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Sud Quotidien | Sénégal | 05/12/2012 | Lire l'article original
Les experts font état de plus de deux milliards de personnes, principalement dans les pays à faible revenu, qui n’ont pas d’accès correct aux soins chirurgicaux qui pourraient leur sauver la vie. Un obstacle potentiel à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Alors qu’au niveau mondial un grand nombre de maladies nécessitent une intervention chirurgicale, ce sont les habitants des régions à revenu élevé qui subiraient 75 % des opérations réalisées annuellement, alors que le tiers le plus pauvre ne représenterait que 4 %, selon une étude publiée en 2010 par l’Ecole de Santé Publique de l’Université de Harvard.
Mieux, une enquête couvrant 769 hôpitaux dans 92 pays indique que les pays les plus riches disposent de 14 salles d’opération pour 100 000 habitants, contre deux dans les régions à faible revenu. Cela nous ramène au Sénégal où, qu’elle soit générale, orthopédique, urologique, gynécologique, ophtalmologique ou neurologie, dans toutes les branches de la chirurgie hospitalière, des problèmes se posent au point d'empêcher les unités hospitalières de jouer leur véritable rôle. Le mal serait d’ailleurs à l'origine du dysfonctionnement du système de santé.
Réélu pour un second mandat à la tête de l’Association des chirurgiens du Sénégal qui était presque en léthargie, le professeur Cheikh Tidiane Touré, nouveau président de cette association et Chef du service du bloc opératoire de l’hôpital Aristide Le Dantec, a fait un diagnostic sans complaisance de la situation critique que traverse la chirurgie au Sénégal. Il a indiqué que la situation de la chirurgie au Sénégal est « déplorable » tant du point de vue des infrastructures, des équipements et des ressources humaines que celui de son organisation. Une situation qui va de mal en pis surtout dans les régions où il n’existe presque pas de services de chirurgie dignes de ce nom.
L’exemple le plus patent c’est, selon lui, pour se faire opérer d’un appendice, un malade habitant une localité comme Koungueul, est obligé d’aller jusqu’à Kaolack ou Tambacounda, soit à quelques centaines de kilomètres, « au risque de mourir sur place. » C’est la réalité de beaucoup de localités du pays et qui est liée à l’absence de structures sanitaires adéquates et surtout de chirurgiens. Les rares structures sanitaires existantes ne disposeraient pas de blocs opératoires qui répondent aux normes internationales (mauvaises conception des infrastructures, des couloirs peu spéciaux, un équipement insuffisant, manque de personnels formés…etc)
52 ans après son accession à l’indépendance, le Sénégal ne dispose toujours pas d’une école de formation de personnels paramédicaux spécialisés dans l’accompagnement des chirurgiens dans les salles d’intervention chirurgicale. Les seuls agents disponibles sont formés sur le tas, a encore renseigné le chirurgien en chef de Dantec qui souligne par ailleurs que le métier est « pénible » et perd de plus en plus sa vocation parce que les chirurgiens ne gagnent pas bien leur vie. Car un chirurgien après 12 ans d’études, a une prime de logement largement en deçà de celle de certains fonctionnaires de l’Etat qui ont fait des études moins longues. Les rares jeunes médecins qui décident de se spécialiser dans la chirurgie n’auraient même pas de bourse. « Quelque fois quand on leur alloue une bourse, celle-ci ne peut excéder les 100 000 F Cfa durant les 5ans de spécialisation. Faute donc de motivation, nous sommes nettement insuffisants même dans la région de Dakar », a déploré le Pr Touré.
Il regrette surtout l’absence de plateaux techniques motivant pour attirer tout le potentiel de chirurgiens formés dans les meilleures écoles du monde. Car, selon lui, même les greffes de foie pourraient bien se pratiquer au Sénégal si le plateau technique était relevé. D’ailleurs, avertit-il, « quand nous sentons qu’il n’y a plus de sécurité dans l’art que nous pratiquons nous sommes obligés d’arrêter le travail. »
Le Professeur Touré estime en outre que la volonté de l’Etat de créer de nouveaux hôpitaux devrait être accompagnée par la formation de spécialistes capables de prendre en charge ces structures. Mais à son grand regret, la plupart des chirurgiens qui sont actuellement formés à l’UCAD sont des étrangers. Il estime que l’Etat doit penser de façon plus résolue à cette question.
Le Professeur Touré de rappeler que la conférence internationale d’Alma Ata en 1978 sur les soins de santé primaires avait fait de fortes recommandations aux états des pays du tiers monde pour transmettre les lourdes charges de santé aux communautés et de construire moins d’hôpitaux. Il n’en demeure pas moins que cette spécialité hyper-technique est un des éléments de la planification de la santé publique qui a été longtemps négligé. En définitive, il semblerait que les individus victimes du manque de soins chirurgicaux seraient plus nombreux, mais qu’ils meurent en réalité avant d’arriver à l’hôpital.
Cheikh Tidiane MBENGUE
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