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Ensemble contre le sida : petits soins, grande différence - sidwaya - Burkina Faso - 14/11/2002

" Si un autre test de dépistage du VIH/SIDA est organisé dans mon village, je serai la première sur la liste ". Delphine Nana, 19 ans, a été dépistée négative lors de son premier test le 5 juin 2002 à Tanghin-Dassouri (10 km au Sud de Ouagadougou).

Par son courage et son esprit d'initiative, Delphine est devenue une figure emblématique de la lutte contre les IST/VIH/SIDA à Tanghin-Dassouri. Paire éducatrice, elle sensibilise ses camarades sur les méthodes de prévention du Sida. Dans ce combat, Delphine sait qu'elle n'a pas le choix. " Si demain la maladie se propage dans ce village, nous, pairs éducateurs, en serions les premiers responsables ", lance-t-elle, défiante.

Comme Delphine, 157 autres jeunes ont été formés par l'Association laafi la viim (ALAVI - la santé c'est la vie en langue mooré) pour contrer la propagation de la pandémie à Ouagadougou et dans cinq départements (Gourcy, Léna, Saaba, Sourgou, Tanghin-Dassouri). " Dans le cas présent, les pairs éducateurs sont des jeunes dont l'âge est compris entre 10 et 25 ans pris dans un groupe-cible pour livrer des messages de développement à leurs camarades de la même tranche d'âge ", explique Claudine Wébamba, vice-présidente de ALAVI. Dans le cadre de ce programme, ils sont deux -un garçon et une fille- par localité.
" Parce qu'ils sont très vulnérables, les jeunes et les femmes sont les deux groupes-cibles de notre association", indique Seydou Kaboré, secrétaire exécutif de ALAVI dont la création remonte au 7 juillet 1995 à Bobo-Dioulasso.

Débuté en fin 2001, ce programme concerne 79 villages et vise à favoriser une prise de conscience chez les jeunes et adolescents dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre les IST/VIH/SIDA. L'accent est mis sur les avantages du dépistage précoce, anonyme et volontaire.
" Nous insistons également sur la nécessité d'une prise en charge adéquate des orphelins du Sida, des PVVIH et sur l'intérêt que ces derniers ont à adopter un comportement à moindre risque, " souligne Seydou Kaboré. " Cela leur évite d'infecter les autres et de se surinfecter ."

Les activités, qui ont touché plus de dix mille jeunes, ont bénéficié de l'appui financier du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) pour un montant de huit millions de FCFA ; le volet technique ayant été assuré par le Conseil national de lutte contre le SIDA et les IST (CNLS-IST) et le ministère de la Santé.
Grâce à une aide de six millions de FCFA du Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF), le programme s'est attaché les services de la troupe du célèbre comédien M'ba Boanga du sit-com " Vis-à-vis ". Cette troupe a donné six représentations publiques sous forme de théâtre forum sur le Sida. Ce financement a aussi permis de réaliser des jeux concours radiophoniques par la Radio rurale, afin d'inciter les villageois à mieux s'informer sur la pandémie. Les lauréats gagnent un poste radio et des condoms.
Un changement de comportement perceptible
Plus de 70% des infections à VIH qui se produisent dans le monde sont dues aux rapports hétérosexuels. Si en Afrique, les femmes sont particulièrement exposées aux risques d'infections à VIH, c'est parce qu'elles ne sont pas maîtresses de leur corps. Et c'est à ce niveau que le travail de proximité des organisations à base communautaire est on ne peut plus déterminant ; tant et si bien que de nos jours le langage des jeunes filles tranche d'avec celui de leurs aînées.
Salamata Kaboré (18 ans) du village de Lougsi (15 km de Ouagadougou), est formelle. " J'irai faire le test du VIH/SIDA. Mais si mon petit ami refuse de faire le sien, on se quitte".

