Au Mali ou au Burkina Faso, la pratique est consacrée par la loi.
Au Sénégal, seul un vide juridique lui permet encore d'exister.
Et pourtant les tradipraticiens constituent le premier recours de
80 % de la population. Là voilà consacrée par l'Oms, à travers une
journée mondiale.
Le Sénégal a enfin célébré la première Journée africaine de la
médecine traditionnelle. Prévue pour le 31 août 2003, cette manifestation
avait été reportée en raison du remaniement ministériel."C'est dans
le cadre du plaidoyer pour une acceptation et une promotion de cette
médecine comme étant partie intégrante du patrimoine culturel des
populations africaines", que s'inscrit cette date, plaide le responsable
du bureau de la médecine traditionnelle à la Direction de la Santé,
M. Alioune Aw. Pour une première, le thème a tourné autour de "La
médecine traditionnelle notre culture, notre avenir". Un constat
cependant : "80 % des populations africaines utilisent la médecine
traditionnelle pour répondre à leur besoin de soins de santé", d'après
l'Oms.
Le recours à la médecine traditionnelle relève aussi de la pauvreté
qui sévit en Afrique. Une situation qui empêche 50 % de la population
de recourir à la médecine moderne. Pourtant, selon toujours l'Oms,
"25 % des médicaments modernes sont préparés à base de plantes qui,
au départ, étaient utilisées traditionnellement". Le marché mondial
des plantes médicinales représente 60 milliards de dollars par an.
Des plantes médicinales qui sont aussi dans le champ des activités
de recherche menées au Sénégal. Même si la loi 66-09 relative à
la pratique de la médecine n'intègre pas la médecine traditionnelle.
Un paradoxe à ne plus relever, si le projet de loi sur la médecine
traditionnelle était adopté. Ledit projet de texte est prêt depuis
un an et se trouve sur la table du gouvernement. Au Sénégal, la
pratique de la médecine traditionnelle continue de n'être que tolérée
du fait donc d'un vide juridique pas encore comblé. Tout le contraire
de ce qu'est la législation au Mali et au Burkina Faso. Pourtant,
depuis 1985, la volonté politique existe. En effet, c'est cette
année-là que, par lettre, le Premier ministre d'alors demandait
la prise en compte de la médecine traditionnelle par les acteurs
du système dit classique (médecine moderne). En 1993, un conseil
interministériel est consacré à la médecine traditionnelle. Trois
ans après, (1996) un bureau de médecine traditionnelle est créée
au niveau de la Direction de la Santé du ministère de tutelle. Le
Forum national sur la médecine traditionnelle, tenu en 1998, pose
ensuite les bases de l'avant-projet de loi sur la médecine traditionnelle.
Dans cette volonté de promouvoir la médecine traditionnelle et de
l'intégrer dans le système de santé, un recensement des tradipraticiens
est en cours. Six cents tradipraticiens sont déjà recensés dans
les dix régions du Sénégal autres que Dakar. Un recensement qui
se fait suivant les critères de la notoriété, de la sédentarité,
des résultats obtenus (c'est le taux de fréquentation qui est pris
en considération, ndlr), l'accessibilité (géographique et financière)
et la continuité du service. Des critères qui sont posés par l'Oms.
Aussi ce recensement doit-il conduire à l'élaboration d'un répertoire
des tradipraticiens.
Si le projet de loi sur la médecine traditionnelle venait à être
voté, un conseil national des tradipraticiens devrait être institué.
Ce serait en quelque sorte l'ordre des tradipraticiens. Ces derniers
devant être soumis à une demande d'agrément et d'installation. La
publicité tapageuse du genre qui se fait actuellement à travers
les médias sera réglementée. Peut-être que sonnera le glas des guérisseurs
en tout. Une autre gamme de sanctions est aussi envisagée pour tout
tradipraticien fautif dans l'exercice de son métier. Au demeurant,
l'idéal est de faire que le tradipraticien intègre l'équipe de santé.
Un concept même de références croisées est en vogue pour ce faire.
Mais, la médecine traditionnelle c'est encore la pharmacopée traditionnelle
et la phytothérapie. Toutes choses que le projet de loi sur la médecine
traditionnelle n'aurait ignoré et qu'elle rassemble sous le même
vocable. Cette Journée africaine de la médecine traditionnelle commandation
de l'Organisation mondiale de la santé (Oms), dont la 50e session
du Comité régional avait consacré cette date. D'autant que depuis
le sommet de Lusaka (Zambie) de juillet 2001, l'Union africaine
a déclaré 2001-2010 la décennie de la médecine traditionnelle.
Assane SAADA
Lire l'article original : http://www.walf.sn/actualites/suite.php?rub=1&id_art=4671
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