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Villages à faible couverture vaccinale : Révolution silencieuse contre les tabous et préjugés - Le soleil - Sénégal - 23/11/2002

Existe-t-il encore, au Sénégal, une zone où les délires de paludisme sont assimilés à des transes provoquées par des mangeurs d'âmes ?
Existe-t-il encore un bled où la vaccination est tournée en dérision et considérée comme une dose stérilisante pour les femmes et les enfants ?
Existe-il une localité où les femmes font le guet, en vain, pour se faire vacciner ?
Existe-il un village où elles portent une grossesse sans se faire consulter, ne serait-ce qu'une fois en neuf mois ?

La liste des questions est élastique. Ces interrogations traduisent chacune une réalité au Sénégal. Dans cette cartographie des résistances aux progrès de la science, les régions de Kaolack, Tambacounda et Kolda abritent des poches de communautés toujours réticentes à la seringue et aux comprimés. Une réputation que ces localités doivent à la pauvreté, à l'enclavement, à l'ignorance et à la persistance de croyances traditionnelles.

C'est dans ce contexte que l'ONG Tostan, en collaboration avec l'Etat du Sénégal et la “ Bill & Belinda Gates Foundation ”, a entrepris de relever le taux de couverture vaccinale qui, en général, tournait autour de 10 % dans ces zones. Dans le petit rectangle en paille, une classe de fortune érigée au centre du village, la dame Fané Ndiaye prend la parole. Cette mère est porteuse d'une histoire poignante.
"J'ai porté des grossesses presque tous les ans et cela depuis trois ans. Elles se terminent toutes par un avortement. Une fois, l'enfant est né, la peau trop noire pour un bébé. Il est mort avant le jour du baptême. Une autre fois, j'avais de la fièvre et je pensais à une hypertension. L’infirmier a voulu me retenir au poste et j'ai refusé net. Ramenée à ce même poste de Santé le lendemain, du fait de mon état de santé qui empirait, j'ai mis au monde un enfant. Ce bébé était mort dans mon ventre et ceci bien avant l'accouchement. Cet enfant pèserait moins d'un demi kilogramme", relate la dame.
Il y a dans sa voix une pointe de regret et de tristesse. Cependant, elle tient à partager son histoire malheureuse pour souligner les bienfaits d'une grossesse suivie médicalement. "Je n'ai jamais été au poste de Santé pour que les sages-femmes suivent ma grossesse, pour me faire vacciner ou encore pour faire vacciner mes enfants", souligne Fané Ndiaye.

Cette histoire aurait pu sortir de la bouche de bien d'autres femmes de ce village de Wenthiéwi (ou Weendou Thiéwi, le marigot à l'arbre, de son nom originel Pulaar). C'est un hameau de quelques cases étalées sur la surface plate du Rip, au bout d'une piste. Le rideau noir des réticences est en train d'être percé depuis la mise en œuvre d'un programme de sensibilisation et de mobilisation sociale piloté par l'Organisation Non Gouvernementale Tostan, en collaboration avec le gouvernement du Sénégal, l'UNICEF et la “ Bill & Belinda Gates Foundation ”.
Cette initiative s'est traduite, dans 210 villages des régions de Kaolack, Tambacounda et Kolda, par un éveil des consciences axé les quatre modules que sont les droits humains, la résolution des problèmes, l'hygiène de base et la santé de la famille. Les premiers jalons ont été posés en février dernier. L'ONG Tostan, en collaboration avec les infirmiers chefs de poste et les communautés, a identifié les zones à faible taux de couverture vaccinale (souvent moins ou autour de 10 %). Ces mêmes zones étaient soit enclavées, soit des poches de pauvreté ou de refus des progrès de la science.

De cette collaboration est née une plus grande maîtrise du calendrier vaccinal et des problèmes liés à la mobilité. "J'emmenais mon enfant à Paos-Koto. A deux reprises, il m'est arrivé de rentrer bredouille parce que le poste était fermé. Maintenant, nous vaccinons nos enfants à temps. Les femmes enceintes se font suivre régulièrement", témoigne Wandé Diouf. Bien d'histoires enveloppent le non-respect du processus de vaccination dans ces villages. Aujourd'hui, le changement de comportement fait que les femmes en parlent avec des relents de regret, en dit long sur l'ignorance dans laquelle elles baignaient et surtout la primauté des herbes et autres décoctions de la médecine traditionnelle. "Les hommes nous faisaient croire que le vaccin était un facteur stérilisant pour les femmes et pour les enfants qui naîtraient plus tard. Naturellement donc, ils refusaient que les enfants et les femmes se fassent vacciner", ajoute Wandé Diouf. Elle se rappelle aussi les soirs où le père de famille pestait contre ces injections qui donnaient à leurs enfants une sorte de fièvre.

