
appelons l'information personnalisée qui consiste à
échanger directement avec ceux qui le désirent. Toujours
dans le cadre de l'information, nous organisons aussi des conférences,
des émissions radio, etc. La 2e activité au CADI
concerne le conseil dépistage. Il s'agit pour nous de préparer
psychologiquement ceux qui désirent faire leur test. Je préfère
ne pas trop m'étendre sur ce volet parce qu'il s'agit d'un
dépistage qui est strictement anonyme, volontaire et assorti
de conseils. La 3e activité enfin concerne l'orientation
et ne s'adresse qu'à ceux qui seront déclarés
séropositifs.
Quelle
est la procédure pour parvenir à un dépistage
?
Pour ce qui concerne le dépistage, nous avons des termes
clés. L'anonymat, le volontariat et la confidentialité.
Lorsqu'une personne se présente au CADI pour connaître
son statut sérologique, à aucun moment nous lui demandons
son nom ou son prénom. La personne est seulement identifiée
par un numéro de code durant toute la procédure jusqu'au
résultat. Avant le dépistage proprement dit, la personne
est d'abord confiée à un conseiller qui a pour rôle
de préparer les candidats au test à l'éventualité
d'un résultat positif et surtout les amener à mettre
en place un plan préventif. Suite à ce conseil, si
la personne maintient sa demande de faire le test, nous procédons
en ce moment à la prise de sang. Il faudra ensuite attendre
deux semaines pour connaître ce résultat qui se fait
également dans le cadre d'un conseil post test.
Disposez-vous
au CADI de moyens techniques appropriés pour aboutir à
des résultats fiables ?
D'abord je vous apprend que nous ne demandons que la modique somme
de 500 F CFA à toute personne qui désire faire son
test. Cette somme comme vous le constatez est loin de couvrir les
charges. Le CADI étant géré par une association
locale, nous avons des subventions qui nous permettent de couvrir
les dépenses. Les réactifs que nous achetons sont
autorisés par l'OMS et les tests sont faits par le laboratoire
du Centre Muraz qui dispose d'un plateau technique de référence.
Pour les résultats, je crois qu'il n'y a aucune inquiétude
quant à leur fiabilité.
Pour
cette année combien de personnes ont déjà fait
le test ?
Je
me réjouis d'abord du fait que de plus en plus les gens fréquentent
le centre. Ils commencent à percevoir la nécessité
de connaître leur statut sérologique et il y a aujourd'hui
une très grande évolution du taux de fréquentation.
A nos débuts en 1996, on recevait une moyenne de 15 personnes
par mois et progressivement nous avons atteint cette année
une moyenne de 150 personnes par mois. Ce sont des gens qui viennent
volontairement pour se faire dépister. Personne ne doit aujourd'hui
mourir ignorant, et tout le monde doit connaître son statut
sérologique. La population bobolaise est en train de comprendre
cela et de janvier à mai 2002, nous avons dépisté
au total 864 personnes dont 399 hommes et 465 femmes.
Combien
de cas de séroposivité ont été déclarés
?
Je préfère ne pas répondre à cette question.
Et
pourquoi ?
Simplement par principe. Je vous disais tout à l'heure qu'au
CADI l'anonymat est garanti même s'il ne s'agit pas de vous
dire qui est séropositif et qui est séronégatif.
Etes-vous
alors inquiète ?
Plus ou moins. Parce que d'abord ceux qui viennent se faire dépister
sont ceux surtout qui ont des doutes. Alors les chiffres que nous
disposons ici pourraient expliquer cette inquiétude. Mais
d'autre part je peux ne pas m'inquiéter quand on sait que
ce n'est toujours pas une tranche représentative de l'ensemble
de la population qui vient pour le dépistage.Pour l'instant,
il n'y a que ceux qui ont vraiment des suspicions qui viennent à
nous pour connaître leur statut sérologique.
Les
chiffres que vous avez avancés concernent-ils uniquement
la ville de Bobo ?
90% des personnes dépistées sont de Bobo. Mais nous
recevons des gens qui viennent d'autres localités comme Banfora,
Houndé, Orodara, etc. Il y a aussi ceux qui viennent de Ouagadougou,
non pas parce qu'il n'y a pas de centre de dépistage, mais
parce qu'ils se disent qu'en changeant de localité l'anonymat
serait encore plus garanti.
Avez-vous
déjà déclaré quelqu'un séropositif
et qui n'a pu retenir ses larmes ?
Dans l'ensemble tout se passe bien pour nous. La plupart de ceux
qui ont été déclarés séropositifs
l'ont accepté tel. Mais il y en a qui ont été
déclarés séropositifs et nous avons eu affaire
à des cas difficiles à gérer. D'une manière
générale, les gens commencent à accepter leur
séropositivité et cela est vraiment admirable. Ce
qui n'était pas le cas à notre début au CADI.
Quelle
est la moyenne d'âge autorisée pour le dépistage
?
Actuellement la tranche d'âge est de 29 ans quand nous parlons
de dépistage volontaire, nous plaçons la barre à
13 ans. Sauf au cas où le dépistage concerne toute
une famille. Aujourd'hui, il y a des fonctionnaires, des élèves,
des commerçants qui viennent pour le test. Toutes les catégories
sociales sans exception sont représentées.
A
travers les chiffres dont vous disposez, quel commentaire faites-vous
?
Les chiffres du CADI ne sont nullement représentatifs de
l'ensemble de la population. Il faut peut-être prendre le
taux de séroprévalence qui est donné sur le
plan national à savoir 7,17%. Mais parlant du CADI, je préfère
garder les chiffres.
Quel
conseil avez-vous à donner à ceux qui veulent faire
leur test mais qui hésitent encore ?
Je demande à ceux qui n'ont toujours pas fait le déplacement
au niveau du CADI à le faire. Aujourd'hui, nous avons trois
catégories de personne à savoir les séropositifs,
les séronégatifs et aussi les séroignorants
qui sont les plus nombreux. Donc je les invite à faire le
test pour se départager entre les séropositifs et
les séronégatifs. Connaître son statut sérologique
a beaucoup d'avantages. Plus tôt on le saura, meilleure sera
la prise en charge.
De
notre correspondant particulier à Bobo-Dioulasso Jonas Appolinaire
Kaboré
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l'article original : www.lobservateur.bf/quotidiens/select.asp?Numero=736
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