Le pays : Quel bilan peut-on faire de votre
séjour au CHR de Koudougou ?
Boukari Zongnaba : Je vous remercie
de m'avoir approché pour comprendre les difficultés que vit l'hôpital
et éventuellement ce que j'ai pu faire pendant les 22 mois de service
au CHR de Koudougou. Je peux dire que mon objectif n'est pas atteint
parce que j'avais engagé un certain nombre d'activités qui sont
actuellement en cours, palpables bien sûr, mais nous ne sommes pas
allés jusqu'au bout. Pour l'année 2003, nous avons pu réaliser notre
objectif à 80,90%. Des difficultés, nous en avons eues. Comme c'est
un service à caractère social, les difficultés ne manquent pas et
cela est tout à fait normal. Un service social, c'est toujours des
difficultés dans la mesure où on ne peut pas satisfaire tout le
monde avec le peu qu'on a comme ressources. Je pense donc que j'ai
fait ce que je pouvais faire pour l'intérêt de la population.
Le pays : Vous parlez d'objectifs. Est-ce qu'on
peut savoir quels objectifs vous vous êtes fixés en arrivant à Koudougou
?
Boukari Zongnaba : Quand je suis
venu, il fout reconnaître une chose, j'ai décelé certaines faiblesses
au niveau de l'hôpital. Premièrement, il y avait un manque de moyens
de production dans certains services. Des moyens de production qui
étaient essentiels. Au niveau du bloc opératoire vous avez les armoires
de climatisation en général qui étaient complément hors d'usage.
En opérant, il y a certains qui étaient obligés de s'essuyer avant
de continuer l'opération. Depuis l'ouverture, ces armoires n'ont
jamais été changées. Nous les avons remplacées. Au niveau de la
buanderie, il n'y avait plus, presque pas de machines à laver les
linges. Nous disposions seulement d'une machine à laver de 3 kilos
qui était chaque semaine en panne. Nous les avons remplacées, nous
avons mis deux de 10 kilos et deux de 5 kilos. Au niveau du laboratoire,
c'était notre grande faiblesse. On avait des appareils qui étaient
trop vétustes. Pour un certain nombre d'examens, les gens étaient
obligés d'aller vers le privé. Pour un CHR, ce n'est pas normal.
Actuellement, nous avons acquis du matériel de pointe. Ce sont ces
objectifs en matière de moyens de production qu'il fallait atteindre.
Le pays : Quelles sont les actions que vous
n'avez pas pu réaliser ?
Boukari Zongnaba : Le corps médical
a été beaucoup déprimé suite aux troubles. Il y a beaucoup de médecins
qui ne veulent plus venir servir à Koudougou. Néanmoins, en échangeant
avec les uns et les autres et avec l'appui du ministère de la Santé,
plus particulièrement le secrétaire général, j'ai pu obtenir un
chirurgien qui a pris service depuis janvier 2003. Nous sommes actuellement
en pourparlers avec un gynécologue qui servira à Koudougou à la
fin de sa formation. Je me suis dit que pour une structure de la
trempe du CHR de Koudougou il fallait quand même l'essentiel. Il
y a un médecin spécialiste en ophtalmo. L'hôpital aura donc en tout
trois médecins spécialistes. Mais c'est insuffisant. Il y a certains
domaines qui sont fermés parce qu'il n'y a pas de spécialistes.
Si on avait des spécialistes, le CHR pouvait désengorger Ouagadougou.
Mais c'est dommage que le personnel médical ne soit pas en quantité
suffisante. Mais ce n'est pas la faute du ministère. Pour le matériel,
on est toujours en train de renouveler certains équipements. Nous
avons des ambitions mais les moyens nous manquent.
Le pays : Quelles sont les principales difficultés
rencontrées durant votre mission ?
Boukari Zongnaba : Il y a eu d'abord
la mésentente entre le syndicat et l'administration. C'est une situation
qui a pris du temps. Il fallait échanger avec les uns et les autres
pour ramener tout le monde à la raison. J'ai toujours dit aux représentants
du personnel qu'il n'y a pas d'antagonisme entre l'administration
et le personnel. Chaque fois, nous avons échangé et nous sommes
arrivés à nous comprendre. Pour ramener la confiance des travailleurs,
il a fallu échanger constamment avec eux. Chaque fois que nous avons
une décision à prendre, nous les approchons pour recueillir leur
avis. Quand vous êtes un manager, vous ne pouvez pas vous asseoir
dans votre bureau pour prendre des décisions ; il faut essayer d'associer
tout le monde.
Le pays : Le CHR de Koudougou est-il pauvre
?