A cette époque-là, la coqueluche, la rougeole, le neuro-paludisme, le tétanos, la poliomyélite ou les maladies diarrhéiques faisaient de nombreuses victimes dans cette zone. "Nous n'allions pas au poste de Santé. J'avais une voisine qui avait refusé d'emmener son enfant au poste de Santé pour cause de préjugé sur les injections. Nos croyances traditionnelles nous laissaient croire que les injections allaient aggraver les cas de maladie", se souvient Dièye Thioye. Ndèye Touré confirme : "J'ai porté une grossesse à terme sans m'être fait vacciner. A la fin, le bébé a reçu un vaccin contre le tétanos. Mais j'ai remarqué que cet enfant est plus maladif que tous les autres qui ont bénéficié d'un suivi médical correct et complet". Les deux dames jurent de ne plus tomber dans ce piège des tabous et autres préjugés. "Je porte une grossesse qui devrait bientôt arriver à terme. Maintenant, c'est mon époux qui me réveille le matin pour me demander d'aller me faire consulter", dit-elle.

Ces propos sont révélateurs du nouvel engagement des hommes. Naguère, ils étaient réticents. Convaincus de l'efficacité d'un bon suivi médical, ils deviennent à leur tour des relais efficaces. Ils en arrivent même à fréquenter les cours. Pour la précédente session, la classe comptait 126 auditeurs et auditrices. Pour la présente, ils sont au nombre de 96. "Aucune femme n'a quitté la classe pour rester dans le village. Elles ont soit trouvé époux et sont parties, ou du travail", assure Mor Diop, le facilitateur. Mais la satisfaction de ces hommes et femmes, qui luttent contre l'ignorance, est que la transmission de cette mobilisation sociale se fait entre les générations. "Quand j'aurai un enfant, je lui transmettrai le peu que j'ai appris", certifie une jeune fille au milieu de ses mamans.

Apparemment, la leçon est bien apprise. A Keur Ilo (ou Saré Ilo), après Nioro du Rip, dix-sept kilomètres en allant sur la Transgambienne, les habitants confessent n'avoir, par le passé, accordé que peu d'importance aux vaccins et aux ordonnances. Aujourd'hui, ce sont les femmes mariées, les jeunes files et les hommes qui parlent de la prévention contre le paludisme et des règles d'hygiène corporelle et vestimentaire. Les postes de Santé de Dabali ou de Nioro du Rip, distants chacun d'une dizaine de kilomètres de Saré Ilo, étaient presque inaccessibles. "Il était difficile, pour une femme enceinte, au bout d'un certain nombre de mois, d'y aller en charrette", souligne un villageois. Maintenant, en plus des actions ponctuelles de l'Etat en faveur d'une bonne couverture vaccinale (campagne contre la polio par exemple), le calendrier est mis à la disposition des villageois.

Ainsi leur est-il loisible de se préparer et de régler l'équation de la mobilité. Plusieurs mois après cette parenthèse malheureuse, on confesse encore un refus de la modernité à laquelle on a longtemps assimilé tout ce qui est vaccin. Depuis le mois de février dernier, 45 enfants ont été vaccinés. Comme dans les autres villages couverts par le programme d'incitation à la vaccination, les facilitateurs et superviseurs recrutés par Tostan et originaires de la localité tiennent un registre des enfants à vacciner et des femmes enceintes. Le devoir de veille est de rigueur. Les femmes sensibilisées deviennent des marraines pour d'autres. Elles se chargent de leur rappeler le calendrier des vaccinations et les règles d'hygiène.

HOMMES ET FEMMES ENSEMBLE : LES PALABRES DENOUENT LES BARRIERES SEXISTES

Les mentalités évoluent. La preuve : par le dialogue noué entre les femmes et les hommes, dans ce village religieux de Madina Charif, plus connu sous le nom de Saré Saydou, à 10 kilomètres de Vélingara. Ce vendredi, sitôt la prière de la mi-journée terminée, l'imam, le chef du village et autres notables rejoignent les abords de la classe pour un sketch et des interventions sur la santé. Le religieux ne manquera pas de donner sa bénédiction à ce programme de sensibilisation.
Un signal fort. A son avis, le principe de l'hygiène a rencontré une recommandation divine favorable à la propreté. "Il est vrai que ce village est religieux. Mais quand ce programme nous a été exposé et que nous avons constaté qu'il comporte un volet "hygiène", nous y avons adhéré, car la religion recommande la propreté", estime Baba Samoura, un notable. Des rassemblements pour parler de santé, ce village n'en a jamais connu. Hommes et femmes étaient séparés par un voile de pudeur, au point de ne point aborder ensemble les questions essentielles. "Nous n'avons jamais vu, dans ce village, les hommes et les femmes, sous le même arbre à palabres", se félicite Kadiata Diallo, présidente du Comité de gestion. Sous d'autres manguiers aussi, le silence est rompu. Nous sommes à Kolda-Molo, une cinquantaine de kilomètres après Vélingara. Une femme y va de son énumération. Elle termine son propos en assurant ne plus être victime de violences conjugales.

