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Cotiser moins pour les funérailles et plus pour la santé - Fraternité matin - Côte d'Ivoire - 05/07/02

De nombreuses cotisations faites chaque semaine pour venir en aide aux Ivoiriens vivant en France lorsqu’ils perdent leurs parents en Côte d’Ivoire ont amené la Confédération des associations des Ivoiriens à penser à la prévention. Et la mutuelle Medirex France est née.

• La genèse de Medirex France se confondrait avec la création de la confédération des associations d’Ivoiriens en France que vous dirigez. Parlez-nous en ?

- Il y a que nous avons remarqu’en tant que Ivoirien vivant en France qu’il existe beaucoup d’associations de villages, de régions. Et chaque fois qu’il y a des événements heureux ou malheureux dans une communauté, les autres n’y vont pas. D’où l’idée qui m’a animé de regrouper les associations. J’ai réussi donc à regrouper 35 associations d’Ivoiriens. J’ai commencé d’abord par les régions dont je suis originaire, c’est-à-dire Adzopé, Anyama, Alépé. Car pour commencer une telle œuvre il faut balayer d’abord devant sa maison. Et quand ils ont vu qu’au niveau de ce regroupement associatif dénommé la CARA (Confédération des associations des régions attié) qui comprenait les 3 A (Agboville, Adzopé, Anyama), toute cette région du Sud-Est de la Côte d’Ivoire, donnait de très bons résultats, les autres ont adhéré. Et à partir de ce moment-là on a recensé pratiquement tout le monde. Car pour pouvoir envoyer des convocations aux gens, il fallait leurs adresses, un numéro de téléphone. Cela nous a permis effectivement de connaître tout le monde.

• Que recherchiez-vous à travers ce regroupement ?

- C’est que les regroupements par région de ressortissants de villages n’étaient pas faits dans le sens de l’unité nationale. Il fallait un seul regroupement pour faire un mélange à l’image de la Côte d’Ivoire. Mais j’ai travaillé dans le mouvement associatif pendant une quinzaine d’années avant de faire le regroupement qui est intervenu en 1996. Un premier président a été élu. Le mandat étant de trois ans, en 1999, j’ai pris les rênes du regroupement. Mon objectif était de faire connaître la confédération en dehors de la communauté ivoirienne, c’est-à-dire par les autorités notamment en Côte d’Ivoire. Je remercie au passage l’ambassadeur Jean Marie Kacou Gervais qui m’a beaucoup aidé à faire connaître cette confédération au-delà même de la France.

• Et qu’est-ce que vous faites pour être connus au-delà de la France ?

- Nos activités importantes se résument au soutien mutuel.. Lorsque par exemple un Ivoirien décède ici en France, nous devons rapatrier son corps en Côte d’Ivoire. L ’ambassadeur de l’époque nous a reçus pour nous faire comprendre que la Côte d’Ivoire ne peut plus rapatrier les corps de ses ressortissants. Il fallait qu’on se prenne en charge, qu’on trouve une société de pompes funèbres à coûts réduits, qu’on signe des contrats pour que lorsqu’un frère décède on puisse faire face aux charges liées au décès. Nous avons décidé de ne jamais enterrer un Ivoirien à l’extérieur. Donc lorsqu’il y a un décès, on se retrouve, on loue une salle et le soir on fait la collecte. On a souvent des sommes assez importantes qui nous permettent non seulement de payer le rapatriement du corps, le transfert jusqu’au village, la sépulture, mais aussi de soutenir la veuve par exemple restée ici. Si c’est un Ivoirien de Tiassalé par exemple qui décède, nous demandons à quelqu’un de Bouna d’accompagner le corps, pour prouver aux parents que c’est l’unité nationale en France. Il s’agit de donner l’exemple au pays pour que les divisions se taisent. Nous payons le billet d’avion de la veuve ou du veuf, des enfants afin qu’ils accompagnent le corps. Nous payons le loyer de la veuve pour un, deux voire trois ans et préparons la rentrée scolaire des enfants. Voilà un peu des exemples concrets de nos activités.

• Le point fort de la confédération semble l’organisation de funérailles, les rapatriements de corps mais que fait-elle en cas de maladie, d’un membre de sa famille au pays ?

- C’est cette situation qui a conduit à la création de Medirex France. La confédération nous a donné d’autres responsabilités puisqu’on a élargi la plate-forme. Un frère vous appelle et dit que sa mère est décédée. Vous allez vous retrouver, vous cotiser et cela indépendamment des décès ici en France. C’était devenu lourd. On a décidé de réfléchir sérieusement à la question. On a constitué des commissions pour mener cette réflexion. Parmi celles-ci la commission sociale. On s’est dit qu’avec la masse d’argent collectée ici à chaque annonce de décès au pays, si on peut trouver des cliniques là-bas pour soigner nos parents, cela permettrait de prolonger la vie de ces vieilles personnes. Aussi M. Akobé Séraphin, l’actuel directeur financier de Medirex ingénieur des travaux publics de formation, avait une société qui construit des maisons au pays. Donc il faisait souvent des voyages entre la France et la Côte d’Ivoire. Comme il faisait partie de la commission sociale, il a été chargé de tâter le terrain lors d’un de ces voyages pour voir la faisabilité de la chose sur le terrain. Il est donc allé rencontrer des patrons de cliniques à Abidjan mais la plupart n’ont pas voulu recevoir ou n’ont pas trouvé intéressant notre projet, sauf le président directeur général de la Pisam, le Professeur William Djibo à qui nous disons merci. Cette rencontre a été très importante pour nous, elle nous a galvanisés. Akobé est revenu d’Abidjan avec des dépliants que nous avons améliorés par la suite. On a vu la sécurité sociale en France pour nous aider, la Banque de France également.

