L'Américain Bill Gates, le fondateur de Microsoft, n'a pas que
des machines à calculer dans la tête. Il a aussi un grand cœur.
Sa fondation vient de poser un acte majeur pour la lutte contre
le paludisme en Afrique, en octroyant 168 millions de dollars au
Mozambique. Le milliardaire américain, sans doute effaré par les
dégâts que continue de faire cette épidémie en Afrique, a mis la
main à la poche. Sa contribution touche à un aspect vital de la
santé en Afrique : la recherche.
Malgré le potentiel de ressources et d'hommes dont il dispose,
le continent noir demeure en effet à la traîne de la recherche médicale.
Si bien qu'il est toujours obligé de tendre la sébile aux pays riches,
pour récolter quelques médicaments ou sous devant assurer les soins
de ses malades. Et Dieu seul sait qu'ils sont innombrables, ces
Africains fragilisés par la maladie et qui attendent, faute de soins,
la mort avec fatalité.
Des expériences endogènes sont pourtant tentées ici et là sur le
continent. Simples individus ou instituts de recherche tentent de
sortir de leurs laboratoires les produits qui soulageront enfin
le continent et rompront sa dépendance vis-à-vis de l'extérieur.
Mais la moisson demeure encore maigre. Très peu encouragés par les
pouvoirs publics, les pionniers de la recherche médicale finissent
par sombrer dans le découragement, à force d'attendre d'hypothétiques
subventions. Et quand des résultats probants sont atteints, ils
dorment dans les laboratoires parce qu'aucune politique de vulgarisation
n'existe.
Mais ce qui paralyse encore plus la recherche, inhibe la volonté
des professionnels de la santé et retarde l'implantation des médicaments
locaux, c'est le mythe du médicament occidental entretenu par les
dirigeants africains. Toujours les premiers à courir se soigner
en Europe ou aux Etats-Unis, ils ont laissé à leur peuple une structure
hospitalière au rabais. Il n'existe pas de ce fait une promotion
de la recherche nationale. Ceux qui osent inventer une médecine
alternative qui fasse appel aux essences locales sont regardés avec
dédain, voire combattus.
Une transformation des mentalités s'impose donc. Car il ne faut
pas imputer la situation actuelle au seul égoïsme des pays riches.
Un effort interne doit être fait pour qu'enfin les Africains soient
capables de s'assumer sur le plan médical. Les mécènes du type Bill
Gates ne courent pas les rues. La générosité des pays développés
est aussi très mesurée. La première puissance du monde, les Etats-Unis,
a consacré au cours des cinq prochaines années, 15 milliards de
dollars à la lutte contre le Sida et les maladies infectieuses à
l'étranger. Une action que le président Bush a fièrement qualifiée
"d'un des plus importants projets de santé publique de l'histoire".
Venant de la part d'un pays plus attaché aux affaires qu'au philanthropisme,
cette action est certainement appréciable. Il ne faut cependant
pas se voiler la face.
Les pays développés ont d'autres priorités, où ils engloutissent
des sommes nettement plus colossales. La lutte contre le terrorisme,
les dépenses militaires, la conquête de l'espace, etc., font dépenser
aux Américains, surtout, de mirobolantes sommes. La part destinée
à aider l'Afrique n'est que la portion congrue. Même les 168 millions
de Bill Gates qu'il faut saluer hautement pour la valeur du symbole,
paraissent insignifiants comparativement à l'ensemble de sa fortune
estimée à 46 milliards de dollars US.
Tous les jours, le monde développé se montre peu enclin à tendre
une main franche à l'Afrique. Que ce soit le refus des firmes pharmaceutiques
d'autoriser la fabrication de médicaments génériques contre le Sida,
le peu d'intérêt porté à la lutte contre le paludisme et d'autres
maladies tropicales ou les subventions aux agriculteurs, le champ
des actions qui retardent le progrès de l'Afrique est vaste. Voilà
pourquoi il serait illusoire, sinon suicidaire, d'attendre béatement
que la délivrance vienne d'ailleurs. La récente décision du Burkina
d'importer des antirétroviraux génériques du Brésil, participe sans
doute de cette prise de conscience qu'il faut braver certains interdits
dressés par l'Europe. D'autres combats qui demandent autant de hardiesse
restent à gagner. Mais encore faut-il que l'Afrique apprenne à les
mener en rangs serrés, comme ce fut le cas lors de la dernière conférence
de l'OMC.
Même s'ils ne sont pas arrivés à faire fléchir les pays riches,
les pays du Sud ont tout de même fait la preuve qu'ils ne sont plus
prêts à se laisser brimer. La santé pour tous, ce slogan maintes
fois ajourné, deviendra une réalité si seulement l'Afrique conjugue
ses efforts sur les plans international et continental, pour briser
les chaînes qui entravent son développement.
"Le Pays"
Lire l'article original : http://www.lepays.bf/quotidiens/dialogue.asp?Numero=3522
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