Samedi dernier, le chef de l'Etat a mis l'accent sur deux sujets
essentiels du secteur de la santé : l'hôpital Aristides Le Dantec,
une des premières référence du système de santé national et l'un
des plus grands et des plus anciens d'Afrique (il a été construit
en 1912), et sur la politique de prévention.
En révélant les statistiques journalières sur l'Hôpital Aristides
Le Dantec, une faiblesse de la subvention de l'Etat, la vétusté
de ses bâtiments, le caractère obsolète de ses équipements et les
angoisses de ses personnels sur son éventuelle délocalisation vers
la banlieue, le directeur de cette structure, M. Falilou Diop, aurait
dû, en réalité, aller au fond des choses et dire les véritables
problèmes qui y subsistent, depuis plusieurs décennies et jusqu'aujourd'hui,
de façon larvée.
Saisissant la balle au rebond, le président de la République n'a
pas manqué, en un quart de tour, de lui répondre en soulignant fortement
son ambition de moderniser le système hospitalier et de le rendre
accessible à toutes les couches de la population, à lui octroyer
un cadre adéquat, qui prend réellement en compte les réalités culturelles
et sociologiques africaines.
Cet hôpital est un "géant", voire un "ogre" budgétaire. Il y a
quelques mois, lors de la fête des retraités de cette structure,
le Pr. Awa Marie Coll Seck, le ministre de la Santé d'alors, avait
annoncé une rallonge budgétaire de 600 millions pour 2004. Parmi
les nombreux ministres de la Santé, personne n'a voulu traiter le
mal chronique de "Aristides Le Dantec" qui date, en réalité, de
longtemps, avec de sérieuses montées de fièvre cycliques. S'ils
ne l'ont pas tout simplement trouvé insoluble…
Il a fallu que le chef de l'Etat avance une délocalisation de cet
hôpital pour assister à une levée de bouclier. Cet hôpital, et c'est
son directeur qui l'a dit samedi, a une capacité de 750 lits, détient
24 cliniques où sont répartis 150 praticiens professeurs de haut
rang et 300 internes. Il reçoit chaque jour 8 à 10000 visiteurs
et accueille plus d'un millier de véhicules dans la même période,
de 6 heures du matin à 20 heures. C'est gigantesque.
En plus de tout cela, sa situation par rapport aux difficultés stressantes
de circulation dans la capitale et au fait que c'est un hôpital
qui accueille le plus de malades indigents en provenance de la lointaine
banlieue et de l'intérieur du pays, pour des soins spécialisés,
rend particulièrement difficile la réflexion dans la recherche de
solution. Il ne partage avec aucune structure hospitalière des spécialités
médicales et chirurgicales comme l'urologie, l'ORL, la cardiologie,
etc.
SERVICES PRIVÉS
Par ailleurs, cet hôpital a reçu, durant ces dernières années,
de nombreuses subventions ou appuis de l'extérieur, à travers la
coopération bilatérale ou multilatérale. Nombre de ces services
ont subi des rénovations et reçu des équipements. Les cliniques
chirurgicales ont bénéficié d'un appui de deux milliards de Fcfa
du Japon grâce à l'entregent d'un illustre professeur, M. Adrien
Diop, aujourd'hui à la retraite. D'autres praticiens en ont fait
de même pour "leurs" services. Le service d'ORL va, lui, bientôt
étrenner de nouveau locaux dans l'enceinte de l'Hôpital de Fann.
