Dans
l'arrière-cour d'un bar de Diamniadio, nous avons assisté,
l'autre samedi, à une séance de sensibilisation des prostituées
sur les infections sexuellement transmissibles et le VIH/SIDA. Le port
du préservatif entre petit à petit dans les mœurs.
Les clients qui refusent d'en faire usage sont désormais montrés
du doigt. Le patron de l'hôtel n'hésite pas souvent à
envoyer un gros bras retirer sans ménagement un client récalcitrant
des entrecuisses d'une prostituée. Choses vues et entendues à
Diamniadio.
Un samedi après-midi ordinaire. Nous sommes à Diamniadio,
une bourgade en pleine expansion située à une quarantaine
de kilomètres à l'Est de Dakar. C'est là que les
deux principales routes nationales se rejoignent pour n'en former qu'une
par laquelle hommes, véhicules et marchandises rallient l'agglomération
dakaroise. Les routiers y font halte. Gargotes, bars, restaurants, hôtels
et maisons closes offrent aux routiers et à tant d'autres hommes
et femmes les plaisirs de la table et de la chair. En certains endroits,
la bière et le vin coulent à flot. Des prostituées
de tous âges et de toutes nationalités y officient. Beaucoup
d'entre elles sont des professionnelles et disposent d'un carnet sanitaire.
Dans l'arrière-cour d'un bar de Diamniadio, nous avons assisté,
l'autre samedi, à une séance de sensibilisation des prostituées
sur les infections sexuellement transmissibles et le VIH/SIDA. Notre guide
était un jeune rufisquois, Abdoulaye Thiombane. Il dirige l'association
des jeunes pour la promotion sociale (AJPS). Créée en 1997
à Rufisque, cette association intervient dans le domaine de la
santé. Elle s'intéresse à la situation des jeunes
vulnérables, au genre et VIH. Avec l'appui du Fonds des Nations
Unies pour la femme (UNIFEM), l'AJPS est, à Diamniadio, en campagne
pour la promotion du préservatif féminin. RANGEES DE PERLES
SUR LES REINS
L'ambiance est torride. Neuf batteurs de tam-tams s'en donnent à
cœur joie au grand bonheur des femmes. Derrière la table des
invités d'honneur, des hommes n'en finissent pas de lever le coude.
Un client passablement éméché élève
la voix. Une des organisatrices lui demande de baisser la voix. Il proteste
en avalant une gorgée de mauvais vin rouge à sa santé.
Quelques banderoles sont accrochées aux murs. Les messages sont
clairs : "la sexualité du couple, une responsabilité
mutuelle", "IST/SIDA : même combat". Un vendeur de
tissu ambulant, bonnet sur la tête, caftan élimé,
fend la foule et disparaît par une porte dérobée.
Neuf jeunes danseuses d'une troupe folklorique, rangées de perles
sur les reins, nombrils et jambes en l'air ou croupes en bataille, suggèrent
ce que tous et toutes cherchent dans le secret des alcôves. L'assistance
glousse, approuve bruyamment. Une gérante de maison close, la voix
enrouée, demande sa part du stock de préservatifs mis à
la disposition des professionnels du sexe de la localité.
Un sketch suit. Une prostituée et son client discutent. Le second
propose quinze fois le prix de la passe pour faire l'amour sans utiliser
de préservatif. La première refuse. Il insiste. Elle persiste
dans son refus. Le client finit par accepter. Le SIDA ne passera pas.
La foule applaudit.
Un nain s'installe au milieu de la scène, un préservatif
féminin à la main. Il en explique l'utilisation sous le
regard attentif de Mme Aminata Touré, chargée de programme
"Droits humains, genre et VIH/SIDA" au Bureau régional
de l'UNIFEM, à Dakar. S'adressant quelques minutes après
à l'assistance, Mme Touré annonce que son organisation va
faire de ce lieu "un site expérimental pour la promotion du
préservatif féminin". Un stock sera mis à la
disposition de celles qu'elle appelle les professionnelles du sexe. Sa
présence à Diamniadio est la preuve, dit-elle, que l'UNIFEM
répond à l'appel de toutes les femmes. L'organisation onusienne
sera toujours à leurs côtés si toutefois celles-ci
acceptent sa collaboration. Le préservatif féminin, ajoute
Mme Touré, protège la femme contre les IST et le VIH/SIDA.
Derrière, les adeptes de Bacchus discutent ferme, toujours derrière
un verre de vin ou de bière.
Des clients inconscients indexés
Abdoulaye Thiombane, président de l'AJPS, prend la parole. Il remercie
la police, la gendarmerie, le district de santé et l'UNIFEM qui
ont accepté d'être associés à cette session
de sensibilisation des professionnelles du sexe. Ses derniers mots sont
adressés aux "professionnelles du sexe" dont il a salué
la mobilisation.
Thiombane nous met en relation avec deux dames qui sont des relais de
l'AJPS dans leur milieu. M. W et A. F sont des professionnelles, fichées
par les services de santé de l'Etat. Adeptes du préservatif,
elles n'en déplorent pas moins le manque de suivi de toutes ces
réunions et autres séminaires auxquels elles ont pris part
depuis cinq ans. Leur rêve "est de s'en sortir" avec l'appui
des ONG qui "n'en finissent pas de les solliciter".
M. W et A.F attendent impatiemment l'arrivée du préservatif
féminin pour renforcer leur protection. "Nous l'utiliserons
avec nos clients et nos petits amis", précisent-elles dans
un rire, car elles ne savent ce que ces derniers "font dès
qu'on leur tourne le dos". Nos deux interlocutrices dénoncent
ensuite, avec la dernière énergie, l'irresponsabilité
des hommes, mariés et célibataires, qui refusent le port
du préservatif. Dans le bar-restaurant-hôtel où elles
officient avec des dizaines d'autres filles, le port du préservatif
entre petit à petit dans les mœurs. L'AJPS est de ces nombreuses
organisations qui rendent le condom disponible et l'information sur les
IST/VIH/SIDA accessible.
Les clients qui refusent d'en faire usage sont désormais montrés
du doigt. Le patron de l'hôtel n'hésite pas souvent, confient-elles,
à envoyer un gros bras retirer sans ménagement un client
récalcitrant des jambes de sa cliente.
Ailleurs, dans la même localité, dans des maisons closes,
les choses ne se passeraient pas toujours de la même manière.
Les rapports sexuels non protégés y seraient presque encore
la règle, selon certaines sources. "Il y a encore beaucoup
du travail à faire", soupire Thiombane qui assiste à
l'entretien qui se déroule à deux pas de la route nationale.
Les phares des véhicules percent la nuit noire. En face, dans l'arrière-cour
du bar, la fête continue.
Lire l'article original : http://fr.allafrica.com/stories/200211040531.html
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