La santé aurait-elle un genre?
On est tenté de le croire quand on relève les différences
entre hommes et femmes dans ce domaine. Statut social inférieur,
alimentation carencée, approvisionnement en eau potable insuffisant
sont autant de facteurs qui interviennent directement et avant tout sur
la santé des femmes et de leurs enfants.
C'est le risque lié à la grossesse et à l'accouchement
qui reste le plus crucial pour les femmes de l'an 2000. Cinq ans après
la conférence de Pékin, les chiffres sont encore obstinément
en hausse. La mortalité maternelle atteint aujourd'hui le sinistre
record de 600 000 décès annuels dont la presque totalité
(99%) a lieu dans les pays en développement. Au moins une femme
meurt chaque minute des suites d'une grossesse. Ces mêmes complications
entraînent la naissance de trois millions d'enfants mort-nés
et le décès de trois autres millions de bébés
au cours de leur première semaine de vie. Ces disparitions représentent
les deux tiers du nombre total de décès d'enfants de moins
de 5 ans dans les pays en développement. D'autre part, ces 600
000 femmes laissent derrière elles au moins un million d'orphelins.
Comme si ce n'était pas assez, rapporte l'Unicef, ainsi privés
des soins maternels indispensables, les orphelins voient leur risque de
mourir dans les deux ans multiplié de 3 à 10 fois.
Au moins une femme meurt chaque minute
Il ne faut cependant pas croire que seules les femmes des pays pauvres
sont frappées même si elles le sont au-delà de tout
ce qui est tolérable. On compte en moyenne dans le monde 430 décès
maternels pour 100 000 naissances vivantes; 480 dans les pays en développement
contre 27 dans les pays développés. Selon l'Unicef, des
recherches récentes font penser qu'aux Etats-Unis comme dans d'autres
pays industrialisés, les décès maternels ne sont
pas tous déclarés. En fait les chiffres réels pourraient
se situer aux alentours du double de ceux officiellement annoncés
(10 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes). Mais
les statistiques ne parviennent pas à donner une idée de
la disparité des situations.
L'appartenance ethnique et l'âge sont deux caractéristiques
qui déterminent le risque de décès maternel consécutif
à une grossesse. Les femmes noires américaines sont ainsi
près de quatre fois plus exposées à ce risque que
les femmes blanches et deux fois plus que les femmes hispaniques. Le risque
augmente aussi avec l'âge dans tous les groupes ethniques mais encore
plus chez les femmes noires. Lorsque celles-ci dépassent les 40
ans, elles ont six fois plus de risques que les femmes blanches de mourir
des suites d'une grossesse.
A peine un peu plus de la moitié des femmes des pays en développement
accouchent avec l'assistance d'une personne qualifiée, sage-femme
ou médecin. Seulement 63% des Africaines auront eu une consultation
au cours de leur grossesse et moins de 30 % auront accès à
un agent de santé compétent pour donner les soins à
leur nouveau-né. Cette solitude des femmes forcées de se
débrouiller comme elles peuvent, explique en grande partie les
conséquences tragiques du moindre problème sur leur santé
et sur celle de leurs enfants. Pourtant, améliorer la prise en
charge de la grossesse, de l'accouchement et de la contraception nécessiterait
seulement une somme allant de 1 à 3 dollars par année et
par personne. Peu d'investissements sont aussi rentables pour une communauté
que celui-là.
Les mutilations sexuelles féminines sont encore largement pratiquées
surtout en Afrique. Selon l'Oms, 130 millions de fillettes et de femmes
ont subi ces mutilations dans le monde et chaque année deux millions
d'autres y sont exposées. Les séquelles de ces pratiques
sur la santé des femmes sont souvent dramatiques. Pratiquées
le plus souvent sans anesthésie et en dehors de toute asepsie par
des matrones traditionnelles, les excisions entraînent souvent hémorragies
et/ou infections pouvant causer la mort. Sans parler de conséquences
néfastes évidentes sur l'épanouissement sexuel de
ces femmes.
Le Sida frappe d'abord les femmes
Aujourd'hui quatrième cause de décès dans le monde
mais première en Afrique, le Sida frappe d'abord, et plus que tout
autre, les femmes et les jeunes filles du continent. Selon le représentant
de l'OMS pour l'Afrique, la moitié des femmes enceintes du continent
seraient atteintes par le virus risquant ainsi de le transmettre à
leur bébé à naître. Parmi les enfants contaminés
par le virus du Sida dans le monde, 90% sont africains et une très
large majorité sont des petites filles. Cette proportion de 4 filles
pour 1 garçon peut atteindre, dans certains pays, 30 filles pour
1 garçon: ces très jeunes filles étant souvent contaminées
par des hommes plus âgés qui croient ainsi, faussement, se
guérir de la maladie. Cette situation, déplorait récemment
Peter Piot le directeur d'Onusida, est bien le reflet d'une société
où les hommes peuvent s'approprier n'importe quelle jeune femme,
surtout si celle-ci se trouve dans une situation précaire. On est
ici au cur du problème, le statut d'êtres inférieurs
dont les femmes ont du mal à sortir accentue leur vulnérabilité
face à la maladie.
Lire l'article original : http://www.geocities.com/lematinonline/articlee.htm
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