Cela a été un combat acharné de son patron, le Pr. El Hadj Malick
Diop. Les bâtiments qui l'abritent jusqu'aujourd'hui, à l'hôpital
Aristides Le Dantec, risquent de s'effondrer à tout moment sur les
malades et les personnels…
L'autre problème est que l'HALD traîne toujours des pieds pour aborder
la réforme hospitalière et élaborer un projet d'établissement avec
tout ce que cela comporte comme rigueur dans la gestion, le contrôle
financier, la planification des ressources humaines et surtout l'unicité
de caisse. Il y a quelques années, dans un document officiel, on
pouvait lire dans les rubriques recettes des différences abyssales
entre l'HALD et les structures comme HOGGY et Fann, géographiquement
mieux avantagés. Jusqu'au milieu des années 90, alors qu'il y avait
le comité de santé, sur les 24 services, seuls quatre d'entre eux
versaient leurs recettes…
On en était à près de 48 millions, alors que l'HOGGY dépassait le
milliard. Cela pouvait-il continuer ainsi ? Ce n'est qu'entre 1999
et 2000 qu'un agent comptable particulier (ACP) est arrivé sur place.
Les recettes ont bondi pour arriver à près de 700 millions Fcfa.
On peut aller plus loin si ce n'était pas les résistances qui subsistent
encore dans des services où, selon une source très bien informée,
prédominent les "activités privées"… Entreprise privée ou service
public? C'est cela la véritable question.
PROGRAMMES CLOISONNÉS ET STRATÉGIES INDIVIDUELLES
En disant que des problèmes graves existaient à l'HALD, le chef
de l'Etat a bien pris la mesure de la situation des dizaines de
milliers de malades, d'accompagnateurs, de visiteurs et d'étudiants
qui sont obligés de quitter les quartiers de la lointaine banlieue
et les régions de l'intérieur du pays, bravant la circulation dans
Dakar, les coûts du transport et la fatigue pour se soigner. C'est
sûrement sur toutes ces considérations nettes que le projet de l'hôpital
"Dalal Diam King Fahd Ben Abdel Aziz" sur le terrain de golf de
Guédiawaye a germé et s'élèvera au bénéfice des populations. Il
faut être réaliste devant ce diagnostic.
En ce qui concerne le registre de la prévention, le chef de l'Etat
a dit clairement son insatisfaction dans la concrétisation de sa
vision. Tout le monde l'avait suivi en direct à travers le petit
écran et les autres médiats, quand il déclinait oralement aux membres
du gouvernement ses "visions" politiques et leurs lettres de missions,
avec le Premier ministre Moustapha Niasse à ses côtés. Il avait
fortement mis l'accent sur la prévention de la maladie, la promotion
de la santé, l'IEC et les stratégies conduisant au changement de
comportement. Pendant les passages des ministres Abdou Fall et Awa
Marie Coll Seck, entre 2000 et 2003, beaucoup de choses ont été
faites sur le paludisme, première cause de mortalité et de morbidité
au Sénégal, la mortalité maternelle, la vaccination, la surveillance
épidémiologique, l'implication des communicateurs traditionnels
et des médiats, etc. Mais, ce qui manque encore, et qui a été attendu
pendant très longtemps dans ce ministère de la Santé, c'est bien
la mise en œuvre d'un plan national d'IEC, qui fédère de façon intégrée
dans des faisceaux de stratégies : les médiats (Télévision et radios
publiques, radios privées et communautaires, journaux quotidiens
et hebdomadaires, sites Internet, etc.), mais surtout les quatorze
programmes de santé et les projets, qui sont encore, et c'est préjudiciable
pour ce secteur, compartimentés. Chacun développe ses stratégies
et se contente, seulement, des temps forts annuels.
Au-delà de ces moments, il n'y avait plus rien.
Silence radio, jusqu'à l'année prochaine. Il se trouve aussi que
le Service national de l'éducation pour la santé, rabaissé à une
division, avait besoin véritablement d'un nouveau formatage, tant
sur le plan des ressources humaines et matérielles que sur le mixage
des stratégies adaptées aux réalités socioculturelles et sanitaires.
Idem pour le ministère de la Santé et de la Prévention, qui a vraiment
besoin d'un plan de communication dans les foulées du "futur" plan
national d'IEC.
FARA DIAW
Lire l'article original : http://www.lesoleil.sn/santeenv/article.CFM?articles__id=30768
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