Salamata
Ouédraogo est venue à la SMI de Wemtenga pour demander de l'"aide".
Son enfant âgé de 12 mois sur les jambes, elle attend son tour sur
le banc. "Je suis venue voir les sages-femmes pour qu'elles m'aident
avec une méthode contraceptive. J'ai trois autres enfants à la maison.
Je me suis décidée et j'ai informé mon mari. Il n'a pas trouvé d'inconvénients.
Mais quand je venais, il était absent", dit-elle la tête basse.
La voisine immédiate de Salamata s'appelle Abzèta Garamé. Elle a
8 enfants ; elle est déjà sous contraceptif injectable. "Nous avons
pris conscience. Nous n'avons plus les moyens pour nourrir suffisamment
nos enfants. C'est mon mari qui m'a donné l'argent pour venir faire
la piqûre". Ces deux femmes sont pratiquement les dernières "clientes"
du centre de santé de la matinée de ce mercredi 3 juillet 2002.
Les
premières patientes sont retournées vaquer à leurs occupations d'épouse
et surtout de mère et d'actrice économique. Une forte fécondité
au Burkina rythme la vie quotidienne des femmes. Les indicateurs
de niveau de fécondité de 1998 donnent un taux moyen de 6,8 par
femme. Une situation qui précarise la santé des femmes. L'absence
et l'éloignement des formations sanitaires, l'analphabétisme, les
pratiques culturelles néfastes (tabous alimentaires, excision) mettent
en danger la vie des femmes en âge de procréer, la carence en fer
faible, le poids à la naissance.
Les statistiques donnent un taux de mortalité maternelle de l'ordre
de 484 pour 100 000 naissances vivantes (en 1998). Le dispensaire
de Wemtenga ouvert dans les années 60 donne l'exemple dans la prise
en charge des femmes enceintes. Les activités sont intégrées ; les
patientes peuvent y suivre leur grossesse, vacciner leurs bébés
et les soigner et recevoir des prestations en planification familiale.
Mme Solange Nama est responsable de la SMI. Elle est sage-femme
et a 27 ans de métier. Son service reçoit en moyenne par mois 100
femmes en consultation prénatale, près de 500 en planification familiale
et 2000 bébés environ. Wemtenga est reconnu par le projet santé
familiale et protection contre le SIDA (SFPS) comme un centre de
référence pour la qualité des prestations. Par pudeur, les femmes
ne viennent pas de façon spontanée pour les consultations en IST
(infections sexuellement transmises). Mme Nama explique qu'"elles
se présentent si elles ont mal, quand ça gratte, s'il y a des boutons
ou des ... "Avec les premiers signes (les boutons), elles s'inquiètent
car elles savent que les IST sont les cousins du VIH-Sida"...
Nous
avons reçu des formations et des outils qui nous permettent de prendre
en charge les IST. Nous n'avons plus besoin de résultats d'examen
de laboratoire. Il y a des ordinogrammes qui simplifient le travail.
Nous avons des cahiers avec des traitements spécifiques. Au regard
des écoulements vaginaux, des ulcérations... le traitement est indiqué.
Cela permet de gagner du temps et de l'argent quand on sait que
les femmes n'en ont pas". La délicatesse réside dans la prise en
charge du partenaire homme et de la co-épouse (s'il y en a). "Dans
le cas où le mari accepte, nous faisons deux ordonnances et le couple
se traite... Il y a un cas où l'homme a envoyé sa maîtresse avec
un pli fermé et nous l'avons soignée", explique Mme Nama.
A
Wemtenga, le service SMI mène une expérience avec l'ONG ALAVI pour
la prise en charge des femmes enceintes séropositives. Une séance
de causerie est organisée quotidiennement avec les patientes enceintes
pour les convaincre de l'utilité de connaître leur sérologie. L'infirmière
commise à cette tâche explique les contours du projet de ALAVI.
L'ONG s'engage à prendre en charge les nouveau-nés de mères séropositives
afin d'éviter la contamination à l'allaitement. Malheureusement,
moins de la moitié des femmes acceptent de faire le test. Malgré
les efforts déployés, Mme Nama dénonce la mauvaise fréquentation
des centres de santé. "Certaines femmes viennent juste pour avoir
le carnet et se présenter le jour de l'accouchement". Alors que
plus la grossesse évolue, les complications telles que l'hypertension,
l'albumine dans les urines, les œdémes peuvent survenir.
A entendre Mme Nama, ces trois maladies réunies entraînent ipso
facto, une éclampsie synonyme de mort. Dans les zones périphériques,
les femmes préoccupées à faire survivre la famille sont au marché
ou au champ à longueur de journée à la recherche de la pitance au
prix de leur vie. Marceline ILBOUDO RJPOD avec la collaboration
du CONAPO
Lire l'article original : www.sidwaya.bf/sid16_07_02_/société_7.htm
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