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Le soleil | Sénégal | 14/12/2012 | Lire l'article original
Depuis quelques années, les autorités commencent à mettre le doigt sur un problème important : celui de la maintenance aussi bien des infrastructures que des équipements médicaux. Elles se rendent compte qu’il ne s’agit pas juste de construire des Hôpitaux et d’acquérir des équipements encore faut-il les maintenir dans un état optimal de bon fonctionnement et ceci sur une durée acceptable. Combien d’équipements sont en souffra²nce dans nos hôpitaux, stockés dans quelques recoins obscurs, les uns en attente de pièces de rechange, et d’autres encore dans leurs cartons, pas même installés ou jugés inaptes à l’utilisation par les médicaux?
Or c’est avéré : il est devenu impossible d’éluder l’aspect « technologique » de la médecine, les hôpitaux sont devenus des « plateaux médico-techniques ». Les pratiques médicales ont été considérablement modifiées par les avancées technologiques et ceci aussi bien au niveau du diagnostic, du thérapeutique, du palliatif, que du suivi. Les équipements d’imagerie médicale, de médecine nucléaire et de laboratoire ont énormément évolué permettant des diagnostics précis, fiables et reproductibles avec des temps d’examen et/ou d’analyse raccourcis. La chirurgie grâce aux techniques d’endoscopie et de coeliochirurgie est de moins en moins invasive avec à la clé un suivi meilleur pour le patient et des durées de séjour moins longs. La radiothérapie a techniquement beaucoup progressé, plus précise, plus fiable, combinée à la chimiothérapie, elle est devenue incontournable pour le traitement curatif des cancers dont la prévalence ne cesse d’augmenter dans nos pays.
Cette liste est loin d’être exhaustive, les progrès technologiques ont transformé l’hôpital et impacté fortement son coeur de métier en l’occurrence le « soin dispensé au patient ». L’Hôpital doit maintenant se penser autrement, non plus en tant que milieu médical mais plutôt « plateau médico-technique », un lieu où personnel médical, paramédical, techniciens de tous bords et ingénieurs biomédicaux se côtoient en bonne intelligence. Il doit être appréhendé en tant que tel dans tout projet le concernant.
Il n’est pas besoin de préciser que notre système de santé manque considérablement de moyens financiers : dés lors nous ne pouvons nous permettre aucune forme de gabegie.
L’argent disponible jugé « insuffisant », doit être « bien dépensé » : ceci relève du simple bon sens. Les besoins en équipements biomédicaux de nos hôpitaux doivent être proprement identifiés, clairement exprimés. Du fait d’une marge de manœuvre financière limitée, ces besoins seront priorisés sur la base d’un seul critère « l’amélioration de la qualité du soin dispensé au patient ». Il est utile de rappeler que les hôpitaux existent parce qu’il y a des « patients », ils sont nos « clients » et doivent être assurés de la qualité du service soin qui leur dispensé. Nous avons obligation de résultat, pourquoi ? Tout simplement parce que nous travaillons sur l’ « Humain », dans notre cas, les erreurs ou dysfonctionnements se payent cash. Pour atteindre ce niveau de qualité satisfaisant et sécurisant pour nos « clients-patients » : les médicaux, paramédicaux s’appuient sur leurs connaissances et pratique de la médecine mais aussi sur la technologie médicale. « Exercer la médecine à main nue » est devenue une vue de l’esprit, une chimère.
C’est en ce sens, qu’actuellement, la « maintenance » des Dispositifs médicaux dans les EPS est souvent indexée comme étant leur « talon d’Achille » attitré. Les Autorités et les fournisseurs se sont entendus sur le fait qu’il est devenu absolument nécessaire de mettre à disposition un budget pour la maintenance : c’est une réalité certes, mais la maintenance n’est pas seulement un paramètre à prendre en compte une fois le dispositif médical sorti de la garantie. Elle doit être prise en compte et intégrée dans tout processus d’acquisition, les fournisseurs doivent être jugés et comparés non pas sur la base seule du coût d’acquisition tel qu’il est souvent procédé, mais sur la base d’un ensemble de critères pondérés incluant également :
Les performances médicales et techniques de l’équipement : la valeur ajoutée sur le soin délivré au patient ;
La formation des utilisateurs et techniciens ; La qualité du service après vente des fournisseurs en termes de rapidité d’intervention et de niveau de compétence des techniciens disponibles ;
La qualité, la disponibilité et le coût prévisionnel des consommables et principales pièces de rechange ; mais aussi des contrats de maintenance à la sortie de la garantie.