Que font les hommes alors ? La femme, mime une caresse sur son avant-bras gauche. Elle provoque l'hilarité générale. Les hommes, à quelques mètres de cette dame portant un enfant sur ses genoux, se laissent aller à ce fou rire. Ici, cette image de gaieté est révolutionnaire. La raison, il faudra la chercher dans ce hangar en paille. Un savoir d'un type nouveau pour ces villageois y est dispensé. "Alkamisa, 14 Jolal 2002. Winndaande 77. Til Toode : Muuseeki kawaaki e rewbe". La traduction donne la date (jeudi 14 novembre 2002), la leçon (77) et le titre (le paludisme).
Le fait que les femmes et les hommes, aujourd'hui, soient unis dans la lutte contre l'ignorance, est un pas de géant. Une scénario du même type fait que l'on retrouve à la fois le chef du village, l'imam et les femmes sous le même arbre à palabre, en train de parler d'hygiène et de santé. Sur les 50 auditeurs, 15 sont des hommes. "Nous avions un problème de qualité de l'eau. Elle n'était pas filtrée avant la consommation. Les gens ne savaient pas que faire lorsqu'ils étaient piqués par un clou. Il y avait beaucoup de problèmes de santé et il nous était difficile d'aller à Diaobé ou Kabendou pour un suivi médical", témoigne Bouran Baldé, le chef de ce village d'environ 150 âmes. Avant la mise en œuvre de ce programme d'éveil des consciences, souligne Colyel Baldé, président du Comité de gestion : "aucune règle d'hygiène n'était respectée ni en ce qui concerne l'eau, ni en ce qui concerne l'environnement". Les puits étaient sales, les eaux ruisselaient n'importe comment, les canaris n'étaient pas lavés avant de recevoir une nouvelle eau, les déchets peuplaient le village, les écuelles étaient laissées au festin des mouches, les besoins étaient faits dans la nature et les interdits alimentaires faisaient le lit de la malnutrition.

Tous ces problèmes d'hygiène ne sont plus, à en croire Oudialy Diao, présidente du Comité de gestion, que de mauvais souvenirs. A Médina Samba Kandé, à 40 kilomètres au Sud-Ouest de Vélingara, hommes et femmes militent pour les quatre modules : droits humains, résolution des problèmes, hygiène de base et santé de la famille. La prise de conscience des épouses n'est pas considérée comme une menace par les hommes. Les femmes ont appris à connaître leurs droits, leur anatomie, les différents types de vaccins et leur utilité, mais elles n'en oublient pas pour autant leur devoir conjugal. "Les rapports ne sont pas conflictuels. Ils sont basés sur la négociation", assurent les femmes de toutes les localités visitées. Un autre aspect concerne les barrières entre castes et groupes ethniques. Le fait de se rencontrer dans une même classe a permis aux hommes et aux femmes de lever ces blocages.

PROCESSUS DE RESOLUTION DES PROBLEMES : LE "SERUM" DE L'EMANCIPATION ECONOMIQUE

Par une piste ravinée serpentant entre les champs, les herbes sauvages et les étendues nues, on arrive à Bohé Balédji, les "baobabs noirs" en Peul. Cet arbre majestueux fait partie du décor de la piste rouge, tout comme la case où se déroule, de nos jours, l'apprentissage des modules liés aux droits humains, à la résolution des problèmes, à l'hygiène et à la santé. Pour un exemple de zone enclavée et démunie, c'en est un. Les 65 kilomètres, qui séparent ce bled de Tamba (une estimation des locaux), semblent une distance qui s'étire, interminable. Ici aussi, les hommes et les femmes ont appris.
Ici aussi, ils relèvent des motifs de satisfaction, loin de l'époque où les plantes comme le "Mawki" étaient un remède passe-partout. Le poste de Santé existe depuis 1981 mais il était royalement ignoré par les populations. Les rares femmes, victimes de complications et qui ont fait le sacrifice d'aller se faire consulter à Tamba, ont créé un effet d'entraînement. Comme à Wenthiéwi, ici, les hommes n'avaient pas les moyens de donner aux femmes le ticket de transport, les frais de consultation ou de payer les ordonnances. Parfois, ils ne voulaient simplement pas mettre la main à la poche, préférant s'emmurer dans leurs préjugés.

