Les
hommes ne se sentent pas toujours concernés par la santé de la reproduction.
De même, le combat pour le genre reste encore mal compris. Le FNUAP
Afrique fait l’état des lieux.
•
Quelle est la situation aujourd’hui de la santé de la reproduction
en Afrique ?
- Ce qui frappe en premier lieu lorsqu’on jette un regard sur la
situation, c’est la magnitude des problèmes auxquels nous faisons
face en matière de santé de la reproduction. On peut classer ces
problèmes en trois grands domaines qui méritent l’attention particulière
aussi bien des dirigeants que des ONG, de la société civile et des
organisations internationales.
Le premier problème, c’est le VIH/SIDA. Tout le monde sait l’amplitude
du phénomène, mais aussi et surtout les conséquences que le phénomène
peut avoir sur tout ce qui concerne le développement de la région,
la pauvreté, etc.
La seconde préoccupation est la mortalité maternelle. Dans notre
région, la mortalité maternelle est encore parmi les plus élevées
du monde. L’Afrique enregistre actuellement encore entre 500 et
900 femmes qui décèdent en donnant la vie sur 100.000 naissances
vivantes. C’est trop, eu égard à l’existence des moyens qui peuvent
éviter ces décès. Ces moyens consistent à donner la bonne information
aux gens, celle de savoir qu’on peut éviter certains cas de décès,
à fournir les services de santé de la reproduction et de planification
familiale pour que les femmes enceintes puissent se faire suivre
à l’accouchement, avoir accès à des soins obstétricaux d’urgence
en cas de complications.
La santé reproductive des adolescents est la préoccupation majeure
du FNUAP. On se rend compte que les jeunes sont très éprouvés parce
qu’ils ne bénéficient pas d’informations. Certains de leurs comportements
mettent en péril leur santé, alors qu’en leur donnant une bonne
information peut-être qu’ils peuvent éviter de prendre certaines
décisions en ce qui concerne la sexualité.
• Par rapport justement à ces informations sur la sexualité données
aux jeunes, d’aucuns disent que c’est favoriser le libertinage ou
les rapports sexuels précoces…
- Quand on parle de jeunes et de sexualité, en général, c’est un
sujet très controversé et même des fois il y a des oppositions.
Mais je veux rassurer les gens que, du point de vue des programmes
que nous mettons en place (et nous avons quand même plus d’une vingtaine
d’années d’expériences, nous ne faisons pas la promotion de la promiscuité,
de l’activité sexuelle précoce. Bien au contraire, toutes les études
ont montré que là où on a pu mener des programmes et qui ont réussi,
les jeunes ont eu tendance à différer leur entrée dans la vie sexuelle,
parce qu’ils ont mieux compris que ce n’était pas nécessaire de
le faire. Et que, pour prendre ces genres de décisions, il faut
attendre d’être dans les conditions, être marié, avoir une situation
financière, etc.
En tout cas, on a vu aussi qu’ils ont développé des comportements
beaucoup plus responsables, pas seulement dans ce domaine-là, mais
également dans d’autres qui ont trait à la vie familiale. Des familles
entières et aussi des communautés donnent des exemples de jeunes
qui s’impliquent dans des activités de la communauté.
• A côté de la sexualité des jeunes, il y a aussi la question du
genre que le FNUAP développe et qui est aussi mal interprétée. •
• N’y a-t-il pas meilleure manière de mettre l’accent sur la question
?
- Pour développer la nation, c’est d’abord d’informer les femmes
elles-mêmes, d’essayer de faire le plaidoyer sur l’élévation de
leur niveau de vie. C’est aussi les informer sur l’existence de
services, sur les conséquences de certains comportements. Il faut
refaire le plaidoyer pour qu’elles puissent accéder à des formes
d’activités ou de ressources qui valorisent leurs potentiels et
qui leur donnent en même temps le moyen d’accéder à ces programmes.
Il est aussi important de parler aux hommes. Il faut développer
des programmes en direction des hommes pour qu’ils puissent se sentir
également responsables de ce qui se passe en matière de santé au
sein de leur famille et de la communauté. Qu’ils comprennent qu’ils
ont une responsabilité dans ce qui peut arriver à leurs partenaires.
Qu’ils puissent être des avocats défenseurs des droits des femmes
pour leurs sœurs, leurs copines, leurs filles et leurs épouses.
C’est comme cela que nous abordons la question du genre. Il faut
impliquer les hommes dans les programmes et même dans la confection
des programmes. Qu’ils ne voient pas les femmes comme des personnes
avec qui ils sont en compétition ou qui vont mettre en danger leur
pouvoir. Mais qu’ils comprennent plutôt qu’en renforçant la capacité
de celles-ci, ils renforcent en même temps leur propre capacité
et leur bien-être.
•
N’est-il pas vrai que les hommes ne se sentent pas vraiment concernés
par la santé de la reproduction et que cela pose problème ?
- C’est vrai, le combat le plus difficile à mener à ce niveau, c’est
avec les hommes pour l’instant. Vous savez, au début de ce programme,
on avait beaucoup plus ciblé les femmes. On pensait qu’il fallait
donner l’information aux femmes parce que ce sont elles qui accouchent,
qui subissent, qui souffrent. Partant de l’expérience des pays du
Nord au début, on a pensé donner l’information aux femmes et qu’elles
décideront. A la longue, il a bien fallu se rendre compte que le
facteur socio-culturel n’a pas été pris en compte. Donc, aujourd’hui,
il faut non seulement donner l’information aux femmes, mais il faut
aussi en parler aux hommes. Mais avec ces derniers, il faut de la
disponibilité. Les avoir au centre, c’est assez difficile. Il y
a donc beaucoup de réflexions qui sont menées sur la question. Par
exemple, trouver les hommes là où ils sont, sur les lieux de travail,
même de loisirs. Des programmes sont en train d’être développés
dans ce sens. Autant on parle de pairs éducateurs chez les jeunes,
autant on doit en avoir chez les hommes adultes. Si on renforce
la santé de la reproduction chez l’homme, cela peut beaucoup aider
et soulager la femme. La santé de la reproduction, c’est quand même
une affaire de couple, de sexualité, de famille.
•
Le FNUAP va intéresser les hommes à la santé de la reproduction,
tout comme il veut créer un partenariat avec les ONG sur la question…
-
Oui, il y a le partenariat dans les pays à deux niveaux. Il y a
le partenariat entre les ONG et l’État, ensuite il peut avoir partenariat
entre les ONG elles-mêmes qui se constituent en réseaux comme il
est recommandé par la conférence régionale (qui s’est tenue à Nairobi
du 16 au 18 avril 2002). Au niveau du FNUAP, nous avons les programmes
de coopération avec les pays et les programmes régionaux. Dans les
programmes régionaux, nous gérons les activités communes ou qui
viennent en appui aux différents programmes nationaux. Je voudrais
demander à tous les Africains, hommes, femmes, jeunes et vieux,
de se mobiliser en faveur de la santé de la reproduction. C’est-à-dire
contre le VIH/SIDA, la mortalité maternelle, la santé des adolescents,
la pauvreté. Nous lançons un appel aux hommes afin qu’ils soutiennent
leurs épouses et sœurs en leur donnant les moyens d’avoir accès
à l’éducation, aux soins de santé. Si les femmes se portent bien,
eux aussi se porteront bien. Les études le montrent : lorsque les
femmes ont des ressources, elles investissent dans la santé de la
famille, dans l’éducation des enfants.
B. ZÉGUÉLA Envoyée spéciale à Nairobi
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l'article original : www.fratmat.co.ci/story.asp?ID=11589
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