Boukari Zongnaba : Le CHR de Koudougou
n'est pas pauvre. Je crois que ce sont les troubles qui avaient
déstabilisé quelque peu le système. Les recettes étaient, à mon
arrivée, de 2 000 000 FCFA/ mois. Maintenant nous sommes à 6 000
000 FCFA. Avec l'entrée en vigueur des appareils du laboratoire
les recettes vont augmenter. Et on pourra les utiliser pour mener
d'autres actions. Le CHR n'est donc pas pauvre. C'est la mésentente
qui faisait qu'on n'arrivait même plus à cerner les secteurs qui
pouvaient nous produire des ressources. Actuellement, le calme est
revenu et les choses ont repris pour le bien de tous.
Le pays : Pourtant il semble qu'il manque de
tout et qu'il n'y a même pas de compresse pour les premiers soins.
Boukari Zongnaba : Quand on parle
de compresse pour les premiers soins je pense que c'est exagéré.
L'Etat nous donne des subventions pour les salaires. Si vous arrivez
à un moment donné qu'en menant certaines activités vous ne pouvez
pas couvrir les salaires, vous êtes obligés de freiner. Et quant
au niveau des services il y a une semaine de rupture d'alcool ou
d'autres choses on amplifie. Les gens ne savent pas qu'il n'y a
pas assez de ressources pour les salaires et les autres activités.
Il faut attendre que les subventions arrivent pour qu'on puisse
reprendre. Ce sont les petits trous que les gens amplifient en disant
qu'il manque de tout. Vous savez très bien que s'il manquait de
tout les syndicats allaient en parler.
Le pays : Il fut un moment où il a manqué des
poches de sang, ce qui a même créé des problèmes dans un service...
Boukari Zongnaba : Pour les poches
de sang, ça rejoint ce que je viens de dire. C'est lié à la subvention.
Dans le temps, le comité donnait des poches de sang aux services.
A un moment donné, cela s'est arrêté. Les CHR ont été amenés à supporter
cette charge. Mais ce n'est pas facile. Quelque chose qui n'était
pas prévu. Maintenant avec le comité national de lutte contre le
Sida, on a un petit soutien.
Le pays : Les subventions sont-elles les seules
ressources du CHR de Koudougou ?
Boukari Zongnaba : Non, il y a
les recettes propres générées par les activités de l'hôpital. Mais
les subventions de l'Etat sont au-dessus de tout. Parce qu'avec
les difficultés liées aux troubles, la fermeture de Faso Fani ...
la population n'a pas beaucoup de ressources pour subvenir à sa
santé.
Le pays : Quelle est la place des partenaires
tels la Chine et les amis de Dreux dans le fonctionnement du CHR
actuellement ?
Boukari Zongnaba : Il faut le dire
honnêtement, la Chine appuie considérablement le CHR de Koudougou.
C'est grâce à la subvention chinoise de 2002 que nous pouvons servir
en moyens de production qui manquaient. Avec Dreux, la subvention
est essentiellement utilisée pour les échanges.
Le pays : Vous avez des problèmes de gestion
à la porte d'entrée à telle enseigne qu'il y a des malades qui fuient
sans payer.
Boukari Zongnaba : Pour les évadés,
cela se passe partout. Certains patients, qui n'ont pas les moyens,
profitent de la pénombre et prennent la clé des champs. Nous avons
fait un communiqué pour sensibiliser la population afin qu'on ne
vienne pas déranger les malades et les soignants pendant les heures
de service. Nous avons aussi un projet pour organiser le parking
du personnel. Ceci pour tamiser les entrées.
Le pays : Un client s'est plaint de ce qu'un
de vos agents a tenté de détourner de l'argent destiné à des examens.
Ya-t-il la corruption dans vos services ?
Boukari Zongnaba : Vous savez,
la corruption est partout. C'est l'ampleur qu'il faut regretter.
A Koudougou, c'est un cas isolé que nous avons déploré tous. J'ai
appelé le chef de service de l'intéressé pour lui faire comprendre
que c'est une pratique qu'il faut bannir. Après cet incident, les
recettes ont changé au niveau de ces services.
Le pays : On constate que le CHR a quand même
des difficultés. Qu'est-ce que, selon vous, on peut faire pour que
cette structure marche ?
Boukari Zongnaba : Il faut d'abord
du personnel qualifié. C'est ce que nous sommes en train de faire.
Une bonne organisation au niveau des entrées. Améliorer le problème
du laboratoire.
Le pays : Vous quittez le CHR de Koudougou avec
un regret ?
Boukari Zongnaba : Avec un regret
bien sûr parce que je n'ai pas pu aller jusqu'au bout de ce que
je devrais faire. Mais je suis un élément de l'administration et
l'administration dispose de ses agents comme elle veut. Je profite
de votre journal pour dire merci aux responsables du ministère de
la Santé, aux autorités locales et à l'ensemble des travailleurs
du CHR qui m'ont beaucoup soutenu.
Propos recueillis par Paul HIRY NIKIEMA
Lire l'article original : http://www.lepays.bf/quotidiens/select.asp?Numero=3468
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