Le
paludisme tue. Les médicaments pour le combattre peuvent
eux aussi s'avérer mortels. C'est le profond dilemme qui
a marqué le point de presse prononcé la semaine dernière
à la Faculté de médecine de l'Université
de Cocody par le Pr Henri Dié-Kacou, pharmacologue, membre
du groupe de réflexion du centre de recherches et d'études
médico-sociales Aventis. Des accidents, dit-il, sont en effet
liés aux antipaludiques. Ils peuvent être sanguins,
se traduisant par la destruction des globules rouges ou des globules
blancs avec pour conséquences une anémie ou une fièvre
bilieuse hémoglobinurique. Ils peuvent aussi affecter le
foie ou, plus grave encore, conduire à une insuffisance rénale.
La
fièvre bilieuse hémoglobinurique, souligne le Pr Dié-Kacou,
est l'effet indésirable le plus grave souvent rencontré
au plan hématologique. Elle survient, dit-il, chez des patients
vivant ou ayant vécu en zone d'endémie palustre, quatre
à six heures après absorption de certains antipaludéens.
" Le début est brutal. Il se manifeste par un frisson
intense, un coup de barre lombaire, suivi d'une ascension thermique
à 40° c et plus. Une deuxième phase apparaît
24 à 48 heures plus tard, marquée par une anurie aiguë.
A côté de ce tableau typique, il existe une forme fulgurante
où l'installation est brutale avec choc, coma, et anurie
complète d'emblée.
Ces accidents, indique le Pr Dié-Kacou, sont favorisés
par deux facteurs principalement : les problèmes liés
à l'association des médicaments et l'utilisation correcte
des antipaludiques. Si dans le premier cas, la responsabilité
du malade est principalement engagée, dans le second, celle
du praticien aussi est engagée. " La prescription est
un art ", souligne à cet égard le Pr Dié-Kacou
recommande alors de faire des " prescriptions rationnelles
". En termes plus simples, cela veut dire " prescrire
un médicament sûr, à coût raisonnable,
qui ne porte pas trop de risques "
Aucun
antipaludique, insiste-t-il, n'est, en effet exempt de danger. A
la complexité de la tâche des praticiens s'ajoute une
chimio-résistance de plus en plus avérée du
plasmodium alors que l'éventail de choix des médicaments
contre le paludisme est très réduit et que, fait-il
constater, " nous ne sommes pas à l'aube d'une grande
révolution en la matière ". Tant qu'à
faire, suggère-t-il alors à l'attention des praticiens
et des fondés à la sensibilisation des populations,
il faut se conformer aux recommandations du Programme national de
lutte contre le paludisme. Dans les pays africains où la
médecine traditionnelle précède, accompagne
ou suit les traitements modernes, cela implique une correction des
habitudes au niveau des populations et chez les praticiens, une
remise à niveau. " Nous avons constaté, confesse
le Prof Dié-Kacou, que ces recommandations ne sont pas bien
suivies par les spécialistes pour beaucoup de raisons, dont
le besoin du malade de faire disparaître le plus rapidement
possible l'inconfort lié à sa maladie. Le médecin
se fait inconsciemment son complice alors pour agir sur les symptômes
de la maladie et non sur la maladie elle-même et cela aussi
entraîne le problème de chimio-résistance ".
Le
paludisme est l'une des plus importantes infections protozoaires
chez l'Homme. Un fort pourcentage de la population en est touché.
Un million d'enfants au moins en meurent chaque année et
ses conséquences sur le plan social et économique
sont importantes. L'objectif général du Programme
national de lutte est de réduire de 20% au moins, d'ici à
2005, la morbidité et la mortalité imputables à
cette endémie.
Elvis
KODJO
Lire l'article original : http://www.fratmat.co.ci/story.asp?ID=14295
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