• Comment êtes-vous passés de ces dépliants à la matérialisation du projet ?

- A son retour, lorsqu’on a vu que l’idée intéressait au moins une clinique à Abidjan, la Pisam, nous avons convoqué des réunions dans la communauté ivoirienne qui a montré son intérêt. Il fallait donc passer à l’étape suivante. Mais on n’avait pas d’argent. Il fallait monter un dossier. On a été voir M. Pierre Delma qui est le président de la Mutualité française à qui nous disons aussi merci. Il nous a conseillé de déposer nos dossiers à la Banque fde France et que si on n’avait pas un passé chargé, elle nous attribuerait ce qu’on appelle un numéro national d’émetteur. On a suivi son conseil et quatre mois après, nous avons eu ce numéro qui nous permettait de faire des prélèvements bancaires sur d’éventuels adhérents avec bien sûr leur consentement. Les 1er adhérents au début de Medinex France en novembre 1998 étaient au nombre de huit. On avait collecté en gros 210.000 F CFA, et c’était 160.000 pour l’adhésion par personne. Pour un départ il ne fallait pas appliquer des tarifs élevés car il fallait créer la confiance entre nous les Ivoiriens en France. Ils avaient tellement été grugés qu’ils étaient méfiants. Il ont dit qu’on allait prendre leur argent et retourné au pays. Donc il ne fallait pas des tarifs élevés si on voulait avoir des adhérents. La Pisam a accepté de soigner au début les 1ers parents avec ses fonds propres avant que les cotisation ne rentrent. Et les 1ers parents qui ont été reçus à la Pisam ont fait la publicité pour nous en envoyant des cassettes à leurs enfants en France. C’est avec ces casettes reproduites que nous sommes allés chercher de nouveaux adhérents.

• Quel bilan faites-vous, 4 ans après ?

- Il ne peut pas avoir une activité qui au départ soit irréprochable. Nous commettons des erreurs, mais l’essentiel, c’est d’être conscients de ces erreurs pour pouvoir les corriger. Et c’est ce que nous faisons. Aujourd’hui Medirnex France a ses propres médecins, assistants qui prennent en charge les parents, les conduisent dans les salles d’examens. Une maman qui arrive du village ne sait pas comment s’orienter dans un établissement comme la Pisam. Donc nous avons du personnel qui s’occupe des parents, leur téléphone pour leur rappel d’examen, etc. Ce sont des petites choses mais qui mises bout à bout qui font qu’on peut avoir une révolution.

• Quels sont vos projets ?

- Pour l’avenir, nous pensons qu’il faut conventionner au maximum des cliniques à l’intérieur du pays pour éviter les déplacements longs et épuisants aux parents. Mais il aurait fallu commencer quelque part. Quand un enfant naît, on lui donne le temps de s’asseoir, d’aller à quatre pattes et de marcher. C’est ce que nous avons fait. Maintenant après quatre ans nous pensons qu’il faut ouvrir à l’intérieur du pays, aller voir des cliniques qui sont équipées, voir leur plateau technique à Bouaké, à Ferké, à Man, à Korhogo, à Daloa, à San-Pedro, etc. C’est ce que dans les mois à venir précisément à partir du mois de septembre, nous allons nous atteler à faire. D’ailleurs, sans même avoir commencé cette étape des cliniques nous appellent, nous écrivent pour des conventionnements. Notre vœu le plus cher pour l’avenir de Medirex est que les Ivoiriens y adhèrent nombreux. Et que les autorités nous permettent aussi d’exercer cette activité en Côte d’Ivoire pour que nos frères puissent mettre leurs familles en sécurité. C’est notre rêve.

• D’autres communautés africaines vivant en France semble-t-il sont intéressées par le projet ?

- Bien sûr. C’est vrai que le concept qui consiste à payer une cotisation en France et que le parent qui est au pays bénéficie de soins jusqu’aux produits pharmaceutiques sans rien débourser, est nouveau. Mais nous ne pouvons pas le confisquer. Nous sommes obligés de le faire partager d’ouvrir. C’est ainsi que nous avons eu des appels de pied de nos frères du Sénégal, du Mali. Nous avons un brevet, mais nous mettrons Medirex à la disposition de l’Afrique.
Interview réalisée à paris par B. ZÉGUÉLA

· Repères *80% des Ivoiriens vivant en France et qui cotisent pour la santé de leurs parents sont des femmes. *En février 1999, la mutuelle enregistrait huit adhérents. En mars, un mois plus tard, ce nombre est porté à 30. Fin 1999, elle amorçait son envol avec 2000 adhérents. Fin 2000, ce sont environ 3000 adhésions. A la date du 5 juin dernier, 5193 Ivoiriens ou personnes vivant en France payaient pour les soins de leurs parents vivant en Côte d’Ivoire. Soit 193 en plus depuis la conférence de mars. *En 2000, sous la transition, Medirex France a été menacé de disparition parce que des patrons de clinique se sont plains de ce que la PISAM a créé une mutuelle. Il a fallu que MM. Assi et Akobé prouve, avec des documents à l’appui, que c’est une affaire créée par des Ivoiriens vivant en France. Et que la PISAM n’est que partenaire. *Une souscription à Medirex France permet aux bénéficiaires de recevoir des soins d’une valeur de 2,5 millions par an. *Contre la fraude, les abus de confiance, Medirex France a développé un logiciel de gestion des assurés sociaux dénommé Pgas. Aujourd’hui, on en est à la version 4. Ce progiciel permet de contrôler les paiements par les adhérents, de faire les suspensions, les radiations et de contrôler les consommations de médicaments et autres. *Les Ivoiriens de l’Ouest représentent environ 50% des adhérents de la mutelle.

Lire l'article original : www.fratmat.co.ci/story.asp?ID=11952

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