Autant de critères souvent éludés lors de l’acquisition et qui nous rattrapent dans l’utilisation en routine de l’équipement concerné. Il est dés lors nécessaire et important de les tenir en compte en amont, pour ne pas les subir par la suite. A noter que le code des marchés a aussi sa partition à jouer dans ce sens, la spécificité des équipements médicaux doit y être prise en compte. On n’achète pas un équipement d’imagerie lourd (Scanner ou IRM) comme on achète un mobilier de bureau du type « table de conférence ».
La prise en compte de ces critères, si formalisée dans nos structures pourrait permettre de sécuriser les achats d’équipements médicaux stratégiques et éviter les surprises de dernière minute auxquelles les gestionnaires des hôpitaux sont constamment confrontés.
En plus, de cette procédure d’acquisition, il serait nécessaire de mettre en place au niveau national une procédure de réception des équipements biomédicaux : procédure qui devra permettre de s’assurer que l’équipement livré correspond au bon de commande (en termes de marque et de modèle) et que les performances médicales et techniques sont conformes à ce qui a été annoncé par le fournisseur de matériel médical, dans son offre technique.
En ce qui nous concerne, Le Sénégal a toujours compté un certain nombre d’Entreprises fournisseurs d’équipements sérieux, compétitifs et rigoureux. Cependant depuis quelques années, on note une prolifération de nouvelles entreprises petites ou grandes qui se disent fournisseurs de matériel et /ou de consommables médicaux, attirés par l’appât du gain facile et la relative importance du budget de la santé. Ces entreprises sont présentement « maîtres du jeu » faute de formalisation des procédures. Souvent on privilégie les « moins disant » quant il s’agit de marchés publics. Cette approche ouvre la porte à des dérives préjudiciables à l’Etat et à la Collectivité, étant entendu que n’importe qui peut aujourd‘hui créer une entreprise sans détenir les compétences techniques dans certains secteurs spécifiques, à l’image de la maintenance hospitalière.
L’Agence de Régulation des Marchés Publics (ARMP) et la Direction Centrale des Marchés Publics (DCMP) sont individuellement interpelées. Elles ont un rôle fondamental à jouer dans la mise en place d’une politique de santé publique efficiente, étant entendu que dans ce domaine les plateaux techniques des hôpitaux et centres de santé sont constitués d’équipements spécialisés qui requiert une qualité technique irréprochable.
Les autorités, la Tutelle, se doivent de reprendre la main sur les prestataires que sont les fournisseurs. La relation entre les établissements de santé et les fournisseurs d’équipements médicaux doit être formalisée et équitable, aucun des partis ne doit être lésé.
On entend d’ici certains fournisseurs réagir, « payer nous d’abord ce que vous nous devez avant de penser à formaliser quoi que ce soi », certes la dette des hôpitaux vis-à-vis des fournisseurs est énorme, évaluée à 8 milliards, certes ces fournisseurs ont des impératifs de rentabilité financière et des charges salariales à honorer, certes il serait aberrant de le nier….
Il ne s’agit pas ici de tout mettre sur le dos des uns ou des autres mais d’entamer une réflexion constructive, objective pour in fine proposer des solutions crédibles, techniquement réalisables pour tout ce qui est relatif aux problèmes soulevés par l’acquisition et la maintenance des équipements biomédicaux. Effectivement, les procédures de paiement de l’Etat sont loin d’être réputées pour leur efficacité, ne parlons pas d’ « efficience ». On n’est pas en position de demander un produit ou un service de qualité à un prestataire quand on ne lui paye pas les sommes dues, c’est l’évidence même.
Aussi est-il temps pour le système de santé de revoir la relation Hôpital-Fournisseur dans sa globalité afin de construire un partenariat équitable, « gagnant-gagnant », qui prendra en compte les intérêts de chacun des partis. Ainsi il sera posé un premier jalon important pour une résolution pérenne des problèmes de sous-équipements et de maintenance auxquels sont confrontés les plateaux médico-techniques du Sénégal.
Nos populations ont droit à exiger des soins de qualité, une prise en charge correcte, sécurisée, adaptée mais aussi technologiquement moderne et performante.
Revoyons notre copie, c’est l’ère des « ruptures ». Aujourd’hui, plus que jamais, opérons en une, et allons de l’avant avec lucidité, rigueur et objectivité, en gardant « la qualité du soin délivré au patient » au cœur de tous les processus à mettre en œuvre.
* Ingénieur Biomédical
Hospitalier
Diplômée de L’Université de Technologie de Compiègne
Membre de l’Association Française Des Ingénieurs
Biomédicaux
Hôpital Général de Grand Yoff
barafatou@hotmail.com
Mme Fatou Bara NDIONE
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