Ainsi que le fait remarquer Seydou Kaboré, au-delà d'un certain âge, il est difficile de faire quelqu'un. A contrario, les jeunes, lorsqu'ils sont convaincus, adoptent facilement des comportements à moindre risque. En cela , ils sont un rempart contre la propagation du virus. "
Du fait de la sensibilisation, plusieurs jeunes de Tanghin-Dassouri ont déclaré porter maintenant la capote lors des rapports sexuels alors qu'au lancement de la campagne, ils ne savaient pas l'utiliser. Le programme a aussi permis à cent jeunes de Tanghin-Dassouri de connaître leur statut sérologique.
Le taux de séroprévalence du VIH/SIDA au Burkina oscille entre 7 et 10% selon les sources. Si l'on en croit l'OMS (Organisation mondiale de la santé), le pays compterait 800 000 séropositifs environ et 200 000 orphelins du Sida.

Aux petits soins des malades

Depuis 1998, ALAVI dispose d'un centre opérationnel pour les tests de dépistage, la prise en charge thérapeutique et psychosociale des PVVIH et leurs familles. Entre janvier et mars courant, 26 personnes (sur un total de 86) y ont été dépistées positives dont 16 de sexe féminin et 10 de sexe masculin. Avec un personnel léger, le centre assure la prise en charge de près de 600 personnes. L'exemple de cette jeune femme est éloquent. Ayant mal accepté sa séropositivité, elle s'est repliée sur elle-même… Lorsqu'elle renoua avec l 'association, sa santé s'est beaucoup dégradée.
Mais soutenue par le personnel et le groupe de parole, elle a rapidement récupéré un bon nombre de CD4 (défenses de l'organisme). Aussi n'a-t-elle plus été mise sous anti-rétroviraux (ARV), chose que ses parents s'apprêtaient à faire. Aujourd'hui, la jeune femme a repris ses activités, et aborde la vie avec un peu plus d'optimisme.
" Le traitement à base d'ARV n'est pas systématique ", prévient Jean-Louis Ouédraogo, un des deux médecins du centre. " C'est lorsque le nombre de CD4 descend en dessous de 350 par ml de sang qu'il faut l'envisager. Les ARV, non seulement ils sont lourds pour l'organisme, mais en plus, ils coûtent cher. "
En dépit d'une baisse significative de leurs prix, peu nombreux sont les malades burkinabè en mesure de débourser mensuellement 82 000 FCFA pour une thérapie à base de Combivir et Stocrin.

Pour le moment, quelques membres actifs de l'association obtiennent gratuitement les médicaments. ALAVI fait partie des associations qui plaident en faveur d'une réduction plus drastique des prix de ces ARV. Mais en réalité, leur gratuité permettrait de sauver plus d'un ; car quoi qu'on dise, ces produits permettent aux malades de vivre et d'espérer.
" Je viens de voir un malade qui a commencé son traitement avec des CD4 à 7, lance Jean-Louis Ouédraogo. L'examen de ce matin en révèle 228. Je suis vraiment content. Mais il faut dire qu'il peut s'acheter les médicaments. Si la plupart des malades ne s'en sortent pas, c'est parce qu'ils n'ont pas les moyens nécessaires pour le traitement. "
Lever l'hypothèque sur le développement

Dans ce pays où la pauvreté touche près de la moitié de la population, le SIDA est devenu un problème de développement par les ravages qu'il fait au sein des forces vives. En raison de son caractère universel, il doit être combattu à tous les échelons et chacun doit s'engager et jouer son rôle. Ainsi, qui mieux que les associations est en mesure de lutter efficacement contre les maux connexes que sont la stigmatisation et la discrimination des PVVIH ?
" Un jour, une femme a effectué son dépistage chez nous, raconte Seydou Kaboré. Comme il s'est avéré qu'elle est positive, elle a convaincu son mari de faire le test, qui s'est révélé négatif. Le centre les a bien conseillés et, chose plutôt rare, le mari a décidé de ne pas la répudier, mais au contraire de la soutenir ".

La croisade contre l'épidémie sera rude et semée d'embûches ; cependant les quelques avancées notables au plan comportemental permettent d'espérer. Aussi faut-il convenir avec Kofi Annan, le secrétaire général de l'ONU, qu'" en fin de compte, c'est au niveau des communautés locales (et nulle part ailleurs) que ce combat sera livré et gagné".

Abdoulaye GANDEMA
Lire l'article original : http://www.sidwaya.bf/sitesidwaya/sidawaya_quotidiens/sid2002_11_14/sidwaya.htm

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