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Revue de presse de santé tropicale

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Pr. Cheikh Ahmed Tidiane CISSE, gynécologue de la maternité de l'institut d'hygiène sociale : « Les consultations prénatales sont indispensables pour les femmes hypertendues »

Le soleil | Sénégal | 12/01/2013 | Lire l'article original

L’hypertension artérielle est souvent associée à la grossesse avec des conséquences désastreuses aussi bien pour la mère que pour le bébé. Dans cet entretien, le Pr. Cheikh Ahmed Tidiane Cissé, gynécologue-obstétricien, chef de la maternité de l’Institut d’hygiène sociale (ex Polyclinique) revient, entre autres, sur les complications, mais surtout sur la nécessité d’un dépistage précoce, afin de les prévenir.

Quelles sont les conséquences de l’hypertension artérielle sur la grossesse ?

«L’hypertension artérielle est une pathologie fréquemment associée à la grossesse. On estime que 15% des grossesses sont associées à une hypertension. Ce qui fait une femme enceinte sur environ 7. Toutefois, il est important de distinguer les deux types d’hypertension artérielle. Il peut s’agir d’une femme antérieurement hypertendue qui développe, par la suite, une grossesse. Il peut aussi s’agir de la grossesse du fait d’anomalies de placentation, ce qui engendre l’hypertension.

Globalement, dans 10% des cas, il y a une hypertension chronique, donc, antérieure à la grossesse et 5% d’une hypertension due à la grossesse. C’est surtout celle-ci qui est plus nocive. Il existe les facteurs de risque. Les facteurs les plus connus qui ont fait l’objet d’études, ce sont les facteurs génétiques, lorsqu’il y a des antécédents familiaux (le père ou la mère). Lors de la première grossesse, il y a un problème d’adaptation, de tolérance immunologique. La grossesse, c’est la présence d’un tissu étranger, donc, l’organisme de la femme doit s’adapter, mais parfois, il y a un phénomène de rejet qui peut être à l’origine de l’hypertension. Il y a des facteurs classiques de l’hypertension, c’est l’obésité, l’excès de poids, le diabète, l’excès de graisses, les maladies du rein appelés néphropathie.
Les femmes qui ont ces pathologies ont plus de risque de faire l’hypertension artérielle pendant la grossesse, que les autres. Mais, les conditions socio-économiques, l’anémie, la surcharge de travail peuvent favoriser le développement de l’hypertension artérielle».

Est-ce qu’il est possible pour une femme enceinte hypertendue de mener à terme sa grossesse ?

«Cela est possible. Mais, il faut dire, tout de suite, que c’est une grossesse à haut risque. Les risques pour la mère, c’est que l’hypertension peut se compliquer, elle peut avoir un Accident vasculaire cérébral (Avc), c’est-à-dire que l’hypertension va atteindre un tel niveau que cela va entraîner une rupture des vaisseaux dans le cerveau. Ce qui entraîne des complications neurologiques avec le coma qui peut aboutir au décès. Cette hypertension peut atteindre l’œil ce qu’on appelle rétinopathie, qui peut aller à la cécité, elle peut atteindre les poumons qui peut donner des difficultés à respirer, c’est comme si le poumon était imbibé d’eau, l’hypertension peut également atteindre les reins, la majorité des femmes dialysées ont une insuffisance rénale par l’hypertension au cours de la grossesse. L’hypertension peut atteindre le foie, la femme va développer une coagulopathie, c’est-à-dire lorsqu’elle va se mettre à saigner, le sang ne pourra plus se coaguler. Elle va se vider de son sang avec toutes les conséquences. Elle peut être anémiée. Le problème n’est pas l’hypertension, mais une maladie plus focale qui va concerner plusieurs organes, et c’est ce qui fait la gravité».

Quelles sont les autres conséquences pour la grossesse ?