Mais dans cette zone, on retiendra surtout la prise de conscience, par les femmes, de la nécessité de développer des activités génératrices de revenus. Voilà une conséquence directe de la "résolution des problèmes", module du programme Tostan, UNICEF, gouvernement du Sénégal et Bill Gates Foundation. Ce module permet aux auditrices d'identifier les problèmes au quotidien et d'élaborer des solutions. Cependant, les sommes sont encore modiques. Le plus souvent, les populations parlent de 10.000, 20.000 ou 25.000 francs CFA. A Bohé Balédji, les auditeurs et auditrices s'acquittent d'une cotisation de 200 francs par mois. Les membres d'un autre groupement du village, adultes et enfants, cotisent, pour leur part, 100 francs par mois. Avec les sommes récoltées, des bancs ont été achetés pour la classe.

Mais selon Boye Bâ, la présidente du Groupement féminin du village, la finalité est l'obtention d'un compte au crédit mutuel, en attendant le moulin à mil, la route, l'eau potable, la teinture, le téléphone. Ce vœu est partagé par les femmes de Haltou Fass, sur la Nationale, à une cinquantaine de kilomètres de Tambacounda. Là aussi, en plus du système de cotisations initié, les femmes cultivent la terre pour renflouer leur caisse. Mais cette année, la récolte n'a pas été bonne. A Wenthiéwi, les femmes réunies autour de Racky Ndao, leur présidente de Comité de gestion du marché, ont cotisé chacune 25 francs tous les vendredis. La somme de 13.000 francs ainsi acquise a servi à créer un petit marché. Il s'agit d'une table avec quelques légumes et autres condiments. Mais ce "marché" vaut son pesant d'or, en ce qu'il épargne les femmes de la corvée de l'approvisionnement à Nioro du Rip ou Paos-Koto. Le temps ainsi gagné sert à la formation. Ces femmes, avec 55.000 francs, ont ouvert un compte au crédit mutuel pour plus tard bénéficier d'un prêt de 200.000 francs.

L'expérience a fait tâche d'huile. Car Wenthiéwi polarise 4 autres villages (Keur Diéry, Keur Soulèye Thiam, Keur Soulèye Ndiaye, Wenthiéwi-Sérère). Ils ont tous bénéficié des fonds pour créer des marchés similaires. A Médina Samba Kandé, les femmes fabriquent du savon local pour s'épargner le “ parcours du combattant ” pour s'approvisionner. Les autres villages bénéficiaires du programme exercent aussi un effet d'entraînement sur d'autres. C'est le cas de Madina Charif et de Haltou Fass. Dans ce dernier village, les femmes ont compris l'utilité d'un moulin à mil et d'une assise économique. En plus du gain de temps (les puits ont une profondeur de 56 mètres à Haltou Fass), l'argent leur permet de prendre en charge les frais de transports dans une zone enclavée et les ordonnances prescrites par l'infirmier chef de poste de Santé.

INFIRMIERS, SUPERVISEURS, FACILITATEURS : LE SACRIFICE DES PRECHEURS DE BROUSSE

Elle vit les derniers instants de son rôle de facilitateur à Haltou Fass. Ce village, elle donne l'air de devoir le quitter avec regret, malgré une promotion qui fait d'elle un superviseur à Kidira, dans le Bakel. Nafi Sabaly, aux apparences frêles, semble douée d'une volonté inoxydable. C'est cela qu'elle veut transmettre à sa remplaçante : "elle doit être courageuse et se conformer aux horaires des villageois tiraillés entre les activités de survie quotidienne et l'apprentissage dans un milieu difficile. Elle devra surtout comprendre que dans cette zone, les femmes travaillent durement pour entretenir leur foyer".

Leur salaire (?) est à peu près égal à la bourse des Volontaires de l'Education nationale (50.000 francs). Ils sont aussi pris en charge à hauteur de 60 % sur le plan médical, souligne une voix autorisée de Tostan, qui les emploie. Mais ils ne peuvent pas compter sur le luxe des centres urbains. Ils vivent à l'heure villageoise et l'inconfort leur tient compagnie dans leur mission. Un autre site, un autre contexte. En allant à Bohé Balédji, zone d'accès difficile, Aliou Sylla, travaillant à l'antenne de Tambacounda, fait remarquer : "ce sont les conditions de travail que nous endurons tous les jours pour faire reculer l'ignorance". Le plus souvent, ce sont des fils du terroir pour lever la barrière psychologique créée par des programmes plaqués, éclaire Kéba Tounkara, chef du département de la sensibilisation et de la mobilisation sociale à Tostan.

