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Santé de la reproduction au Sénégal : la mortalité maternelle recule de 510 à 392 sur 100.000 naissances

Le soleil | Sénégal | 05/07/2012 | Lire l'article original

Au Sénégal, 5 femmes continuent de perdre la vie toutes les 24 heures pour des raisons relatives à l’accouchement. Les décès maternels sont de 392 pour 100.000 naissances vivantes, selon la dernière enquête de 2010, contre 401 en 2005. Pour réduire de trois quarts la mortalité maternelle en 2015, il est préconisé d’améliorer considérablement la prévalence contraceptive. La planification familiale contribue pour 30 % à la réduction de la mortalité maternelle.

La mortalité maternelle baisse lentement au Sénégal. Le progrès n’est que de 118 points entre 2002 et 2012. En 10 ans, le taux de mortalité maternelle est passé de 510 décès, pour 100.000 naissances vivantes, à 392. Si entre 2002 et 2005 les avancées ont été remarquables avec 109 points de moins (510 contre 401), tel n’est pas le cas au cours des 5 dernières années (2005-2010). En effet, l’Enquête démographique et de santé (Eds 5, 2010) révèle un taux de décès maternels estimé à 392. Soit un gain de seulement 9 points en 5 ans. Concrètement, toutes les 24 heures, 5 femmes continuent encore de perdre la vie au Sénégal.

Quelles sont les raisons de cette contre-performance alors que le Sénégal veut réduire considérablement, d’ici à 2015, date d’échéance pour l’atteinte des Omd, la mortalité maternelle de ¾ et la mortalité infantile de 2/3 ? Différents arguments sont brandis par des acteurs engagés dans la croisade contre la mortalité maternelle et infantile pour justifier le quasi immobilisme noté, d’une manière générale, dans la baisse des indicateurs de la santé maternelle.

Pour le Dr Balla Moussa Diédhiou, directeur exécutif de l’Association sénégalaise pour le bien-être familial (Asbef), « les chiffres de la mortalité maternelle sont effarants, alors que nous sommes à 3 ans de 2015 ». Selon lui, « il y a de quoi s’inquiéter » dans un pays où « on n’évalue jamais les interventions pour apporter les correctifs nécessaires ». Il estime que l’absence d’évaluation est « un point faible de notre système sanitaire » et en appelle au retour à l’orthodoxie, si le Sénégal veut honorer ses engagements.

Le Pr. Jean Charles Moreau, gynécologue, estime, quant à lui, que « le diagnostic sur les besoins non satisfaits en planification familiale, les obstacles socioculturels, sont connus depuis des années ». Ayant pris part à la restitution de l’enquête de base sur la planification familiale du projet Initiative sénégalaise de santé urbaine (Issu), le Pr. Moreau soutient que « la prévalence contraceptive ne décolle pas au Sénégal ». Il est estimé à seulement 12.1 %, selon l’Eds 5 (2010). Contrairement à des pays musulmans, comme le Maroc et la Tunisie, qui ont entre 50 à 60 % de prévalence contraceptive. Soit 5 fois plus que le Sénégal qui présente, à peu près, les mêmes caractéristiques sociodémographiques que les pays précités.

Réflexion sur des stratégies nouvelles

Pourtant, déclare le Dr El Hadji Ousseynou Faye de la Division de la santé de la reproduction (Dsr) du ministère de la Santé - qui juge lui aussi la progression très lente - il est attesté que « plus la prévalence contraceptive est élevée, moins les décès maternels sont élevés ». Pour augmenter le taux de prévalence de la contraception au Sénégal et réduire, du coup, la mortalité maternelle, le gynécologue Jean Charles Moreau préconise de « réfléchir sur les stratégies nouvelles ». Il est, en effet, convaincu que « rien ne peut plus se faire sans la communauté ». Il incite à aller vers cette direction en impliquant la communauté, surtout pour certaines méthodes contraceptives.

Dans le même ordre d’idées, note le Dr Balla Moussa Diédhiou, qui est d’avis qu’au Sénégal « tout marche au ralenti », il faut « une action synergique de la communauté ».
Le directeur exécutif de l’Asbef rappelle qu’un atelier sur l’engagement de la société civile dans le repositionnement de la planification familiale, laquelle permet de réduire jusqu’à 30 % les décès maternels, a été tenu, en septembre 2011, à Mbour. « Nous avons réfléchi sur comment faire pour réduire la mortalité maternelle. Mais depuis lors, rien n’a bougé », déplore le directeur exécutif de l’Asbef.

A l’en croire, le plan d’actions dressé à Mbour par les acteurs de la société civile sénégalaise intervenant dans les questions de santé, population et développement, en collaboration avec d’autres associations de la sous-région ouest-africaine, doit être réactualisé. « Sinon, il sera difficile d’atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement », avertit-il. Pour cette raison, il estime nécessaire de faire un plaidoyer chez les autorités pour la mise en œuvre de ce plan d’actions. Dans ce cadre, le secrétaire exécutif de l’Asbef plaide pour que la loi sur la santé de la reproduction, adoptée depuis 2005, soit dotée de décret d’application. Il estime, en effet, que « cet ensemble soit réactualisé, pour que nous puissions se rapprocher des indicateurs fixés pour l’atteinte des Omd, notamment l’Omd5 ». Si ces mesures ne sont pas prises, « l’espoir pour 2015 sera compromis », lance le Dr Diédhiou.

Elargir l’offre et la demande de services

En attendant, le Dr Cheikh Tidiane Athie, président de l’Ong Action et développement (Acdev), préconise d’élargir l’offre et la demande de services de santé de la reproduction aux Ong. « Il faut décentraliser avec certaines Ong pour améliorer l’offre et la demande de services de santé de la reproduction », soutient le Dr Athie. Il regrette que les financements des programmes de santé de la reproduction demeurent encore préoccupants. Il en est de même du recrutement de sages-femmes, surtout en milieu rural. « Il faut augmenter le nombre de professionnels qui jouent un rôle important dans la réduction de la mortalité maternelle », déclare le Dr Athie, soulignant, dans la foulée, que « le recrutement de personnel qualifié est bloqué » au Sénégal depuis quelques années.

Toutes ces initiatives permettraient de relever le défi majeur pour 2015 : arriver à une prévalence contraceptive de 45 % au Sénégal. « Il ne reste que 3 ans, alors que la progression est lente », rappelle le Dr El Hadji Ousseynou Faye de la Dsr, incitant à « redoubler d’effort » pour combler la demande non satisfaite en planification familiale. Le nombre de femmes voulant utiliser la planification familiale, mais n’ayant pas accès aux méthodes et/ou produits de la contraception est estimé, au Sénégal, à 29 %. « Si nous parvenons à atteindre ces femmes, nous aurons 41 % de prévalence contraceptive », projette le Dr El Hadj Ousseynou Faye. Il suggère également d’éduquer davantage les filles, car « la nouvelle méthode contraceptive, c’est l’éducation des filles. Eduquons nos filles. La planification familiale est un droit. Impliquons tous les acteurs », déclare-t-il.

Maïmouna GUEYE

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