À Rwinkwavu, zone minière de l’Est du Rwanda, un programme d’alimentation pour les enfants de mères porteuses du Vih/Sida commence à donner ses premiers résultats. Initiée en août 2005 par le ministère de la Santé et l’organisation Partners In Health, l’opération concerne 250 bébés. En l’espace de huit mois, 80 % d’entre eux, nourris exclusivement au lait artificiel, ont évité la contamination.
Dans cet hôpital, les sidéennes reçoivent, pour la plupart, des antirétroviraux et les femmes enceintes séropositives sont traitées jusqu’à l’accouchement pour réduire la transmission du virus de la mère à l’enfant.
Une fois l’enfant né, elles reçoivent l’assistance dont elles ont besoin afin d’éviter qu’elles donnent le sein à leur bébé, risquant alors de le contaminer. «Nous leur fournissons du lait artificiel, un thermos, un réchaud et du pétrole. Nous leur expliquons également comment préparer ce lait nouveau pour elles», précise la responsable du programme.
Beaucoup de petites vies ont ainsi été préservées. La sensibilisation des mères aux vertus du lait artificiel connaît malgré tout quelques ratés : «Au cours d’une visite à domicile, nous avons surpris une femme en train d’allaiter au sein son enfant. Elle avait pourtant reçu du lait artificiel... Aujourd’hui, la contamination de son enfant n’est pas exclue…» Surprise par l’équipe médicale, la jeune mère explique : «Après l’accouchement, je n’ai pas donné le sein à l’enfant, mais il ne voulait pas du lait artificiel et pleurait beaucoup. Je lisais une telle souffrance sur son visage que je me suis finalement décidée à l’allaiter».

Donner le biberon en cachette

Dans la culture rwandaise, il est encore impensable qu’une femme n’allaite pas son enfant. Sauf en cas de maladie grave.
Mais, les malades du sida ne peuvent dire publiquement qu’elles sont infectées de peur d’être accusées d’avoir commis l’adultère et d’être ensuite abandonnées par leurs maris et parfois par toute leur famille.
Mme Uwimana vient tout juste d’accoucher. À la sortie de l’hôpital, elle tient tendrement son bébé dans les bras. Elle a pourtant du mal à cacher son inquiétude : «Je me demande comment je vais faire pour donner le biberon devant ma belle-mère qui ne sait pas que je suis porteuse du Vih…». Après quelques minutes de réflexion, cette maman évoque la possibilité de donner en cachette du lait artificiel à son enfant.
Une solution adoptée par bon nombre de jeunes mères. Certaines vont jusqu’à vendre le lait artificiel qu’on leur a donné pour cacher plus efficacement leur séropositivité. Immaculée n’est-elle pas parvenue à imposer à son entourage la solution qu’elle avait choisie : «J’ai expliqué à mon mari que je ne devais pas allaiter mon enfant, mais il m’a forcée à le faire. Maintenant, l’enfant est séropositif…»
La région de Rwinkwavu, zone minière marquée par la présence de nombreux ouvriers et un certain vagabondage sexuel, est l’une des plus touchées par le sida au Rwanda. En 2005, le taux de prévalence du Vih y était de 18 %, contre 3 à 10,2 % dans le reste du pays.
Ce programme en faveur de l’allaitement artificiel, pour le moment encore unique dans le pays, est donc suivi de près par les autorités. Le ministère de la Santé envisage d’ailleurs de l’étendre prochainement à l’ensemble du pays.

Solange Ayanone/Syfia

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