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Maladies mentales : Un fou peut en cacher un autre - sidwaya - Burkina Faso - 29/11/2002

Ils errent à longueur de journée à travers les rues des grandes agglomérations. Les habits en lambeaux, les cheveux crasseux, les malades mentaux chroniques qualifiés à tort ou à raison de fous font l'objet de méfiance et rejet. Et pourtant, ils ne sont que la face visible des malades mentaux. "Lorsque j'apparais, chacun prend la tangente, je ne sais pas pourquoi ? Ils disent que je suis fou". Les propos de ce malade traduisent les préjugés que de nombreux Burkinabè ont des malades mentaux communément appelés "fous". Du moins ceux qui ont perdu le nord.
Et pourtant, ils sont aussi nombreux les malades mentaux. Près de 400 millions dans le monde selon l'OMS.

Pour le Dr Jean-Gabriel Ouango, psychiatre et secrétaire général du ministère de la Santé, "le fou est une personne qui a un comportement autre que celui admis et qui dit des choses insensées.
Le terme fou est souvent péjoratif". Pour les spécialistes de la santé mentale, un fou est une personne qui est véritablement atteinte d'un problème de désinsertion grave. Il n'est pas juste de parler de folie quand il s'agit de personnes fragiles (épileptiques, femmes enceintes) qui ont exprimé une souffrance par le délire, ou l'agitation.

Les hôpitaux burkinabè qui ont les compétences et la capacité de prendre en charge des maladies mentales ne reçoivent, en fait, que les malades chroniques.
"La santé mentale est un domaine où il y a une souffrance psychologique. Cette souffrance se réfère à l'organisation sociale, aux croyances et aux coutumes. Les interprétations de ces maladies font que l'on soigne le malade, la maladie en fonction de la réponse que l'on donne à son affection.
Le malade est traité au sein de sa communauté par la médecine traditionnelle. Lorsqu'il y a échec, il est conduit vers les hôpitaux", explique le Dr Ouango.

A la psychiatrie de l'Hôpital national Yalgado Ouédraogo (HNYO), le chef de service,le Pr Arouna Ouédraogo, explique que les patients y arrivent selon trois cas de figure".
"Les malades viennent d'eux-mêmes parce qu'ils en sentent le besoin, ils sont amenés par la famille et dans un contexte d'urgence par les forces de sécurité quand il y a trouble de l'ordre public...".
"L'Hôpital reçoit en moyenne 60 à 100 malades par semaine. La clientèle est composée d'adultes jeunes de 25 à 35 ans".

Au nombre des maladies mentales recensées dans les hôpitaux, les cas de bouffée délirante aiguë sont les plus nombreux.
Une maladie d'apparition brutale qui peut se déclencher chez l'individu face à un problème important. Il y a également la dépression qui se manifeste lorsqu'on est triste ou malheureux. Elle se caractérise par l'absence d'intérêt ou parfois le désir de mourir. La schyzophémie est la plus longue des maladies chroniques ; et la plus grave. "Ceux qui en souffrent, soutient Dr Ouango, sont coupés de la société... ils ont des difficultés relationnelles avec leur entourage et leur environnement. Beaucoup de ces malades se promènent nus, au soleil... ils n'ont conscience de rien ; nombreux sont perdus et errent dans la nature".

La majorité des malades mentaux ignorent leur état. Ceux que le Dr Ouango appelle le grand groupe de troubles névrotiques. Les jeunes en sont les principales victimes.
Les raisons se trouvent dans les difficultés relationnelles avec leurs parents. "L'enfant peut reprocher à ses parents de n'être pas à la hauteur de ses attentes. Cela laisse transparaître des fractures dans le processus normal. Entre le désir et la réalité apparaît un trou dans lequel se développe la maladie mentale". La classification des maladies mentales répond à des aspects de comportements et de pensée.

On peut guérir de ces maladies

"On peut bien guérir des maladies mentales. "Un patient qui fait une bouffée délirante aiguë dans 80% des cas guérit complètement, dans 10%, il y a quelques fois rechute et dans les 10% autres, il y a une évolution vers la chronicité : schyzophdénie, paranoïa, spycho-maniaco-déprimante.
Les causes de certains comportements violents diagnostiqués et traitées disparaissent. A titre d'exemple, on peut citer la tumeur cérébrale. L'aide de la communauté est un autre facteur de guérison totale. Or, dans la perception générale, le malade mental reste un fou dont on se méfie. Il importe d'intégrer la personne victime dans son identité sociale, que les employeurs ne considèrent pas la personne qui a une défaillance comme définitivement perdue", estime le Dr Ouango.

Au Burkina, le programme national de santé mentale a été réactualisé pour intégrer la prise en charge au traitement. La formation des agents de santé a été développée, les infrastructures ont été multipliées et des médicaments efficaces pour le traitement sont disponibles. Plus de cabanons où les malades seraient enfermés : "Nous avons pu depuis une vingtaine d'années résoudre progressivement ce problème.
Les services de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso ont été réhabilités. Les malades y sont traités par des psychiatres, des psychologues, des travailleurs sociaux.
Nous avons formé des attachés de santé et infirmiers spécialistes qui travaillent dans les provinces", explique le Dr Ouango.

Le Pr Arouna Ouédraogo décrit la prise en charge des patients à l'hôpital Yalgado. Il y a d'abord une démarche diagnostique pour comprendre le phénomène. Plusieurs types de traitements sont ensuite mis en œuvre . D'abord par des médicaments avec des substances disponibles, ensuite par une démarche verbale et par un troisième volet qui est la réinsertion sociale et professionnelle.
Avec la recrudescence des maladies mentales, des individus ou même des associations religieuses en ont fait un "fond de commerce". Des "thérapeutes" sans aucune connaissance en la matière abusent des malades mentaux."Nous avons fait une enquête qui révèle que certains malades sont traités comme des animaux.
On les attache au soleil, à l'air libre et souvent au milieu de leur excrémas", révèle le Pr Ouédraogo. Cependant, reconnaît le Dr Ouango dans certains groupes de prière, les malades mentaux y trouvent leur compte. "L'intérêt de sa communauté pour le malade l'aide et le réconforte".On ne saurait jeter le discrédit sur des personnes de bonne volonté.

Un danger public ?

A des degrés divers, les malades mentaux constituent un danger public pour la quiétude de la société. Les citadins sont l'objet de plusieurs agressions physiques et de destruction de biens. Les forces de l'ordre sollicitées en pareille circonstance ne peuvent que maîtriser le malade violent et le conduire à l'Hôpital. Après les soins d'urgence, le malade reprend le chemin de la rue, faute d'accompagnant. Et pourtant, il est reconnu que les malades pris en charge sont ouverts aux traitements.
Face à l'errance des malades chroniques, les pouvoirs publics interpellés ne peuvent tout faire. Les spécialistes en santé mentale regroupés en association promettent de changer les choses. Le projet ambitieux qu'ils ont mijoté promet de créer un centre d'accueil où les malades mentaux pourraient se ressourcer ( se laver, se reposer, se restaurer).
L'objectif visé étant une réinsertion sociale de cette catégorie de marginalisés qui ont tout perdu et qui ont besoin des autres pour retrouver leur personnalité. Marceline ILBOUDO
Lire l'article original :
http://www.sidwaya.bf/sitesidwaya/sidawaya_quotidiens/sid2002_11_29/societe_1.htm

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