«Le haut risque concerne également la grossesse et le fœtus. La femme a plus de risque de faire l’avortement (c’est avant 20 semaines), elle court un risque de faire un accouchement prématuré (avant terme : entre 20 et 37 semaines). Pour l’accouchement prématuré, l’enfant n’est pas encore mur. Avant 37 semaines, l’enfant va être exposé à ces complications. Parce que son organisme n’est pas encore adapté à la vie extérieure en dehors de cela, l’enfant peut mourir in-utéro, parce que l’hypertension va perturber l’irrigation de l’utérus, du placenta, l’enfant va recevoir une quantité de sang inférieure à la normale, il va se développer comme cela devait être. Parfois, l’enfant se développe mais il va être petit, c’est un retard de croissance, on aura un retard de croissance au lieu d’avoir un poids entre 2500g et 3500g, il va avoir un poids à 2.000 grammes. Il peut être un enfant fragile qui peut mourir des suites de l’accouchement ou même lors de l’accouchement».

Quelles attitudes tenir pour les femmes enceintes hypertendues ?

«L’attitude idéale serait, avant la grossesse, de se faire consulter. C’est ce qu’on appelle, une consultation pré-conceptionnelle. Ce n’est pas entré dans les mœurs. Mais, c’est un effort à faire. L’avantage c’est qu’on peut découvrir l’existence d’une hypertension chronique où les facteurs de risque. Il y a des mesures préventives pour l’éviter. Le plus souvent dans nos contextes, toutes les études que nous avons faites ont montré que l’hypertension artérielle est découverte au cours des complications. Ce sont des femmes qui viennent en crise, donc, à défaut. Lorsque les enfants sont décédés, il faut consulter très tôt avant les 3 premiers mois. Mais, beaucoup de femmes ne viennent pas, parce qu’on cache la grossesse.
Pour les femmes à risque, lorsqu’on lui donne de l’aspire à faible dose à partir de la 12e semaine, jusqu’à la 36e semaine, on peut prévenir les complications. A défaut, si l’hypertension est installée, plus on traite plus vite, plus on a la chance de prévenir les complications. Avec les consultations précoces, on peut découvrir d’autres maladies comme le diabète, l’hypertension artérielle. Dans ces cas, elles ne doivent pas avoir une consommation de sel excessive, consommer de la graisse à l’excès, être sédentaires. Elles doivent avoir une activité physique».

Est-ce que des études l’ont démontré ?

«Il y a beaucoup d’études. L’école de gynécologique obstétricale s’est beaucoup préoccupée de l’association grossesse-hypertension. C’est un problème quotidien que nous rencontrons. Et, on fait des thèses, des mémoires de spécialisation. En 2001 et 2002, à la clinique gynécologique obstétricale de l’Hôpital Le Dantec, on a eu 11.335 accouchements dont 1.056 associations, soit 10 %. Les complications vont entraîner le décollement du placentaire, c’est un caillot qui va se former et être la source de complications maternelles, comme l’éclampsie, ce que les Wolof appelle «Haï», une complication en crise, les femmes arrivent en transe. C’est une complication cérébrale de l’hypertension artérielle.
Globalement, la létalité est de 18%, c’est-à-dire sur 100 femmes qui ont une hypertension pendant la grossesse, les 18 vont mourir de diverses complications. C’est beaucoup, cela fait une femme sur 6. Avec tous les efforts fournis. La mortalité périnatale est de 40 pour mille. Si on prend 1.000 naissances vivantes, il y a 40 enfants qui n’ont pas pu survire in-utéro, ou dans les jours qui ont suivi l’accouchement, parce qu’ils ont été victimes de l’association de l’hypertension».

Il faut alors inciter les femmes à faire les consultations prénatales…
«Les consultations prénatales sont la pierre angulaire, c’est au moment des consultations que toutes les pathologies qui peuvent interférer avec la grossesse doivent être dépistées et prises en charge. Je pense que si le personnel exécutait ces consultations prénatales de façon correcte en identifiant les facteurs de risque et en référant les femmes de périphérie, cela minimiserait les conséquences. C’est le message fort. Il faut faire un dépistage et insister sur les consultations prénatales».

Dossier réalisé par Maïmouna GUEYE et Idrissa SANE

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