A Wenthiéwi, de 13 % environ, le taux de couverture vaccinale serait monté à 81 % en juin dernier, aussi bien pour les femmes que pour les enfants. 260 enfants de 0 à 11 mois ont été vaccinés depuis l'ouverture du centre en février 2002. A Saré Ilo, village plus modeste, ils sont 45 enfants de 0 à 5 ans. A Saré Saydou, le taux passe à 80 %. Bohé Balédji revendique un taux qui passe de 15 % à 75 %. Haltou Fass polarise 20 centres et se prévaut d'un taux de couverture vaccinale de 82 %, contre 19 % avant l'entrée en vigueur de ce programme de sensibilisation. Cependant, les infirmiers chefs de poste invitent à manipuler ces chiffres avec prudence.
"Il est difficile de donner des chiffres. Nous avons certes des registres couvrant toutes les zones concernées ; mais le décompte n'est pas fait", souligne Modou Thiam, infirmier chef du poste de Paos-Koto, dans le département de Nioro du Rip. Il reconnaît toutefois que : "tout a changé avec le programme de sensibilisation. Il y a des villages dont les habitants ne fréquentaient pas le poste de Santé. Maintenant, il y a un réflexe de la vaccination. Pas plus tard qu'hier (l'entretien a été réalisé à Tamba, samedi dernier), des femmes sont venues me soumettre leur vœu : une case de Santé".

Le partenariat entre Tostan et les structures sanitaires de l'État est complémentaire, souligne Seckou Baldé du Service de l'Éducation pour la santé de Kolda. "La santé prend en charge les aspects techniques pendant que Tostan prend en charge la mobilisation. Les femmes sont informées et cela crée un réflexe", explique-t-il. Pour mesurer la portée de la sensibilisation, Abdoul Malicky Dème révèle que Médina Samba Kandé n'est qu'à un kilomètre du centre secondaire de Kabendou et à deux kilomètres du poste de Santé de Diaobé dont il est le chef. Malgré la proximité, les populations ne fréquentaient pas ces deux postes. Cet éveil des consciences, selon lui, est un motif de satisfaction. "Il y avait des résistances liées soit aux coutumes, soit à la pauvreté", affirme-t-il. Son poste couvre 33 villages et hameaux.

Il a des anecdotes à raconter. "Certains pensent qu'il est inutile, pour certaines maladies, d'aller voir un infirmier. Ils se contentent des racines et autres décoctions. Concernant les délires du paludisme et les convulsions, les gens pensent aux marabouts et tradipraticiens", dit le chef du poste de Santé de Diaobé, qui milite pour la pérennisation de ce programme. Dans sa zone de Salémata, dans le Kédougou, Karfa Cissokho, infirmier chef de poste est encore confronté à l'obstacle de l'enclavement. "Des zones sont inaccessibles, à cause des montagnes. Les distances entre villages sont importantes. De ce fait, la zone est trop vaste pour un seul infirmier. Nous avons des problèmes pour évacuer les enfants malades. Les populations font d'énormes efforts en utilisant un hamac ou un brancard de fortune. Il est difficile de trouver un véhicule pour Kédougou ou Tamba. Vous voyez ce que cela donne", dit-il. Toutefois, il reconnaît qu'un pas est franchi : "les hommes accompagnent maintenant leur femme au planning familial".

La solution trouvée à la chaîne de froid lui arrache un autre motif de satisfaction. Mais Seckou Baldé du Service de l'Éducation pour la santé de Kolda joue la prudence : "Attention, met-il en garde, le Sénégal a toujours été cité en exemple en matière de couverture vaccinale. C'est quand les bailleurs se sont retirés et que les infirmiers chefs de poste manquaient de motos et de carburant qu'il y a eu une démobilisation". La mise en garde est entendue. Le programme de sensibilisation expire en décembre mais déjà, tous les villages visités affirment leur désir de continuer avec ou sans bailleur de fonds.

UN REPORTAGE DE HABIB DEMBA FALL DANS LES REGIONS DE TAMBA, KAOLACK ET KOLDA

Lire l'article original : http://www.lesoleil.sn/archives/article.CFM?articles__id=20473&index__edition=9745

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